Le Temps des doryphores
250 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
250 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Avant que mes derniers souvenirs d'enfance ne s'envolent à jamais, j'ai pris le temps de les poser sur une feuille blanche. Cette année 1944 fut riche en événements et en drames ! Les jeux dangereux étaient notre quotidien ! Le p'tiot gars que j'étais caillassa un colonel allemand, s'extasia devant la nudité des belles filles tondues avant de faire pénitence en apprenant les rudiments de l'écriture à un brave tirailleur sénégalais.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 29 juin 2016
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342052855
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0090€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le Temps des doryphores
Jean-Claude Piellard
Mon Petit Editeur

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Mon Petit Editeur
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
Le Temps des doryphores
 
 
 
 
À tous ceux qui nous ont quittés depuis le départ des doryphores.
À mes chers parents…
À mes copains…
À Bernard…
 
 
 
 
Avant-propos
 
 
 
Vous connaissez ces petits coléoptères qui s’installent sur les feuilles d’un plan de pommes de terre et le dévorent en un rien de temps ? Venus d’Amérique, ils prolifèrent rapidement en ravageant votre récolte de patates. Faciles à repérer, avec leurs élytres verts et orange, mais difficiles à éliminer. Les anciens qui ne possédaient que quelques arpents de culture, prélevaient ces petites bêtes à la main pour les écraser férocement d’un violent coup de talon. Néanmoins, ils étaient toujours présents, et chaque jour, il fallait recommencer l’opération. Bien planqués sous les feuilles, ils narguaient le chasseur qui finalement s’en accommodait et décidait de vivre avec. Dans l’antiquité, ils avaient déjà donné leur nom aux soldats armés d’une lance.
Rien de plus normal que nos envahisseurs allemands, de « vert pipi » habillés, fussent baptisés du nom de ce champion de la patate. Encore plus cruels que nos petites bestioles, ils déferlèrent en cette année mille neuf cent quarante, ravageant tout ; aucun traitement ne pouvait les éradiquer. Le seul qui fut très efficace est venu de nos amis américains. Juste retour des choses : ils nous avaient envoyé les doryphores, ils nous ont aidés à les chasser.
 
J’ai essayé de grandir, pendant cette période trouble allant de l’année mille neuf cent quarante à l’année mille neuf cent quarante-cinq, dans un merdier indescriptible. D’abord l’exode de toute la famille vers des contrées supposées tranquilles, puis la grande débâcle avec tous les risques qu’elle pouvait engendrer : mitraillage des convois, sabotage des trains… Enfin le retour toujours risqué dans notre maison abandonnée si précipitamment.
Dès lors, nous n’étions plus seuls : le drapeau à croix gammée flottait sur tous les édifices publics. Ma ville, mon quartier étaient méconnaissables. Les bottes cirées résonnaient sur l’asphalte, les véhicules armés peints en vert sillonnaient les rues, les chars manœuvraient tout en arrachant de leurs chenilles le goudron de la place Grévy. Le grand merdier commençait.
« Il faudra bien s’habituer, disaient les pessimistes, car ils sont là pour un bon moment ! »
Eh bien oui, il fallait faire avec :
- Avec les bombardements, la sirène qui nous plongeait dans les caves obscures.
- Avec les chasseurs qui se poursuivaient dans notre ciel au son de la mitraille.
- Avec les boches qui tiraient sur tout ce qui bougeait.
- Avec les assassinats, les tortures de ceux qui voulaient se révolter.
- Avec les privations, le manque de produits nécessaires à une croissance normale pour nous les p’tiots.
- Avec nos parents qui prenaient des risques pour nous assurer le minimum vital.
 
Malgré tout, nous avons franchi ces années pourries sans un trop lourd traumatisme. Néanmoins certaines scènes et visions ont dû se planquer dans un petit coin de mon jeune cerveau, pour les restituer quelques années après distillant goutte-à-goutte ces souvenirs susceptibles d’intéresser quelques quidams.
 
Je suis né un lundi de pâques dans la ville de Dole, quelques décennies après notre célèbre Louis Pasteur, quelques années avant la deuxième guerre mondiale, dans une petite maison, elle-même dans une petite rue reliant la rue de la Paix à celle du 21 janvier exactement au numéro trois de la rue Gollut. D’un côté, quatre immeubles regardant un grand parc où se mêlaient arbres fruitiers et d’ornement : un majestueux coudrier centenaire étalait ses branches presque horizontalement, les premières à quelques mètres du sol seulement, comme une invitation à grimper dans sa superbe ramure ! On ne s’en privait pas ; nous l’avions adopté comme point de ralliement et nous passions des heures dans cet arbre, arrivant même à construire une cabane dans ses superbes branches. Néanmoins, pour arriver dans ce petit paradis, il fallait escalader un mur de presque deux mètres. L’ensemble du parc était ceint de cette clôture de pierre. L’entrée principale se situait Place Grévy. Nous évitions car nous devions passer devant la kommandantur, les sentinelles armées jusqu’aux dents me foutaient la trouille. De la rue Gollut, pas de problème, quelques pavés en guise d’escaliers et, hop, nous étions sur le mur. Il suffisait d’écarter les branches d’un sureau avant de glisser de l’autre côté.
 
Ma maison natale, construite par mon grand-père paternel dont je n’ai aucun souvenir, comportait au rez-de-chaussée, l’atelier de mon père ; au premier étage, notre logement ; au deuxième étage, l’habitation de mes trois tantes, sœurs de papa. Nées vers la fin du dix-neuvième siècle, elles étaient bonnes à marier lorsque la grande guerre éclata. Mais voilà, l’armistice signé, les hommes faisaient défaut, la plupart des prétendants ne revinrent pas et mes braves tatas restèrent célibataires. Malgré tout, elles voulurent payer leur écot à la patrie en devenant infirmières bénévoles, pour soulager les pauvres poilus rescapés et rapatriés dans un triste état.
La plus âgée, Marthe, travaillait pour un vendeur de costumes ; elle bâtissait les pantalons que lui apportait coupés son employeur ; de plus, c’est elle qui était aux fourneaux pour les repas.
Joséphine, plus jeune de deux années, exerçait la belle profession de couturière. Quand elle posait ses aiguilles, c’était pour assouvir sa passion : la pâtisserie.
La cadette, Jeanne, aidait Josy aux travaux de couture ; sa spécialité : faire le café, qu’elle adorait.
Mon père était le quatrième enfant d’une fratrie de cinq, d’un père taillandier, métier qu’il continua lorsque grand-père prit sa retraite. Il quitta Dole pour s’installer à Flammerans, petit village de Côte-d’Or, à six kilomètres d’Auxonne. Mon pauvre pépé était veuf, sa chère épouse n’ayant pas supporté la naissance de son dernier enfant, mon oncle Raymond qui, fit carrière comme conducteur de locomotive.
Maman Jeanne, fille unique, exerçait le beau métier de femme au foyer et de brodeuse à ses moments perdus. Mon papi maternel était fonctionnaire, chef de gare à la SNCF. Je garde un vague souvenir de lui. Une assez forte corpulence, des cheveux blancs, ainsi qu’une grosse moustache en guidon de bicyclette.
Ma chère mère, avant de connaître papa, fut amoureuse d’un aviateur qui, lors d’un meeting, eut la mauvaise idée de vouloir raser le toit d’une maison, ne cabra pas son appareil assez tôt et heurta la cheminée ; maman perdit son fiancé. Elle se consola un peu plus tard dans les bras d’un grand garçon, aux yeux gris bleu, taillandier de son état.
Je suis le benjamin de la famille, ma sœur ayant eu la bonne idée de naître six ans avant moi.
 
Papa a passé son existence dans sa forge à valoriser la taillanderie. C’est le travail tout en finesse du fer et de l’acier, de tout ce qui est tranchant. Il maltraite le fer, cajole l’acier pour satisfaire les artisans dont le savoir-faire sera toujours plus fort que la machine. Il aimait tellement son travail qu’il ne songeait même pas à prendre de vacances.
Du soc de charrue pour le cultivateur à la hache du bûcheron, aux broches du maçon, il façonnait, martelait le métal, trempait l’acier pour le durcir. Je me souviens de l’élaboration d’une hache, passant des heures à le regarder faire. J’ai dans la tête toutes les opérations nécessaires pour transformer une barre de fer en un outil au fil coupant comme un rasoir.
J’ai aussi dans le nez cette odeur particulière, quand l’acier rouge grenat, retiré du charbon incandescent, plongeait dans le bac de suif, dégageant une fumée blanche qui envahissait toute la forge et la maison entière.
C’était la phase délicate de la trempe ; c’était elle qui allait définir la qualité de l’outil et sa pérennité.
Ses clients de prédilection : ceux qui travaillaient la terre, les paysans, les agriculteurs, les maraîchers, les jardiniers qui avaient leur exploitation dans les villages environnants : Brevans, Baverans, Authume, Champvans et bien d’autres petits bricoleurs du dimanche. Les entreprises de maçonnerie, les bûcherons lui achetaient au moins deux sortes de haches : une pour abattre les arbres en forêt, l’autre pour fendre les billes de bois après sciage. Papa était « à cheval » là-dessus car le tranchant de l’outil n’était pas le même suivant son utilisation. Oui, je me souviens de ses précisions… Rarement, mais une fois l’an, il rajeunissait d’énormes pioches servant à arracher d’un sol caillouteux les racines de gentiane.
 
Par ces temps de privation, les exploitants agricoles ne manquaient de rien évidemment puisqu’ils élevaient poules, lapins, cochons et qu’ils avaient tous une bonne vache, avec du bon lait et qui dit lait, dit beurre, crème, fromage…
Par contre, nous gens des villes, nous manquions de tout. Le peu à quoi nous pouvions prétendre, pour l’avoir dans notre sac, c’était la galère : faire la queue des heures, pour souvent s’entendre dire :
 
« On n’a plus rien, revenez demain… »
 
Et comme des cons, on refaisait la queue ; enfin pas moi ! … quoique le jeudi était mon jour de pain. Souvent on me piquait ma place, je n’osais rien dire…
Mais notre petite famille avait un avantage sur ces pauvres citadins.
Papa avait la possibilité de faire un peu de troc… Un vrai travail d’artisan contre des produ

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents