Les trompettes de Jéricho
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Les trompettes de Jéricho , livre ebook

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Description

On ne peut pas réduire l’histoire d’Evelyne à son vécu religieux au sein d’une assemblée de frères. Ses parents, qui tentaient de reprendre une vie commune, espéraient un garçon, après la naissance de trois filles. Mais Evelyne est née... Encore une fille ! Une petite fille qui a grandi, cahin-caha, au milieu d’un couple désuni et en difficulté matérielle, tiraillée entre un père « coupable et absent » et une mère « courage » qui tenait la barre à travers des méthodes d’éducation humiliantes. Cependant, le repli au sein d’une communauté religieuse intégriste et moralisante a probablement renforcé le sentiment de honte et les craintes d’Evelyne. Comment exprimer sa peur de Jésus, alors qu’il est censé apporter paix et joie ? Quel est l’impact des prophéties apocalyptiques sur une petite fille déjà fragilisée ?



Dédicace :
À Lucien, Natacha et Marie

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 28 août 2018
Nombre de lectures 2
EAN13 9782414264117
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0037€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-414-26412-4

© Edilivre, 2018
Exergue

Dans cette confrontation de l’individu avec la vérité de son enfance s’effectuent les retrouvailles avec soi.
ISABELLE LEVERT
Aucune réalité n’est définitivement figée, ce qui signifie qu’on ne peut porter de verdict irrévocable sur un groupe, car il peut évoluer tout au long de son histoire, parfois même soudainement.
NATHALIE LUCA
Préambule de la recueilleuse
Après l’obtention d’une licence ès sciences sociales à l’âge de 46 ans, j’ai rejoint le domaine du travail social. En cours d’emploi, j’ai éprouvé le besoin de réfléchir à ma pratique, en m’engageant dans une formation continue universitaire en éthique du travail social. Ces études, le travail et mon vécu m’ont conduite à m’intéresser au récit de vie de ma mère. Dans ce but, j’ai suivi en 2009 un premier niveau de formation de recueilleuse de récits de vie, organisée par Madame Catherine Schmutz, Docteure en sciences de l’éducation. Cette année 2018, je participe aux niveaux 2 et 3 dans le cadre de la formation continue de l’Université de Fribourg.
Peu après la mort de ma mère, j’ai terminé son récit, que j’ai intitulé : Le temps ne guérit pas toutes les blessures . Cette expérience m’a profondément touchée, elle a ouvert le chemin de la compassion et d’une relation apaisée, grâce à une meilleure compréhension de mon histoire familiale. Persuadée de l’importance des petits pas, de l’aspect extraordinaire des récits ordinaires, j’ai mené à terme trois autres récits, avant de connaître Évelyne et d’accepter de vivre avec elle une nouvelle aventure : Les trompettes de Jéricho.
Lors de notre première rencontre en 2016, nous nous sommes très vite senties en confiance. Toutes deux nées dans les années cinquante, dans le canton de Vaud, nos vies comportent une importante similitude : une éducation religieuse rigoriste, moraliste et cloisonnée, au sein de mouvements issus du protestantisme, qui se soumettent à une lecture littérale de la bible. Nous étions dans l’attente du retour de Jésus, de la fin du règne mauvais de ce monde… et les prophéties apocalyptiques ont pénétré nos têtes de petites filles.
À la suite de cette entrevue et d’un temps de réflexion, nous nous sommes engagées, sur la base d’un contrat de collaboration.
À Bursins, dans la cuisine ensoleillée d’Évelyne, je me suis assise et j’ai enclenché mon enregistreur : le temps a reculé… Évelyne a parlé librement, spontanément. J’écoutais, parfois je l’interrompais pour quelques éclaircissements ou simplement des commentaires, car son histoire résonnait avec la mienne. Larmes, rires, silences, connivences ont naturellement ouvert le passage du vous au tu.
Il est important de distinguer l’histoire vécue par une personne et le récit qu’elle en fait. Par petites touches, le passé est recomposé, comme un artiste peint une toile et tente peu à peu de lui donner sens, aussi modeste soit-il. Entre la réalité et l’histoire écrite, s’insèrent le temps, la distance prise par Évelyne, son ressenti, les fragments de souvenirs sélectionnés ou oubliés par la mémoire, le passage de l’oral à l’écrit, l’imperfection des mots, les interactions entre la narratrice et la recueilleuse ainsi que le travail de cette dernière.
Afin de comprendre au mieux le contexte touffu de l’histoire d’Évelyne, de mettre de l’ordre dans ma pensée et d’aider le lecteur à se situer, je me suis constitué une bibliographie à laquelle je fais référence. Cette méthode de travail n’a aucune prétention scientifique, mais répond à un souci de précision.
L’histoire des mouvements religieux issus du protestantisme est extrêmement complexe. Évelyne fait référence à plusieurs Églises et à des dénominations différentes pour une même communauté. Une documentation préalable m’a été indispensable. Par ailleurs, expérience faite, notamment avec le récit de ma mère, je suis persuadée que la lecture renforce notre compréhension émotionnelle, augmente notre empathie, nous aide à mieux saisir l’autre et soi-même. Elle insère également notre vécu dans celui de nos semblables et peut nous permettre d’accéder à une forme de reconnaissance. Je me suis souvent sentie rassérénée par une phrase, une pensée, une réflexion, tirées d’un livre… C’est pourquoi je me suis également modestement intéressée aux problématiques de la honte et de la maltraitance présentes dans ce récit.
Munie de toutes les transcriptions d’entretiens et de mes lectures, j’ai organisé ce voyage dans la mémoire par thèmes, autour de quelques mots forts de la narratrice, qui constituent le plan et les titres de chapitres. La réécriture reste proche des termes utilisés par Évelyne, qui créent l’atmosphère de son histoire.
Enfin, avant de conclure le projet, je l’ai transmis à Évelyne pour une première lecture, pour d’éventuelles précisions ou corrections avant de le « figer » sur le papier. Au-delà de cette nécessité matérielle, un récit est toujours en devenir, en recomposition…
On ne peut pas réduire l’histoire d’Évelyne à son vécu religieux au sein d’une assemblée de frères. Ses parents, qui tentaient de reprendre une vie commune, espéraient un garçon, après la naissance de trois filles. Évelyne est née… encore une fille ! Une petite fille qui a grandi, cahin-caha, au milieu d’un couple désuni, en difficulté matérielle, tiraillée entre un père « coupable et absent » et une mère « courage », qui tenait la barre à travers des méthodes d’éducation humiliantes. Cependant, le repli au sein d’une communauté religieuse intégriste et moralisante a probablement renforcé le sentiment de honte et les craintes d’Évelyne. Comment exprimer sa peur de Jésus alors qu’il est censé apporter paix et joie ? Quel est l’impact des prophéties apocalyptiques sur une petite fille déjà fragilisée ?
Mais, au-delà du négatif, il y a aussi du positif dans l’appartenance à l’assemblée des frères : l’intégration d’une famille en difficulté dans un groupe, qui était également solidaire et amical. Grâce à ses tantes Gaby, Madelon, Alice, James un cousin du côté maternel, et les Jaques, Évelyne a tenu le coup. Sans oublier les Kramer, qui ne font pas partie des frères.
Il a fallu beaucoup de courage à Évelyne pour oser réveiller des émotions, pour en parler et pour prendre le risque de les transmettre. Elle a senti que je pouvais comprendre, à cause de mon vécu d’enfant de témoin de Jéhovah. Les souvenirs d’Évelyne se sont effectivement mêlés aux miens et ils se mêleront à ceux des lecteurs…
Corinne Perlini
Si c’est une fille…
« Je raconte ce que l’on m’a raconté. Je ne peux pas avoir de souvenirs de ce moment et des premières années de mon enfance. »
Je suis née le 2 décembre 1957. Mes parents avaient déjà trois filles et ils espéraient un garçon, qui devait s’appeler Édouard. En route pour l’accouchement, dans la voiture, mon père a dit : « Si c’est une fille, je la tue. » Ma sœur aînée, âgée de huit ans, a entendu cette phrase, elle a eu très, très peur, elle a beaucoup pleuré…
Il y avait de l’amour au départ
Mes parents se sont mariés le 17 septembre 1948. Ma mère m’a toujours dit qu’ils étaient fous l’un de l’autre. « Il y avait de l’amour au départ ». Ils vivaient à Pampigny et faisaient partie des assemblées de frères, que l’on qualifie habituellement de « darbystes étroits 1 , 2  ». (Il ne faut pas noter « darbyste », mais assemblée de frères.)
– (Les assemblées de frères n’aiment pas être nommées « darbystes », vous désirez respecter ce souhait. Cependant, par souci de compréhension du texte, il m’est difficile d’en éviter l’usage. Je le citerai donc entre parenthèses.)
Issus d’une longue lignée « darbyste », ils ont naturellement respecté la directive de mariage avec un membre de la communauté 3 . Dans le cas contraire, « on est sous un joug mal assorti », selon un verset de la Bible. (Je ne sais plus lequel et je n’ai pas envie de noter les versets bibliques.) On nous enjoignait à se marier entre nous. Certains parents pouvaient rejeter leurs enfants, s’ils désobéissaient. Je n’en ai pas connu. Dans notre famille, une de mes sœurs a épousé un catholique. Au début, ma mère a eu de la peine à l’accepter. Elle cachait sa confession ou elle mettait l’accent sur l’engagement chrétien de sa famille, elle expliquait : « Oui, il est catholique, mais son père voulait l’inscrire au collège Saint-Michel pour qu’il devienne prêtre… » Ce mariage mixte, célébré par un prêtre et un frère de notre assemblée, n’a pas été accepté par tous, certaines personnes ne sont pas venues à la cérémonie. Ma sœur en a souffert.
Ma mère a dû se séparer de ses parents – comme ses frères et sœurs – à l’âge de trois ans. Sa maman souffrait d’une maladie mentale, elle a été hospitalisée de nombreuses fois et n’était plus en mesure d’élever ses enfants. Quant à son père, il a connu des difficultés financières en tant que paysan, il a été contraint de s’engager comme domestique dans une ferme. Les enfants ont été dispersés et accueillis chez leurs oncles et tantes. « Ma mère en a bavé » dans son nouveau foyer. L’oncle qui l’a élevée n’a pas été correct avec elle. Il a eu des gestes déplacés.
Les parents de mon père tenaient la laiterie de Pampigny. C’est surtout ma grand-mère qui s’en occupait, car le grand-père buvait plus qu’il ne travaillait. Il était mal vu dans le village. Maintenant, je me dis que mon père a eu un mauvais exemple. Je pense qu’il aurait dû rester célibataire, sans enfants, et tenir un chalet d’alpage avec du bétail. Il aimait la solitude. Peut-être qu’il aurait été plus heureux. Il désirait exercer le métier de fromager. Ses parents – surtout sa mère – n’étaient pas d’accord. En tant que « darbyste », on

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