Mon fil à linge
252 pages
Français

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Description

L'auteur étend sur son Fil à linge ses souvenirs du milieu du XXe siècle au début du troisième millénaire. En un regard lucide, Jean-Marc Charpentier déroule sa vie sous forme d'anecdotes touchantes, drôles, parfois pathétiques, mais toujours pittoresques pour la faire renaître dans la perspective de l'Histoire. Au-delà de la singularité d'un destin, cette œuvre autobiographique est aussi un témoignage fort sur la situation d'une génération : les baby-boomers.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 19 août 2013
Nombre de lectures 1
EAN13 9782342010916
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0071€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Mon fil à linge
Jean-Marc Charpentier
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
Mon fil à linge
 
 
 
 
Avertissement
 
 
 
Un fil à linge sert, à l’aide de pinces du même nom, à étaler à la vue de tous ses « affaires ». C’est ce que je vais tenter de faire publiquement mais pudiquement, dans les lignes qui suivent.
 
Ce texte sans prétention s’adresse prioritairement à mes enfants et petits-enfants, afin qu’ils connaissent un peu plus leur Papa et Papy, et les expériences qu’un Français moyen a pu vivre durant la seconde moitié du XXe siècle et les premières décennies du IIIe millénaire.
 
Il peut également intéresser mes sœurs qui se reconnaîtront dans certains passages ainsi que mon frère s’il peut le voir depuis les étoiles où il s’est envolé.
 
I. Premiers souvenirs
 
 
 
J’ai fini de rire et de mourir
L’un avec l’autre, colombe cruellement…
Quelle nuit porte ce jour splendide,
Les gens sont oiseaux d’égarement !
Le monde est le chemin
D’aimer.
Comme de mourir
Il faudra vivre encore,
Même dans les jours noirs,
Au-delà des larmes et du sang…
Vivre, voisins, sur une seule terre.
Il faudra bien aimer
Comme encore jamais
Et ce jour-là sera ma patrie,
Semblable à l’enfant retrouvé ;
Parmi les ruines abandonnées ;
Marchons pour la paix !
Louis ARAGON le 20 juin 1982
(Poème paru le 21 juin 1982 dans « l’Humanité »)
 
 
Naître en 1943 durant la guerre c’est plutôt difficile, mais j’ai eu la chance d’être le benjamin (à titre provisoire) d’un trio, les deux aînés étant des filles. Être le premier garçon m’a valu l’admiration, notamment, de mon grand-père maternel. (Hélas nous n’aurons pas eu le temps de nous connaître, car mon pépère, comme on disait à l’époque, est décédé à 53 ans, quelques mois seulement après ma naissance. Est-ce un signe de passation de relais ?).
* * *
Je n’étais encore qu’un quadrupède, moins de 18 mois que, attiré par le caniveau qui ruisselait devant notre maison, j’eus le désir d’y plonger mes doigts et de déguster ce liquide qui venait directement de la maison voisine abritant la forge du maréchal-ferrant. Je n’ai jamais su si la tiédeur du liquide que j’étais entrain de goûter était due à l’eau de refroidissement du fer forgé ou à l’urine du cheval qui se faisait ferrer. Mais peut-être dois-je ma santé (de fer ?) à cette potion magique. Mes sœurs qui se moquaient de mon expérience gustative avaient fait sinon mieux, du moins aussi bien en ingurgitant leurs propres déjections intestinales ou urétrales. Quelle famille !
* * *
Curieux, j’ai toujours eu un œil et une oreille qui captaient tout ce qui se passait autour de moi. Si bien qu’un jour, après avoir observé ma mère qui venait de tuer une poule en lui coupant la langue (sans doute pour la « saigner »), il me vînt à l’idée de faire la même chose à ma seconde sœur pour la punir sans doute d’une moquerie banale mais qui avait dû vexer mon amour-propre de petit mâle. Et me voila, ciseaux en main, à la poursuite de ma sœur. Les cris de panique de ma sœur ont eu vite fait d’alerter ma mère qui fit cesser cette mascarade en m’infligeant certainement la plus grosse fessée de ma vie, et j’avoue que la honte de mon geste m’a hanté longtemps.
* * *
À cette époque le Cher matérialisait la ligne de démarcation (séparation de la « zone libre » de la « zone occupée ») déterminée par l’armée allemande qui occupait tout le nord de la France. Il y avait bien sûr des courageux « passeurs » qui transportaient d’un côté ou de l’autre de la rivière des personnages dont ils ne voulaient rien savoir de leur motivation, sauf pour certains parfois à qui ils réclamaient des espèces sonnantes et trébuchantes.
Cette époque était marquée, entre autres, par le manque de carburant. Ma grand-mère qui tenait la boulangerie, aidée de ses deux fils Jean et Raymond, avait besoin de ce précieux liquide pour cuire les fournées et livrer en pain les habitations éloignées du bourg.
Un jour, un avion largua son réservoir de l’autre côté du Cher en zone libre. Ayant eu connaissance de ce largage, mon père qui était bon nageur fut chargé de tenter de récupérer le réservoir dans lequel il devait rester quelques litres de carburant. À la nage il entreprit de traverser la rivière pour rejoindre le point de chute supposé du réservoir de l’avion.
Pour ceux qui connaissent ce cours d’eau, il y a parfois des remous créés par des trous en fond de lit. Ces remous attirent le nageur vers le fond et pour ne pas se noyer il faut se laisser emporter au fond et se dégager d’un coup de pied en se propulsant de côté. Mon père, en bon nageur, connaissait cette technique mais sans doute pressé de rejoindre l’autre rive, il négligea d’appliquer ce principe et ne dut son salut qu’à un réflexe instinctif de survie qui lui rappelât le geste salvateur.
Il parvint donc à rejoindre la rive opposée du Cher et se mit à la recherche du fameux réservoir. Quand il l’aperçut quelqu’un était déjà entrain de récupérer le précieux liquide. Il n’eut plus qu’à s’en retourner comme il était venu en se méfiant cette fois des traîtres remous.
* * *
Au début de la guerre ma sœur aînée, Claudette, se souvient que nous avions recueilli dans notre maison de Noyers des réfugiés, une famille avec des enfants qui venait du nord de la France (peut-être Saint-Quentin) et qui devait s’appeler Bouillot ou quelque chose comme ça.
De même notre maison a été réquisitionnée par les Allemands lesquels occupaient, évidemment, la plus grande chambre. Ces occupants (à double titre !) se sont même servis de notre cave pour y séquestrer un de leur compatriote prisonnier. Lorsqu’ils sont partis ils ont oublié un appareil photo Kodak, que mes parents ont bien sûr gardé. Cela aura été leur premier appareil photo !
* * *
Un autre souvenir de cette triste période, sans doute en 1944 ou 1945, est l’arrivée attendue des Américains qui devaient traverser notre petit bourg. « Les voilà, les voilà ! » crièrent des enfants lorsqu’ils entendirent au loin des bruits de moteurs. Aussitôt la rue principale se remplit de curieux, bébés dans les bras pour acclamer les libérateurs. Dès l’arrivée des camions et des chars la panique fut à son comble chacun courant se cacher au plus près. Ce n’étaient pas les Américains qui traversaient notre commune mais une colonne de SS qui revenaient d’on ne sait où et qui devaient fuir en prévision de la fin de la guerre.
Qui avait donné cette malheureuse information ? Personne ne le sut. Heureusement les Allemands ne firent que passer. Ils traversèrent notre bourgade sans prêter attention à la panique qu’ils avaient créée.
* * *
J’ai retrouvé un document émanant de la mairie de Noyers, signé par le maire Louis Guerrier et dont la teneur était la suivante :
« Pour les besoins de l’Armée Allemande il est réquisitionné chez Monsieur Jouzeau Aimé (mon grand-père) un appareil de TSF.
Cet appareil devra être livré ce jour 6 août 1940. »
Sans doute pour empêcher les Français d’écouter les messages diffusés par Radio Londres, les Allemands confisquaient les appareils de « TSF ». Je pense que bon nombre d’appareils étaient dissimulés, et que les bricoleurs s’étaient équipés de postes à galène !
* * *
Durant cette période troublée, sans doute à cause du manque de chauffage, nous avons, Claudette, Françoise et moi, contracté la coqueluche. Notre mère nous a alors guéris à l’aide d’un vieux remède de bonne femme, de la bave d’escargot sur un sucre. « C’était délicieux » se souvient Claudette. Par curiosité elle a récemment parlé de cette thérapie à son médecin qui lui a confirmé qu’il existe encore un sirop qui porte le nom évocateur d’« Hélicine » ou quelque chose comme ça.
J’ai découvert sur Internet qu’une pharmacienne, Nellie Guimard, avait fait une thèse sur l’ « utilisation de l’escargot en thérapeutique ». Elle révèle que depuis l’Antiquité l’escargot sous toutes ses formes avait la propriété de guérir quasiment toutes les maladies.
En 1840, un monsieur Figuier donne le nom d’« Hélicine » à « l’huile transparente de couleur jaune extraite des escargots, indiquée contre les rhumes opiniâtres ».
De même Baron-Barthélémy parle de guérison de la coqueluche par absorption d’« Hélicine ». Il ajoute en parlant des préparations héliciées : « Les chanteurs trouvent en elles de puissants auxiliaires contre les altérations diverses de la voix ».
En 1953 Quevauviller indique que des recherches récentes ont confirmé les vertus calmantes de diverses maladies respiratoires, y compris la coqueluche.
En 1957 le sirop antitussif « Hélicidine » (petit changement d’appellation) est mis sur le marché. Quevauviller en donne d’ailleurs le mode de préparation : « On fait dégorger les animaux en présence de 1 % en poids de ClNa (sel – actuellement on dit NaCl) . Le mucus est recueilli, décanté, filtré et concentré à sec… Les solutions aqueuses sont alors conservées en ampoules stériles après passage sur filtres spéciaux ou additionnées de glycérine ».
Ce sirop serait encore commercialisé aujourd’hui. Notre mère avait donc utilisé la bonne thérapie !
Pour parfaire notre guérison nous sommes allés dans une pension de famille au Pouliguen près de la Baule, pour « changer d’air ». Claudette se souvient qu’un jour de grande marée nous étions allés loin sur le sable découvert. Bien heureusement nous avons rencontré des gens qui nous ont dit de vite revenir sur le rivage car la mer remontait et que nous devions repasser le chenal. Pour gagner du temps un monsieur m’aurait pris sur ses épaules . « Je

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