Ne baisse jamais les yeux
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Ne baisse jamais les yeux , livre ebook

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Description

« J'ai revu mon père avant une compétition de judo me répétant ses discours, dont lui seul a le secret, qui gomme toutes tes faiblesses et font de toi la future reine du ring, prête à prendre tous les coups : " Steph, c'est dans la tête, tu vas toutes les mettre KO, tu es la meilleure. Cela se joue dès ton entrée sur le tatami, ne baisse jamais les yeux, regarde ton adversaire. Si tu baisses les yeux, tu as déjà perdu". Ces phrases, je me les suis répétées des centaines de fois dès le début de cette foutue cohabitation non désirée. Je n'ai pas versé de larmes parce que c'était baisser les yeux. »

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 30 août 2016
Nombre de lectures 1
EAN13 9782334188708
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0037€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composér Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-334-18868-5

© Edilivre, 2016
Prologue
L’envie est là. L’envie d’écrire pour réaliser, pour avancer, pour dire aux autres ce que j’ai vécu et donc un peu ce que je suis, ce que je ne suis plus et ce que je suis devenue. Écrire, c’est exister, une preuve de plus que je suis là, même si l’idée qu’il en aurait pu en être autrement ne m’a jamais traversé l’esprit ne serait-ce qu’une seconde. L’espoir, c’est aussi pour cela que l’envie d’écrire m’a prise. J’aime ce mot, même s’il m’interpelle. Pour moi, on parle d’espoir quand il n’y a plus vraiment autre chose auquel se raccrocher. On parle d’espoir quand la balance peut encore pencher d’un côté ou d’un autre. Pour moi, elle ne pouvait aller que dans un sens, c’était ma conviction. Du coup, je choisirais plutôt le mot croire, celui qui est au plus profond de nous-mêmes. Croire en soi, croire que l’on est le plus fort et que l’on peut gagner, croire en l’avenir, ne penser plus qu’à ça… Lorsque l’on croit, on est toujours là, on est dans l’action, on dit bien : « tant qu’il y a de l’espoir, il faut y croire », pourquoi ne pas y croire avant tout. J’ai toujours su au fond de moi que je m’en sortirais, alors par-dessus tout, j’ai envie d’écrire pour ceux qui sont malades et qui doutent, pour tous ceux qui m’ont aidée dans ce combat et pour tous ceux qui sont partis.
Cela fait un an et trois mois depuis que l’on m’a annoncé qu’une certaine maladie, au nom barbare de LAM 3, était en train de me rendre visite. LAM 3 ou Leucémie aiguë à Promyélocytes, une sacrée lame de fond effectivement quand cette chose-là te tombe dessus. J’avais une seule image que je pouvais relier au mot leucémie et qui revenait sans cesse. Un souvenir de film lorsque j’étais enfant. Un gamin chauve sur un lit d’hôpital, seul, assis en tailleur, les jambes croisées, le regard apeuré, les traits affaiblis. Son visage est tourné vers ses parents, debout derrière une vitre. Cette image, c’est celle d’une saloperie qui t’attaque et qui te prend tout.
22 octobre 2010. Depuis quelques jours, je sens que quelque chose ne tourne pas rond. Ancienne judoka pendant plus de dix ans, je connais mon corps par cœur : les régimes, la douleur, les blessures, le dépassement de soi, la compétition. J’en avais fait une machine en quelque sorte. Et ce jour-là, la machine déraillait. Je suis en école de journalisme à Marseille, j’entre en Master 2, spécialité télévision. J’ai ce doux rêve en tête de devenir JRI comme on dit dans le jargon : Journaliste Reporter d’Images, grosso modo, celui qui court caméra à l’épaule pour faire quelques images d’une histoire qu’il souhaite vous raconter. J’en suis donc à ma dernière année d’étude avant l’entrée fracassante sur le marché du travail. Après six années post-bac, entre la licence, une année de prépa et un an de Master, j’ai bien l’intention de savourer cette tant attendue dernière année. Ce fut la plus courte, un mois à peine.
J’ai de la fièvre, mon cœur bat la chamade à plus de 140 pulsations par minute, des bleus recouvrent mes jambes. Je suis sur un tatami au milieu d’un combat. Les battements résonnent dans ma tête, assomment mes oreilles. J’ai beau essayer de contrôler ma respiration, rien n’y fait, je suis en pleine course d’un cent mètres qui n’en finit plus, assise sur mon canapé rouge. Une semaine, quelques jours, une éternité, direction Lyon où vit ma famille. Mon cœur court toujours, mon corps n’a pas très envie de suivre. Je suis fébrile, fragile, angoissée, je ne sais pas encore contre qui je lutte, mais l’adversaire semble coriace. Tout va se jouer sur cette prise de sang, après une nouvelle nuit blanche, bercée par ma mère, ma main accrochée à celle de Claire. L’union fait déjà la force, mon cœur lui, n’en fait toujours qu’à sa tête.
Midi le lendemain. Le premier jour du reste de ma vie commence. Mon visiteur a un nom, une vraie saleté, un truc auquel je n’aurais jamais pensé. Qu’ai-je ressenti ? Rien ou plutôt un vague mélange de tout. De la colère peut-être surtout, contre ce corps que j’avais dompté et dont je prenais plutôt soin, qui me lâchait sans prévenir et pas qu’un peu. Une trahison. Moi, la sportive de la famille, la dure à cuire, toujours en bonne santé, j’ai cette maladie si angoissante, tellement inconnue, un cancer au nom bizarre, presque chantant, leucémie. Une tempête, qui pour moi comme pour beaucoup ne peut arriver qu’aux autres. On est jeune, on pense la vie trop belle pour nous surprendre, on se protège. Notre esprit, malin, fait barrage à l’inimaginable. Aucune larme n’a coulé, comme si, dès cette annonce, j’étais déjà mobilisée, prête à lutter. J’ai revu mon père avant une compétition de judo me répétant l’un de ses discours, dont lui seul a le secret, qui gomme toutes tes faiblesses et font de toi la future reine du ring, prête à prendre tous les coups : « Fanny, c’est dans la tête, tu vas toutes les mettre K.O. Tu es la meilleure. Cela se joue dès ton entrée sur le tatami, ne baisse jamais les yeux, regarde ton adversaire ; si tu baisses les yeux, tu as déjà perdu ». Il disait cela sur un ton calme, jamais agressif, l’impact est bien plus fort. Rien ne ruisselle ou ne s’évapore de son discours, tout est absorbé, prêt à être expulsé en énergie positive. Ces phrases-là, je me les suis répétées des centaines de fois dès le début de cette foutue cohabitation non désirée. Je n’ai pas versé de larmes parce que c’était baisser les yeux. Autour de moi, personne n’a pleuré non plus, pas question de se laisser submerger ; j’étais là, j’allais guérir, il n’y avait pas d’autre choix.
Comme moi, je suis sûre qu’ils n’en ont jamais douté. D’ailleurs, Sophie, ma jumelle, tu ne me l’as jamais dit, mais je pense qu’au fond, tu es restée en Australie parce tu savais que je me sortirais de là. J’ai mangé, cela faisait une semaine que je ne pouvais plus rien avaler et le soir du 23 octobre mon appétit a repointé le bout de son nez, comme si le fait d’avoir mis un nom sur mes symptômes m’avait en partie libérée. Mes grands-parents paternels sont venus agrandir la tablée, j’allais entrer à l’hôpital le lendemain, à Édouard Herriot, au pavillon E, hématologie, pour une durée indéterminée. Je ne savais absolument pas ce qui m’attendait. On a joué au Yatzee, ce jeu de dés où il faut faire le plus de combinaisons possible pour l’emporter. J’ai gagné. Parfois, certaines petites victoires en appellent d’autres, un peu de superstition ne fait pas de mal.
Je ne me rappelle rien de ce premier départ pour l’hôpital. Ma tête, trop occupée à gérer mon angoisse, n’a imprimé aucun souvenir de cet instant. J’étais déjà concentrée sur la suite, tentant de mettre mes émotions de côté ; je savais que cette chose qui m’attaquait me regardait, me testait, il ne fallait lui montrer aucune faiblesse. Mes souvenirs m’emmènent directement à l’hôpital de jour du pavillon E.
J’ai toujours détesté l’odeur des hôpitaux, l’ambiance pesante, l’attente. Il y a plusieurs personnes assises sur des chaises, ils ont presque tous le triple de mon âge, j’ai l’impression qu’ils me regardent et se demandent ce que je fais là. Moi aussi. Il faut que je vous le dise, j’ai la phobie des hôpitaux. Pourtant, j’y ai déjà mis les pieds à maintes reprises, mais pour des accidents de parcours sans grosses conséquences, fracture du coude, d’un doigt de pied, luxation du coude (le même !)… Une phobie qui, dans les semaines à venir a été contrainte de se soigner rapidement, c’est ce que l’on pourrait appeler un traitement de choc. C’est un médecin à l’accent marqué qui me prend en charge, une Italienne. Elle me fait un myélogramme, le premier d’une longue série. Il existe plusieurs sortes de leucémie, la prise de sang permet de dire que l’on est atteint par cette maladie, mais pas laquelle exactement. D’où l’intérêt du myélogramme. Un examen pas très agréable, c’est le moins que l’on puisse dire, où le médecin farfouille dans un os au niveau de la hanche pour récupérer de la moelle osseuse et examiner en détail ce qui pose problème. Rien à voir avec la moelle épinière, pas de honte, moi aussi au départ, je n’en savais rien. Les cours de Science et Vie de la Terre sont sûrement trop lointains et pour tout vous dire, je me serais bien passée de la remise à niveau. Dans la moelle osseuse circulent le sang et sa cohorte de globules rouges, blancs et de plaquettes. En gros, elle contient tout le carburant qui fait fonctionner la machine. Les premiers abreuvent nos organes, nos muscles et nos poumons en oxygène, les seconds sont nos boucliers de défense contre les agresseurs, et les plaquettes évitent que l’on se vide de notre sang au moindre bobo. Avoir une leucémie, c’est un peu comme si l’on avait mis du diesel dans le moteur d’une voiture qui ne roule qu’à l’essence. Des cellules cancéreuses viennent bousculer la vie tranquille des cellules saines et la machine ne peut plus avancer. J’ai droit à une chambre « seule », ma mère et Claire sont avec moi, on ne se lâche pas. Elles me sont déjà indispensables, comme le reste de ma tribu, tous ceux qui ont suivi cette bataille, pas à pas. Le myélogramme est fait, j’ai les os durs comme du béton ; pas de chance, l’examen, censé prendre quinze minutes, aura duré le double. Ça commence mal. Puis il faut attendre. Encore. Donner des nouvelles à ceux qui s’inquiètent. Mon cœur n’a pas changé son rythme fou, l’angoisse ne fait qu’accentuer sa cadence. Je suis là, assise au bord du lit, les pieds battant dans le vide, j’essaye de parler pour ne pas penser. Le médecin arrive avec, dans ses mains, mon protocole de soin. Un descriptif de ce qui m’attend : cures, chimiothérapies, effets secondaires, pourcen

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