Pelkan, l enfant noir
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Pelkan, l'enfant noir , livre ebook

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Description

Pelkan est né dans le petit village de Kaha, au nord du pays de la dent de l’éléphant ; sa date de naissance demeure floue, car à cette époque-là on ne se préoccupe guère de registre civil ou de papier d’identité, disons entre 1953 et 1956. Il n’y a ni eau courante ni électricité et, lorsque le puits du village est à sec, comme c’est souvent le cas, les femmes doivent aller jusqu’à la rivière située à trois kilomètres. Le soir, on s’éclaire avec des lampes qui fonctionnent en brûlant du beurre de karité. C’est une société solidaire, chacun est au service du groupe, et d’ailleurs on ne dit pas « comment t’appelles-tu ? » mais « comment te nommes-t-on ? ». Il n’y a pas de parcelles individuelles non plus, tout le monde travaille ensemble dans des champs collectifs. Le surplus de production est réservé aux grandes occasions, on distribue, on n’épargne pas. Durant la saison de maturation du maïs, les jeunes enfants sont chargés de faire fuir perroquets et singes qui se régalent d’épis bien mûrs. Et gare à eux s’ils manquent de vigilance, ils risquent alors de prendre une belle chicotte !

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 19 septembre 2017
Nombre de lectures 2
EAN13 9782414126620
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0037€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-414-12660-6

© Edilivre, 2017
Préambules
Nos Algies-Nostalgie :
« Comme vues et senties, ces choses endolories
Aux roses formes, et à la douce odeur matinale des senteurs frémissantes de la savane,
Illuminent ma mémoire fertile,
Et engourdissent la sourde douleur des séparations définitives, loin refoulées, et oh !! Combien diffuses chaque instant »
Les Mureaux, 1997
« Il pleut,
Il y a du soleil,
La mère hyène va mettre bas » . Parole initiatique africaine
« Le séjour dans le marigot, si long soit-il, ne transforme pas un tronc d’arbre en poisson, encore moins en crocodile. » Proverbe
J’ai rencontré Pelkan en 2005 aux alentours de ses 50 ans. Il m’a raconté son histoire pendant 12 ans. Avec son autorisation, et sous sa signature, elle est ici restituée textuellement sans analyse ni psychanalyse, un peu comme CAMARA Laye 1 50 ans plus tôt. C’est l’histoire d’un enfant africain de l’immédiate période postcoloniale, depuis sa naissance et ses premières initiations dans un petit village des savanes, jusqu’à son arrivée à la fin de l’adolescence en France. Confronté à une série de paradoxes, Pelkan se construit entre deux mondes en interaction et parfois en conflit vers une modernité dont les contours sont imprécis. Perfusé dès le départ à la pulsion de vie, et protégé par le caméléon et le calao, ces animaux mythiques et initiatiques des savanes qui renferment toutes les sagesses, il surmonte les épreuves comme le soldat insouciant traverse en courant un champ sans s’être aperçu qu’il est miné. Le récit retrace cette enfance africaine où le réel et le symbolique se donnent l’accolade au quotidien pour façonner un imaginaire fertile et parfois surréaliste.
Djakaridja KONE
1 . L’enfant noir, Plon
Pelkan, l’enfant noir
«««  Je m’appelle Pélkan (au service des autres) 2 . Je suis né entre 1953 et 1956 à Kaha, un village du nord du pays de la dent d’éléphant. Le pays de la dent d’éléphant n’était pas encore indépendant, il était un territoire d’outre-mer de la République française jusqu’en 1958 où il deviendra République autonome dans le cadre d’une association avec la France appelée communauté ; avant de proclamer son indépendance le 7 Aout 1960 avec Nana Gnyboi (l’homme aux attributs de bélier) comme premier président. Il sera réélu jusqu’à sa mort en 1993. Né vers 1905, le Bélier avait le même âge estimé que mon père.
A l’époque de ma naissance l’état civil n’existait pas dans mon village. Pour déterminer l’âge d’un enfant, on se référait aux saisons culturales. «  Il est né à la saison sèche de l’année où nous avons cultivé les ignames derrière la rivière » . L’âge était donc approximatif et les enfants regroupés par classes d’âges. Il n’y avait pas de papiers d’identités et on n’avait pas besoin d’être précis jusqu’à la nécessité de la scolarisation. Aussi, me donnera-t-on un âge au moment d’aller à l’école. Ainsi, par jugement supplétif fait à Lakatio, chef lieux de sous-préfecture, situé à 70 Km, j’étais déclaré être né vers 1953 pour me permettre d’aller à l’école en 1960 à 7 ans révolus, comme tous les enfants scolarisés cette année-là. Mais en réalité, j’avais 5 ans ; d’autres en avaient 9.
C’est ainsi qu’aujourd’hui, je me retrouve avec 3 dates de naissance correspondant à 3 réalités administratives. Je suis né vers 1953 pour l’état civil du pays de la dent d’éléphant. Je suis né le 19/09/1953 pour la sécurité sociale française qui, à mon arrivée pour m’inscrire à l’université, m’immatricula en prenant le jour et le mois de mon jugement supplétif (19/09) accolé à l’année présumée de ma naissance (1953). Et enfin, l’état civil français, lors de ma naturalisation en 1989, m’attribua la date du 01/01/ 1953 comme date de naissance. La rigueur du système administratif français veut que toutes les personnes sans date de naissance précise soient présumées être nées le 01/01. Etudiant à Poitiers, cela me donnait l’avantage de fêter mon anniversaire quand j’en avais envie. Ce pouvait être 4 à 5 fois par ans. Puis je me suis fixé la date du 24 juillet quand ma fille est née, par commodité. Aussi, sur tous mes diplômes universitaires, est marquée la date du 19/09/1953 ; comme sur ma carte de sécurité sociale et mon permis de conduire. Mes papiers d’identité français comportent la date du 01/01/1953 ; et mes papiers d’identité ivoiriens, indiquent “né vers” 1953. Ces discordances apparentes m’ont occasionné quelques déconvenues au moment de la numérisation et du croisement de fichiers. «  Ne serait-il pas un “sans papier” déguisé, un faussaire »  ? Pouvais-je lire dans le regard soupçonneux de certains bureaucrates vérificateurs de l’administration française qui se retrouvaient avec deux dates de naissance pour la même personne.
Ces dissonances causeront sans doute quelques soucis à ma descendance pour prouver leur identité ici et ailleurs, par ces temps de replis nationalistes et identitaires, où il faut montrer patte blanche par ci, patte noire par-là, et ainsi de suite. Et où le contrôle s’est généralisé et s’est affiné en précision.
Le village où je suis né, Kaha 3 est situé dans la savane arborée, au centre-nord, en pays Sénoufo, plus précisément Tagbana. Le peuple Senoufo 4 se localise dans les savanes d’Afrique de L’Ouest à l’intersection de 3 pays dont celui de la dent d’éléphant qui en abrite la plus grande partie.
A Kaha, il y a 3 grandes familles : les Coulibaly (horo ou Soro 5 ), les Koné (hili ou silué), et les Ouattara (yéo, yè). A Kaha, la chefferie appartient exclusivement aux Hili fondateurs du village.
Dans la mythologie tagbana, chaque enfant qui naît est un être envoyé par les génies des eaux. Ainsi, chacun possède « son eau. » CAD sa rivière d’origine. Pour tous les problèmes concernant son existence, le lieu du sacrifice sera le bord de cette rivière. Il s’agit d’une offrande sous forme d’animal sacrifié où / et de pains de kaolin. Le type de poissons qui y foisonne sera son poisson totem, qu’il ne peut manger, en particulier le silure qui a la peau aussi lisse que l’homme. Ma rivière d’origine comme la quasi totalité de la famille est le « Lögnin » (la rivière rouge) située entre kaha et le “village de l’homme rouge”.
Je suis le 6° enfant d’une fratrie de 7. L’aîné, Mèta (bonheur trouvé) est né vers 1934. Le second est Yédounou (ne faites pas de bruits ou ne vous disputez pas, selon la prononciation). Il a été militaire dans l’armée française où il fit la guerre d’Algérie, puis enseignant et gendarme. Mes deux frères aînés sont décédés. Mes frères et sœurs ont tous eu de nombreux enfants. La petite dernière a battu le record avec 11 enfants vivants. Je ne connais pas tous mes neveux et nièces tant ils sont nombreux, cependant que moi j’ai eu une fille unique.
En pays Tagbana, le prénom est toujours métaphorique et a un sens pour les parents que bien souvent l’enfant confirme par son caractère ou son destin. Ainsi, les enfants appelés kiyofôlô (celui qui va le dire) sont investis de la mission de révéler des secrets de famille. Ainsi donc, le nom personnel de l’enfant, donné le plus souvent par le grand-père ou la grand-mère paternel selon son sexe, peut être lié à des caractéristiques physiques de l’enfant, aux circonstances, au jour, ou à sa place de naissance. Il peut aussi être chargé de sens, porteur d’une sorte de message. Par exemple : télèèè (terre initiale) ; Kapra (enfant inattendu) ; Fanguerama (la force n’y est pour rien) ; Kidjegbo (ça ne tue pas) ; Pékrôgnan (ils ont vu l’héritage), Penawéléfa (on le regarde comme un moins que rien), etc.
L’enfant né de l’union d’un vieil homme sexuellement inactif avec une jeune femme, sera prénommé de manière à laisser entendre qu’il y a eu l’intervention d’un tiers. On pourrait parler d’insémination naturelle avec donneur. Celle-ci pouvait aussi se faire en cas d’infertilité masculine. La chose se faisait dans un cadre ritualisé strictement clos, quasi initiatique, sous le contrôle des femmes âgées. Dans tous ces cas, la paternité sociale primait sur la paternité biologique, cette dernière n’ayant pas droit de citer.
Mon père qui était “animiste” (religion traditionnelle) à la naissance de ses deux premiers enfants, a été converti musulman à la naissance de la 3° vers 1945. D’où les prénoms à consonance musulmane des suivants dont moi. Cependant, il m’appelait Télêêê, ce qui signifie “l’ancien lieu ” ou “terre initiale, des origines”. En effet, au moment de ma naissance, il lui avait été demandé de retourner dans le village qui l’a vu naître et grandir, pour y assumer sa responsabilité de chef de famille et de terres. Il refusa, arguant qu’à Kaha était la terre initiale, le lieu réel des origines, car fondé en premier. Il allait donc y rester. Télêêê est donc mon prénom intime. Celui que je porte officiellement est celui que le marabout m’attribua le jour de mon baptême, 8 jours après ma naissance comme il est de coutume chez les musulmans. Mais la signification de télêêê me poursuivra. Dernier fils de mon père j’étais l’héritier des terres qu’il a laissées à Gninkèrè pour vivre à Kaha. Enfant, je l’accompagnais chaque année pour les cérémonies de libations nécessaires pour autoriser les cultivateurs à exploiter nos terres de Gninkèrè. Comme le voulait la tradition, ceux-ci ne pouvaient y planter que des cultures annuelles, et pas d’arbres. Mais plus tard, lorsque l’anacarde prospérera, cet interdit traditionnel ne sera plus respecté. Ceux qui étaient sur ces terres se mirent à planter des anacardiers. Du coup, la famille aura du mal à faire valoir ses droits sur ces terres ancestrales. L’affaire est actuellement en cours. Je n’ai pas l’âme de propriétaire

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