Petit-fils d’esclave ou Le Destin d’un esclave au Moogo
180 pages
Français

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Petit-fils d’esclave ou Le Destin d’un esclave au Moogo , livre ebook

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Description

Jean-Samuel Tiendrebeogo remonte le fil du temps dans ce portrait poignant d'un ancien esclave. Le jeune narrateur retrace le destin mouvementé de son grand-père, tel qu'il lui a été rapporté par son oncle. Originaire du Moogo, le royaume mossi (actuel Burkina Faso), Kalga est enlevé alors qu'il n'est encore qu'un enfant de douze ans. À travers son parcours jalonné de péripéties, c'est toute l'époque coloniale qui reprend forme sous les yeux du lecteur. « Témoin des guerres intestines entre des chefs locaux, annonciatrices de la fin de leurs pouvoirs féodaux », l'homme asservi dénonce les ravages du système colonial. Ce n'est qu'au terme d'une trentaine d'années de captivité qu'il recouvre enfin sa liberté et peut rentrer chez lui. Avec un fabuleux talent de conteur, le petit-fils accomplit le nécessaire devoir de mémoire en rendant hommage au courage de son illustre ancêtre, héros malgré lui.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 septembre 2017
Nombre de lectures 0
EAN13 9782414087761
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0052€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-414-08774-7

© Edilivre, 2017
Introduction
Paaiii… Je venais d’être réveillé par une gifle tonitruante et appuyée. Sans rien dire, le maître m’avait entraîné par le lobe de l’oreille vers son bureau sous l’hilarité générale des élèves. Il pinçait si fort que je dus marcher sur la pointe des pieds, pour essayer d’atténuer la douleur. Il tonna un « silence » qui coupa net cette gaité soudaine. Il me fit monter sur l’estrade supportant sa table de travail et me laissa là, sans rien dire. Il s’en alla entre les allées des table-bancs, la main droite sur le dos, la gauche tenant le livre de lecture pour suivre les ânonnements de mes camarades.
Je savais ce que je devais faire. Pour la énième fois, je devais reprendre la leçon de pilori que, décidément, j’avais du mal à assimiler. Le ronronnement des voix infantiles se poursuivait, entrecoupé de temps à autre par un « suivant » venant de la voix gutturale et grave du maître.
Pendant que la leçon de lecture continuait, moi je commençais la mienne. Accroupi, debout, accroupi, debout…, les bras croisés sur la poitrine, les mains tenant chacune un lobe d’oreille, j’apprenais ainsi ma leçon de pilori. La chaleur et le piment de la gifle sur la joue avaient migré vers d’autres parties du corps. Des cuisses ou des oreilles, je ne savais pas où j’avais le plus mal. Mais, il ne fallait surtout pas s’arrêter, autrement une taloche lourde sur le crâne ou une seconde gifle fumante allait me rappeler mon devoir et la réalité de la leçon à apprendre. Généralement, cette torture se poursuivait jusqu’à ce que les sanglots et l’écoulement des larmes et de la morve indiquent au maître que la leçon avait été bien apprise. C’est alors qu’un « Va-t-en » venait vous délivrer de cette séance d’auto-flagellation.
En attendant l’heure de ce « Va-t-en » libérateur, je parcourais la classe d’un œil vif et noir, pour surprendre ceux des élèves qui allaient se risquer à me regarder. Les règlements de compte dans la cour de l’école étaient fréquents entre les élèves punis et les camarades au regard moqueur. Tous avaient le nez dans leur livre. On entendait, par moments, un rire vite étouffé, mais aucune tête ne se levait.
Je n’étais pas un mauvais élève. Quelque peu remuant et dérangeur, certes, mais je compensais cela par une vive intelligence qui faisait que le maître, malgré les punitions répétitives, m’appréciait.
Pour ma punition d’aujourd’hui, j’étais moins en colère contre le maître. Je dirai que je devrais même l’en remercier car, sa gifle m’avait réveillé d’un cauchemar à l’issue incertaine.
Notre maître, monsieur J., avait pris l’habitude de lire un roman pendant la leçon de lecture de ses élèves. Pour cela, il choisissait toujours un texte que les élèves affectionnaient particulièrement et nous demandait de lire à haute voix, chacun, un passage, à tour de rôle. De ce fait, ce n’était plus une lecture, mais une récitation car tous les élèves connaissaient par cœur les dits passages. Et d’une voix monocorde et monotone chacun entamait, à son tour, sa récitation, interrompue au bout de quelques lignes par un « Suivant ! » du maître.
Je me demandais comment le maître arrivait à se concentrer sur le roman qu’il lisait. Toujours est-il qu’en ces périodes de double lecture, chacun trouvait son compte. Le maître, tellement absorbé par ce qu’il lisait, souriait ou fronçait, par moments, les sourcils et nous devinions qu’il se plaisait dans une histoire amusante ou terrible. Nous, élèves, nous adorions ces périodes où nous pouvions nous livrer sans surveillance à toutes les espiègleries de notre cru.
La leçon de lecture se faisait toujours après la récréation, quand le soleil à son zénith grillait les toits des maisons, faisant craquer les tôles qui nous abritaient. La chaleur étouffante obligeait chacun à rester tranquille dans son coin. Les élèves turbulents, comme moi, profitaient de ces périodes pour faire un somme, histoire de récupérer des agitations de la récréation.
C’est ainsi que le maître m’avait surpris en train de dormir pendant la leçon de lecture, non pas que j’étais le seul à le faire en ce moment, mais parce que j’avais eu le sommeil agité. Son attention avait été attirée par les couinements que j’émettais dans mon sommeil et les rires imbéciles de mes camarades. Le maître lui-même était revenu sur terre et m’y avait rappelé par sa gifle magistrale. Ô gifle bienfaisante et salvatrice ! devrais-je dire. A la comparer à ce qui me pourchassait dans mon sommeil, je préfèrerais en recevoir une centaine.
J’avais rêvé que j’étais poursuivi par une troupe de cavaliers armés de fusils et de filets qui voulaient me capturer comme esclave. Terrible cauchemar, n’est-ce pas ? Je filais droit vers le village, enjambant buissons et ronces, criant et vociférant pour alerter les villageois. La gifle du maître m’avait réveillé au moment où j’étais sur le point de me faire prendre…
Mais par politesse, je commence par le début. Je me présente. Je m’appelle Nobila. C’est le nom que je me suis donné car, mon père, féru de christianisme, avait oublié de me donner un nom traditionnel à ma naissance, un nom botanique comme diraient les méchantes langues. J’avais douze ans au moment des faits. Je suis moaga 1 et j’habite la ville de Koudougou. Je suis né quelques temps après les indépendances. Je n’ai pas connu mon grand-père, mort quelques jours avant l’indépendance de la Haute Volta, mon pays. Il a été esclave. Mais ça, c’est anticiper ce que je vais raconter.
Après ce tour d’horizon qui me situe dans le temps, l’espace et la société, je vais vous conter, en souvenir de cette gifle mémorable, l’histoire de mon grand-père Kalga. L’histoire telle que me l’a racontée mon oncle Nongma.
Histoires d’esclave, cauchemar à propos d’esclave. Je me surprends encore aujourd’hui à évoquer les circonvolutions de mon subconscient qui, à la manière d’un maçon élevant un édifice brique après brique, avait rassemblé des éléments épars de récits entendus çà et là, pour me construire un vécu onirique vivant, quoique pénible, qui m’occasionna la gifle reçue.
Oncle Nongma, une mémoire vivante celui-là, est le dernier garçon de sa maman qui en a eu quatre. De taille et de corpulence moyenne, il ne se départissait jamais de son calme et d’un sourire narquois. Le sourire du sage qui en savait long sur la vie. Depuis que je l’ai connu, je ne l’ai jamais surpris en colère contre quelqu’un ou vociférant pour se faire entendre ou se faire respecter. Il en imposait toujours par sa sérénité à toute épreuve. Quand je l’écoutais, mon imagination me faisait penser aux prophètes des temps bibliques.
Moi Nobila, je me suis donné pour charge de transcrire en lettres les paroles de mon oncle Nongma. Je vous raconte tout, sans rien omettre, dans les détails. Je vous raconte ça comme un bon élève, en respectant ce que le maître nous a appris, à savoir qu’une bonne rédaction commence par une introduction, suivie d’un développement (moi je dirai une divagation) et on termine par une conclusion. Je ne sais pas si mon français va suffire pour bien raconter, mais je vais essayer. Point à la ligne.
Le titre de la rédaction pourrait être : « EN SOUVENIR D’UNE GIFLE MEMORABLE ».
1. Moaga : singulier de moosé. Ethnie du Burkina Faso (ex Haute Volta, Afrique de l’Ouest)
Le squelette
L’histoire, la vraie, celle qui tient ce qui va suivre comme le squelette tient l’homme debout ; la voici. Voici ce squelette d’histoire.
« Kalga est né sous le règne du Moog-naaba 2 Sanem. Tiens ! ces moosé , ils datent tout en référence au règne de leurs chefs comme si, à part eux, quelqu’un d’autre les connaissait. Ma parole, ils doivent les prendre pour des Jésus Christ. Ils te diront, tel évènement s’est déroulé au moment des récoltes, juste après le décès de Naaba X ou au début du règne de Naaba Y. Quelle précision phénoménale. C’est la datation, je dirai, au naabamètre et la naabamétrie en est la science.
Bref ! C’est sous le règne du Moog-naaba Sanem que Kalga est né à Villy 3 , un paisible village du Kombéré (canton) de Lallé (Koudougou). Paisible ? Mon œil. C’était bien avant l’arrivée du colon blanc. C’était au temps où on se faisait de petites politesses à travers des guerres ou des razzias entre villages. Au temps où avoir une épouse à marier relevait plutôt de la force du biceps et de la témérité du caractère que de la beauté du visage ou des moyens financiers. La conquête des femmes était motif de guerres et de bagarres entre familles et villages. Au temps où la force brute rythmait les rapports entre les hommes. Au temps où les missiles occultes étaient lancés à tout-va contre les ennemis. C’était enfin le temps où le Gandaoogo ou Tiiga , le fétiche renommé du village était grandement sollicité. Il suffisait d’aller promettre au Gandaoogo tel cadeau : poule, chèvre, bœuf, ou je ne sais quoi d’autre, en fonction de la présomption du danger auquel on serait exposé au cours d’une expédition, pour s’assurer sa protection. Gare à celui qui manquera à sa promesse, après expédition. C’était le temps où on était Africain pur, sans mélange.
Kalga est né en début de saison pluvieuse. Il est le premier fils de Noaga et de Sénayila. Il est né sous le signe du voyage. Sa mère l’a mis au monde sur la route, de retour d’un déplacement dans son village natal.
Sénayila était native de Zeguédeguin, un quartier de Koudougou, à une dizaine de kilomètres de Villy. Malgré l’état avancé de sa grossesse, elle était allée assister sa mère qui était malade. C’est de retour de ce voyage, après la guérison de sa mère qu’elle mit au monde Kalga, toute seule, sans assistance sous le grand

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