Piana, notre « grand et petit village »
235 pages
Français

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Piana, notre « grand et petit village » , livre ebook

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Description

Ce livre raconte un cheminement. D’abord ma rencontre avec Piana : un éblouissement qui m’a donné à moi, femme immigrée, le désir immédiat d’y faire pousser une racine. « Racine, au sens où l’écrit Khalil Gibran, cette fleur tournée vers la terre et qui néglige la gloire». Cela s’est poursuivi, avec les habitants de Piana et surtout les anciens, par un apprivoisement réciproque. J’ai commencé à écouter leurs vécus respectifs et eux même ne demandaient qu’à raconter. Je me suis mise à enregistrer leurs récits. C’est ainsi que le livre des anciens a pris naissance dans ma tête. Puis arriva cette histoire de pierre sarrasine apprise de la bouche d’un ancien: elle fut trouvée dans sa boutique, au cœur du village, puis hélas perdue sans doute intégrée à la construction d’un muret. Cela m’a donné le goût d’aller chercher dans les livres et les Archives tout ce qui pouvait concerner Piana. Ce ne fut pas tâche facile eu égard à la petite taille du village, surtout que je ne suis pas historienne. Je restais entre histoire et mémoire : il me fut difficile de distinguer l’histoire locale de l’histoire générale de l’île, d’où le survol inévitable mais bref des différentes occupations, à l’affût du moindre détail sur Piana. Enfin mon chemin s’est poursuivi par une question lancinante que je me suis toujours posée depuis que je vis dans l’île, question à laquelle les anciens ont bien voulu répondre :« qu’est ce que l’être corse ? » L’intérêt est dans la question, somme toute universelle, celle de l’identité que tout être ou tout peuple se posent à des moments critiques de leurs histoires. Question à laquelle je ne prétends pas avoir donné de réponse, mais simplement livré mon ressenti : celui de quelqu’un qui vient de « l’autre côté ». Mais après tant d’années vécues et partagées avec les gens de l’île, suis je restée vraiment de l’autre côté ? A quel moment on cesse de l’être pour aborder la même rive ensemble ?

Informations

Publié par
Date de parution 20 juin 2013
Nombre de lectures 3
EAN13 9782312011288
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0015€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Piana, notre « grand et petit village »
Boni Baracucca
Piana, notre « grand et petit village »



















LES ÉDITIONS DU NET 22, rue Edouard Nieuport 92150 Suresnes
© Les Éditions du Net, 2013 ISBN : 978-2-312-01128-8
Il est habituel de voir que, pour manifester leur filiation ou leur lien affectif à l’île, nombreuses sont les personnes qui ajoutent à leur nom, derrière un tiret, celui d’une grand mère ou d’une grande tante indigène. C’est pourquoi, moi qui n’ai pas la moindre goutte de sang corse coulant dans mes veines, l’idée m’est venue, pour marquer mon attachement ou mon affiliation à l’île, de jouer avec la langue corse laquelle me devient chaque jour plus familière : Boni Baracucca sera mon nom de plume ; il est simplement la traduction en Corse de mon patronyme.



Je dédie ce livre à tous ceux qui aiment Piana et la Corse.
Genèse du projet
Un jour Faé, appelé aussi Fanfan l’ancien, m’a raconté : « En 1956, quand j’ai voulu refaire l’entrée de mon épicerie (située au centre du village), en enlevant le vieux crépi qui recouvrait la façade, j’ai mis à nu un linteau de porte gravé d’inscriptions en arabe. Étonné, je l’ai montré au général Nesa, natif du village qui, ayant vécu en Tunisie, était versé en cette langue. Il s’agissait d’une pierre sarrasine sur laquelle était gravée une sorte de prière à Allah. Longtemps, la pierre est restée au village, là où se trouve la stèle dédiée à Danièle Casanova. Puis un jour elle a disparu, pour être intégrée sans doute à la construction d’un muret ».
Une pierre sarrasine au cœur du petit village de Piana !
Ce récit fut l’aiguillon qui me poussa à parler aux anciens et à aller chercher dans les livres et les archives tout ce qui avait trait au passé de Piana.
Pour le monde entier, Piana évoque toujours la même image d’Épinal : ses Calanche, sa lumière et le somptueux golfe qu’elle domine du haut de ses 440 mètres d’altitude. Ce sont surtout les Calanche qui ont fait flamber les imaginaires. Cela ne date pas d’aujourd’hui : de nombreux voyageurs depuis le XVIII e siècle, écrivains, artistes, aristocrates impressionnés par le site ont chanté, peint, ou écrit la beauté de Piana et surtout le mystère de ses Calanche. Ces gens-là se sont souvent déplacés semble-t-il avec un guide et des recommandations aux notables locaux. La Corse représentait une alternative au voyage d’Orient. C’était l’époque où il était de bon ton d’exalter l’image d’une île romantique en évoquant des stéréotypes qui fascinaient : bandits d’honneur, vendetta, nature sauvage, berger mélomane la main collée à l’oreille et le nez pincé etc. Certains sont connus : Prosper Mérimée, Gustave Flaubert, Stendhal, Honoré de Balzac, Alexandre Dumas, Alphonse Daudet ; mais il y en eut beaucoup d’autres, auteurs moins connus ou simples voyageurs étrangers {1} . Plus récemment deux artistes qui ont peint le village, Kraft et Marec, ont séjourné au moulin des Calanche.
Mais l’esprit des lieux ne s’inscrit pas seulement dans le paysage et les pierres, ni non plus dans les clichés touristiques. Il y a le lieu, ce golfe somptueux toujours changeant, jamais semblable à lui-même ; et il y a aussi les hommes : ceux qui sont nés là, ont vécu, aimé et souffert là, ont travaillé là. Sans eux la connaissance de Piana serait impensable : ce livre n’aurait jamais pu se faire sans la confiance des anciens et la narration de leurs souvenirs vécus. J’ai eu beaucoup de plaisir à transcrire leur parole, mon seul but étant de faire revivre Piana et son passé à travers leurs témoignages. Chacun m’a raconté « son Piana », chacun a fait revivre le village à sa façon et avec sa subjectivité. Ce livre est en quelque sorte une mise en commun de leurs mémoires. C’est un livre à cinquante voix, et même plus si je compte ceux qui m’ont parlé de manière informelle. Cinquante anciens qui n’ont demandé qu’à se remémorer le temps d’antan avec une indéfectible émotion dans la voix. Nous n’avons pu remonter plus loin que la troisième génération. Ils ont raconté un siècle d’histoire du village, en particulier son passé pastoral et agricole, ainsi que le passé de ses pêcheurs. Leurs souvenirs, les rires et les émotions qui accompagnaient leurs narrations méritent d’être partagées.
Les anciens m’ont aussi beaucoup aidée à raconter l’histoire des églises puisqu’ils ont eu la générosité de me confier les documents qui étaient en leur possession. De ceux qui nous ont quittés, il me reste les voix chères enfermées dans des cassettes. Qu’ils en soient tous remerciés du fond du cœur.
Ce livre est une simple invitation à un voyage dans le passé de ce petit coin de Corse que j’aime tant : un passé proche raconté par les anciens du village, un passé plus lointain glané dans les livres d’histoire et les documents d’archives, Le texte sera enrichi de documents photographiques anciens et récents. Ce sera aussi un voyage dans le présent, à travers les interrogations qui se sont posées à moi dans mes relations à la Corse et aux Corses.
Ce travail n’est qu’un début. On y repèrera des oublis, des lacunes, des omissions. Mais si en le lisant, on éprouve du plaisir et le désir de découvrir et aimer le village, son passé, ses traditions particulières – car je souhaite ne m’attacher qu’à ce qui est spécifique à Piana –, mon but aura été atteint.
La féerie du lieu
« Que Piana demeure comme le symbole de toutes les clartés et que les flemmes roses de ses pierres continuent d’éblouir les hommes pour le plus grand bonheur de leurs regards et les plus nobles émotions de leur cœur. »
René Cassin
P IANA ET MOI : L ’ ENFANCE RETROUVÉE
Longtemps on m’a demandé pourquoi moi, une pinsuta , arabo-berbère de surcroit, je voulais écrire un livre sur Piana. On est allé jusqu’à me dire : « Écris plutôt sur l’Algérie, ton pays de naissance ». Renvoyée à une origine, j’ai répondu « Et pourquoi pas écrire sur les deux ? » Peut-être en m’engageant dans ce travail de mémoire et de recherche du temps passé, la femme immigrée et déracinée que je suis a-t-elle tenté de lutter contre l’oubli - son propre oubli - ? La crainte d’une perte irrémédiable m’a conduite dans un travail où j’ai pris conscience que ce qui fut autrefois peut être retrouvé aujourd’hui à travers une diversité de formes de résurgences et soustrait au néant. Je viens du sud de la Méditerranée et à Piana par tous les chemins j’y reviens.
Je voulais écrire sur Piana parce qu’entre Piana et moi, une longue histoire d’amour s’est construite. Comme Montaigne écrivait au sujet de l’amitié (qui est une forme d’amour) : « Parce que c’était lui, parce que c’était moi ». Je dirais en l’imitant : « Parce que c’était Piana, parce que c’était moi ».C’est comme ça, il y a des liens immédiats et mystérieux qui se nouent entre un être et un lieu, un être et les habitants du lieu. Je n’ai pas une goutte de sang pianais ou même corse qui coule dans mes veines, et pourtant je me sens pianaise par toutes les fibres de mon corps. Ma découverte de Piana fut d’abord l’histoire d’un éblouissement, comme tous les voyageurs qui passent par là ; c’est petit à petit que s’est effectué un apprivoisement réciproque avec les gens du village.
À la première seconde où j’ai découvert Piana, j’ai dit tout haut à mon compagnon « C’est là ! ». Il faut dire que je me suis trouvée sans le savoir sur la route du belvédère, puis tout là-haut au point culminant où, Piana offre à ses visiteurs une vue sur le golfe de Porto à couper le souffle. C’est là aussi que nous avons retrouvé dès la première seconde, des amis qui avaient été favorables et engagés, soutenant la lutte des Algériens pour leur indépendance. Je voulais dire simplement : « c’est là que je voudrais m’enraciner ».Ce fut pour moi un saisissement brusque, un coup de foudre plus qu’une décision mûrement réfléchie. Lorsque j’étais en activité professionnelle, jamais je n’ai pu quitter Piana sans un serrement au cœur et l’envie d’y revenir. Je partais toujours, une main crispée sur ma valise et l’autre encombrée selon la saison de népita, d’immortelle, d’un bouquet d’arbouses et surtout d’un brocciu. Loin à Paris, je voulais encore goûter, respirer Piana, la Corse (et sans doute l’Algérie aussi) pour atténuer la séparation.
Le sens du « c’est là », je ne le comprendrai que plusieurs années plus tard, après une longue introspec

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