Reviens Grand-Père, j ai des choses à te dire
336 pages
Français

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Description

On ne peut pas cacher "une filiation" à quelqu'un car tout ce qui est inscrit dans nos cellules peut se retrouver. Taire une filiation est impossible parce que la personne l'a en sensations. Nos mémoires cellulaires renferment toute l’histoire familiale dès la conception.
Par-dessus la frontière entre la vie et la mort, Reviens Grand-Père, j'ai des choses à te dire est une lettre ouverte d'une femme à l’adresse de son grand-père disparu.
L’enjeu de cette lettre ouverte ? La vérité. Sur l’enfance de plomb, sur la famille dysfonctionnelle, sur les secrets qui ont abîmé à jamais celle-ci. Mais encore et surtout la vérité sur les origines même de la narratrice qui effrite, tout en douceur, les murs bâtis autour de ces dernières. De là cette écriture patiente, presque caressante qui apprivoise et dompte tous les non-dits et accouche, avec une délicate fermeté, d’une vérité trop longtemps tenue sous le boisseau.
La dimension thérapeutique de ce texte, chère à son auteur, lui permet aujourd’hui de partager avec les lecteurs son vécu pour que ces derniers comprennent mieux le leur.

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 1
EAN13 9782956031178
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0067€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Nos mémoires cellulairesrenferment toute notre histoire familiale dès la conception
 
Reviens Grand-père,
J’ai des choses à te dire
 
Chantal Saint Pol
 
EditionRuth de Saint Germain
 
«  L’importantn’est pas ce qu’on a fait de moi,
mais ce que je fais moi-même de ce qu’on a fait de moi.  » Jean-Paul Sartre
 
REVIENS, GRAND-PÈRE, J’AI DES CHOSES À TEDIRE…
 
Jesais que ce que j’espère n’arrivera jamais.
Tune reviendras pas.
Jele sais parce que tu es mort depuis des années, le 11 mars 1967 plusprécisément.
 
C’étaitun samedi. Je m’en souviens parce que la rudesse avec laquelle ton fils m’aannoncé ton décès reste gravée à jamais dans ma mémoire. Il était midi passé dequelques minutes et je revenais du collège avec deux copines quand à centmètres de la maison, j’ai vu ton fils qui gesticulait.
Ilme faisait signe de me dépêcher de rentrer et cela m’a énervée, car je n’avaisque ce malheureux quart d’heure deux fois par jour pour profiter de mescopines.
 
Lechemin qui menait de l’école à la maison était le seul moment où je pouvais lesvoir à part les récréations, bien sûr.
 
Jene sortais pas la semaine ni le week-end d’ailleurs.
Monfrère, si.
Jene trouvais pas cela normal mais mes parents, oui.
« Lescoqs sortent et les poules restent au poulailler », disaient-ils.
J’étaisnée fille.
Jerestais donc au poulailler.
 
Heureusement,les choses ont évolué depuis.
Jesais que ce que je te dis doit te sembler bizarre, Grand-père et peut-être quetu ne me comprends pas ce que je te raconte parce que de ton temps, je sais quec’était comme ça mais moi, vois-tu, ce que je vivais ne me semblait ni normalni acceptable.
 
Lesparents ne devaient pas faire de différence entre leurs enfants.
Unefille devait être traitée comme un garçon. Elle devait avoir les mêmes droitsqu’eux et les garçons les mêmes devoirs que les filles.
 
Cettedifférence que mes parents faisaient me révoltait.
Jetrouvais cela injuste et je ressentais une énorme colère au plus profond demoi.
 
Jen’ai jamais aimé l’Injustice, Grand-père et je ne l’ai jamais supportée nonplus.
Jene sais pas pourquoi mais toute petite j’étais déjà comme cela.
 
Nepas sortir quand Ètienne le pouvait en était une pour moi.
 
Terends-tu compte, Grand-père, qu’à 15 ans, je devais faire sa chambre.
 
Peux-tuimaginer ce que j’ai ressenti quand mes parents m’obligeaient à préparer sessandwichs parce qu’il travaillait l’été ?
 
Quecrois-tu que j’aie pensé quand j’étalais sur sa baguette de pain, deux« Vache qui rit » alors que je n’avais pas le droit d’en manger ouencore quand je remplissais son pain d’une dizaine de carrés de chocolat alorsque je n’en avais qu’un seul au goûter ?
 
Trouves-tunormal que j’aie eu à entretenir son équipement de foot tout boueux et seschaussures toutes crasseuses tandis que moi je ne pouvais faire aucune activité ?
 
Tutrouves cela normal, Grand-père ?
Ehbien moi je trouve que ça ne l’était pas.
 
Mesparents si et j’ai énormément souffert de ne pas être traitée comme mes frères.
 
Celate fait sourire, Grand-père. Tu trouves que j’exagère.
 
Non,je n’exagère pas mais tu ne peux pas comprendre. Tu es un homme, tu n’as jamaisvécu ce genre d’injustices.
 
Pourque tu comprennes ce que j’ai ressenti, je vais te demander de te mettre à maplace pendant que je te raconte ce qu’a été ma vie avant et après ton départ.
 
Ceque je vais te dire, je ne l’ai dit à personne.
Jel’ai gardé au fond de moi durant des années.
 
Mêmemes parents ne le savent pas.
 
Aujourd’hui,j’ai besoin d’en parler mais pas à n’importe qui.
J’aibesoin de t’en parler à toi, de partager ce qu’a été ma vie avec toi.
 
Tues étonné, tu ne comprends pas ?
 
Cen’est pas grave, tu comprendras plus tard.
 
Jevais te parler avec franchise comme je l’ai toujours fait parce quel’Honnêteté, la Justice, la Vérité, la Franchise sont des valeurs qui me sontchères.
 
Cesont tes valeurs Grand-père, celles que tu m’as enseignées lorsque j’étaisenfant !
 
Jeles ai faites miennes et je les ai chéries chaque jour parce qu’elles venaientde toi.
Ellesfont partie de moi maintenant et je te remercie de me les avoir inculquées.
 
Beaucoupde gens dans la famille ont oublié comment j’étais.
Toi,je sais que tu le sais.
 
Tesouviens-tu de ce que tu as dit un jour à Grand-mère, Grand-père ?
 
Celane te dit rien, tu ne te souviens pas et tu ne vois pas où je veux en venir ?
 
Simplementà te rappeler qui je suis et comment j’ai toujours agi, Grand-père.
 
Sije te dis que je t’ai remis à ta place devant toute la famille, cela terappelle-t-il quelque chose ?
 
Ah,ça te dit vaguement quelque chose.
Necherche pas, je vais te le dire car je m’en souviens comme si c’était hier.
 
Tuas fait remarquer à Grand-mère qu’elle avait trop bu et tu lui as demandé debien se tenir.
Ehbien, cela ne se fait pas, Grand-père surtout devant ses enfants et ses petitsenfants.
 
Grand-mèrea été très gênée par ta réflexion et elle ne savait plus où se mettre.
Lafamille non plus d’ailleurs mais personne n’a rien dit.
Personnen’a osé faire remarquer au patriarche que tu étais qu’il exagérait.
Personnesauf une petite gamine de onze ans.
 
Oui,je t’ai reprise Grand-père parce que je ne trouvais juste ni normal que tut’adresses à Grand-mère comme tu l’as fait.
Ily a des choses qui se font dans la vie et d’autres qui ne se font pas et pourmoi cela ne se faisait pas.
 
Toiaussi, tu avais un peu trop arrosé la fête que mes parents avaient donné.
Onne peut pas reprocher à quelqu’un ce qu’on fait soi-même, Grand-père.
 
Ent’entendant parler comme tu l’as fait, je ne sais pas ce qui m’a pris maisc’était plus fort que moi, il fallait que je te reprenne. Les mots sont pourainsi dire sortis tout seuls de ma bouche.
 
« Tun’as pas à parler à Grand-mère comme tu le fais, Grand-père surtout que tu esdans le même état qu’elle ».
 
Jeme suis entendue te faire cette réflexion et j’ai été choquée par monintervention et mon aplomb.
Toutle monde s’est arrêté net.
Unsilence pesant a envahi la pièce mais pas n’importe quel silence.
Unde ces silences qui annonce une énorme tempête.
 
Letemps s’est comme arrêté. Il semblait suspendu dans l’air.
 
Tum’as regardée en silence comme si tu cherchais ce que tu allais me dire et moi,je ne savais plus où me mettre. J’étais gênée de mon audace et terrifiée dem’être adressée à toi comme je l’ai fait.
J’aisenti ta colère et ton exaspération et je me suis dit que j’allais recevoir unegifle mais la gifle n’est pas venue et la tempête non plus.
Tuas continué à me regarder un moment sans rien dire. Ton regard insistant seperdait au fond de mes yeux avec une intensité qui semblait sonder mon âme.
 
Petità petit, la douceur a remplacé ta colère et tu m’as dit :
« Siquelqu’un d’autre de mes petits-enfants m’avait fait cette réflexion, je nel’aurais pas acceptée mais c’est toi alors je ne vais rien te dire mais nerecommence plus ».
 
Jeme suis sentie mieux tout à coup. Ma respiration est redevenue régulière.
J’ailevé les yeux vers toi et je t’ai regardé sans trop comprendre ce que tu disaisni pourquoi tu le disais.
 
Je m’étais arrêtée au «  je ne vais rien tedire  ».
 

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