Souvenirs de maton libéré
158 pages
Français

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Souvenirs de maton libéré , livre ebook

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Description

« Après la reprise en main de l'établissement, suite à l'arrivée de Fulber, qui a été envoyé là pour remettre sur pied le champ de ruines laissé par Doze, son prédécesseur, il faut bien s'attendre au mécontentement des détenus. L'émeute étant prévisible, les agents de service du matin dont je fais partie doivent rester sur place, en renfort de ceux de l'après-midi. Cela fait une trentaine de personnes en plus. On n'a rien trouvé de mieux que de laisser le mess du personnel ouvert pour que les agents trouvent le temps moins long. Le repas pris, beaucoup ont soif. Pied de vigne, Duchneul, le Polonais et tant d'autres. La mousse et l'anis gras coulent à flots, pendant qu'on entend derrière les hauts murs les clameurs de la détention en révolte. » Deux grandes centrales, une petite maison d'arrêt, plus de trente années dans l'administration pénitentiaire : rassemblant ici ses souvenirs pour témoigner du singulier métier de gardien de prison, l'auteur livre une foule d'anecdotes hautes en couleur et illustre d'un œil critique, et non sans humour, un microcosme carcéral encore méconnu du grand public.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 13 mai 2016
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342051223
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0049€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Souvenirs de maton libéré
Laclay
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
Souvenirs de maton libéré
 
Toutes les recherches ont été entreprises afin d’identifier les ayants droit. Les erreurs ou omissions éventuelles signalées à l’éditeur seront rectifiées lors des prochaines éditions.

 
 
 
 
Préface
 
 
 
— Vous avez dû voir de ces “cas” en plus de trente ans, vous devriez faire un bouquin ! me conseilla un détenu escroc aux assurances.
« Pourquoi pas ! » pensai-je.
De tout ce temps passé dans deux grandes centrales et une petite maison d’arrêt, beaucoup de souvenirs en tous genres me reviennent.
Je n’en expose qu’une partie, ne voulant pas lasser mes futurs lecteurs. Les lieux et noms des personnages ont été changés par respect pour la morale et la dignité.
Toute ressemblance entre les lieux ou les personnages de cette œuvre et la réalité ne serait que pure coïncidence, et le fait du hasard.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Partie I. Chambord
 
 
 
Chapitre 1. Bienvenue
 
 
 
Après des heures de route, j’arrive à Chambord. D’abord par la nationale 20, puis par les routes secondaires. La prison n’est pas difficile à trouver, sur le boulevard de la Renaissance, en hommage au roi François I er , qui régna sur son royaume de serfs au xvi e  siècle.
Après avoir donné le document d’affectation remis à l’école de Fleury-Mérogis, le collègue me fait rentrer, puis nous discutons un peu, les banalités habituelles. « De quelle région tu viens ? Moi, d’ici ! Toi, de là », etc. On retrouvera ce collègue connu sous le surnom de Boussac (l’entreprise de textile ruinée), celui-ci servant de collaborateur dans les ateliers de confection de l’établissement.
Un autre collègue m’amène ensuite dans le bâtiment situé en arrière de la porte d’entrée, ou sont hébergés les personnels nouvellement affectés, ou ceux souhaitant rester là pour convenance des mois ou des années.
Les chambres sont en fait un alignement de cellules dont on aurait eu la clé. Un lit, une chaise, des prises de courant qui auraient pu être appréciées par Claude François seulement, vu leur état.
Sur le palier, des toilettes et deux douches répugnantes. Voilà de quoi se compose le bâtiment d’accueil. Dès que je rentre là-dedans, je ne songe qu’à quitter ce taudis, mais j’y resterai finalement un mois.
Ensuite, on me propose un logement dans une zone malfaisante, ou je reste dix mois sans problème.

Une fois ma valise et mon sac défaits, je vais boire un verre au mess du personnel, qui se trouve à une dizaine de mètres du bâtiment dit d’accueil, séparé de celui-ci par une cour qui sert aux diverses livraisons de marchandises de l’établissement.
Le mess est un boui-boui, tout en longueur, une douzaine de mètres sur seulement quatre de largeur. Au fond, la cuisine, ou trois détenus concoctent une tambouille pour le personnel qui est servi à table. Le prix du repas et des boissons n’étant pas élevé, l’endroit en devient fréquentable. Le collègue s’occupant du mess, Lavoin, m’accueille gentiment, je retrouverai celui-ci plus tard dans ma carrière, lorsque je serai muté plus au sud, lui étant une personne devant changer d’air souvent pour raisons privées.
Au bar, se trouve également le gros Gégé, un bestiau de 0,15 tonne, et Lément, un Nordiste récemment arrivé lui aussi à Chambord.
Après m’être désaltéré et restauré, je vais rejoindre ma chambre pénale et me coucher avant d’attaquer le lendemain, à 8 heures, le chantier qui s’ouvre devant moi et va durer sept ans. Oui, un septennat, non renouvelable pour moi heureusement.
 
— Bonjour ! Je suis monsieur Dunne.
C’est avec une voix de châtré, mélange d’Adamo et de Dave, que se présente notre gradé formateur. Nous sommes donc cinq nouveaux agents, un sixième étant porté disparu ou s’étant rendu compte qu’il faisait fausse route dans ce business.
Rodin, un grand échalas fade et insipide, Buvard, un simplet, Eyadema, parisien africain, et Lorent, celui avec qui je m’entendrais le mieux pendant la période à Chambord.
Nous voilà dans le secteur administratif, de vieux murs mais très bien réaménagés intérieurement ; l’ordonnancement, la comptabilité, le greffe, le secrétariat, ou règne madame Strie, brune, peau de vache, personnage important car au courant des dossiers administratifs des agents et du reste. L’économat, ou cohabitent deux Antillais et une énorme dame se consumant pour ces deux associés, nous le verrons plus loin. Le secteur est tenu essentiellement par du personnel féminin. Enfin, le bureau du directeur qui nous reçoit. Spadolini, vieux lion corse, cheveux gris, costume gris, tout gris quoi :
— Bienvenue à Chambord, établissement difficile mais tranquille.
Voilà le plan de l’établissement. Quatre grandes cours entourées de bâtiments servant d’ateliers, une cinquième cour en travers donnant sur le bâtiment d’hébergement des détenus, près de quatre cents répartis sur quatre étages.
Le bâtiment cellulaire datant de dix ans, alors que tout le reste a plus d’un siècle déjà. Deux murs d’enceinte entourant le tout, surveillé par des miradors angulaires.
L’administratif visité, nous allons au poste de contrôle puis au bureau du surveillant-chef. Un sexagénaire avec un tarin comme un aigle, d’où son surnom « Bec d’aigle ». Après nous avoir dévisagés pour voir si la tenue était correcte, il dit à Eyadema de passer à la lingerie pour changer de chaussures ; elles sont marron avec un petit lacet sur le plat du pied, au lieu des chaussures noires classiques.
Son adjoint est Petits Pieds, trogne rouge, une pointure de chaussure en deçà du 36, d’où le sobriquet. Le troisième chef est « le Costumé », toujours bien sapé, franc comme un baudet ayant enclenché la marche arrière. Il est originaire de mon coin, ce qui me fait une belle jambe de bois.
Le lendemain, nous commençons le travail en doublure avec un collègue, pour nous expliquer le topo. Je suis avec Briois, un Chti sympathique qui n’attend qu’une chose : repartir dans le Nord, chez lui. Le nombre de Nordistes est très important, la fin annoncée des mines de charbon et le chômage en résultant fournit des bataillons importants de fonctionnaires de tout corps.
De mon coin, en dehors du Costumé, il y a Diego, petit, vif, qui dégaine la lame très rapidement dans les bals et les soirées environnantes.
 
Au fil des jours, je rencontre de nouvelles têtes. Avec Lannoix, un Landais désormais ami de trente ans, on se trouve souvent à l’extérieur pour faire la java ou manger un bout de viande. Pied de vigne, qui aime bien boire un drink. Le Polonais, brave type, fragile de santé. Duchneul, menteur, buveur, avare, etc.
C’est vrai qu’arriver à Chambord après avoir débuté à Grenoble durant le stage initial, ça change beaucoup. À Chambord, les détenus circulent du matin au soir, alors qu’à Grenoble, ils ne sortent que pour les promenades ou diverses visites. C’est une des différences entre les maisons d’arrêt et les établissements pour peines.
À notre arrivée, on nous remet une liste avec le nom des perpètes (RCP) et des DPS (détenus particulièrement à surveiller) enfin un peu plus que les autres. Ces listes sont pleines de célébrités : complices de Mesrine, caïd marseillais, French Connection, anciens condamnés à mort, recordman d’années de prison effectuées. Le gratin du crime.
Voici les évènements qui ont fait l’actualité diverse de cet établissement pendant mon séjour.
 
 
 
Chapitre 2. Unique
 
 
 
Arrivée d’une nouvelle promotion d’agents à Chambord. Parmi eux se trouve Vérin ; il restera moins d’un trimestre, avant d’être répudié par l’administration, mais pendant ce trimestre, que de rigolades. Un collègue disait : « C’est un plaisir de venir bosser car on sait qu’on va rigoler du moment que Vérin est là. »
Chevelure rousse ébouriffée à la Pierre Richard, moustache duveteuse, yeux rougeâtres, résultat d’un mélange inconnu sans doute. Aux pieds, des santiags de rocker avec des petites fleurs blanches sur le plat du pied. Si le chef Bec d’aigle, alors en retraite, l’avait vu avec ça aux pieds, il aurait fait une attaque cardiaque ou cérébrale.
Vérin, avant de rentrer dans la pénitentiaire, avait travaillé dans une banque. Eh oui ! incroyable mais vrai. Ses parents étaient, paraît-il, de riches pinardiers aisés de Provence ayant rêvé de la filière bancaire pour leur rejeton.
Un jour, au terrain de football, alors que les détenus jouent, il s’allonge dans l’herbe, une cigarette fine au bec, à dix mille lieues de Chambord sans doute. Le match terminé et les détenus sortis, il y est encore, lui.
Lors d’un appel à 7 heures du matin, il n’est pas là. Un des gradés, Chazeau, dit à un collègue qui loge à côté de lui au bâtiment d’hébergement des agents d’aller le réveiller. Celui-ci revient quelques instants plus tard et dit à Chazeau :
— Je lui ai dit de venir, qu’on l’attendait, il m’a dit : « Dis-leur que je viendrais cet après-midi peut-être ! »
— Mais qu’est-ce que c’est ce type ! répond Chazeau interloqué.
Le second gradé, Gadget, lui dit :
— Laisse tomber, il compte pour du beurre.
Une autre fois, alors que les détenus défilent du bâtiment cellulaire vers les ateliers, Vérin, lui, lit agenouillé un vieux journal qui traînait dans une flaque de boue, sur la cour de promenade. Les détenus défilent autour de lui, sur deux files, comme une troupe défilant devant un général sur les genoux.
Une de ses pitreries préférées est, lorsqu’il mange au mess, de se mettre à rire tout seul, sans raison app

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