TRACES DE VIE
336 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
336 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

L'auteur dédie Traces de vie ( en 3 parties) à ses proches et en particuliers à ses enfants et petits-enfants, à qui il souhaite transmettre l'histoire de sa vie. Le récit de son enfance dans les années 1940, puis de son épanouissement professionnel et la poursuite de ses nombreuses passions, intéressera plus d'un lecteur. Doté d'un intérêt immodéré pour la condition humaine, l'ingénieur cherche aussi à mieux comprendre qui nous sommes et quel pourrait être notre destin. Tout simplement pour donner un sens à l'existence.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 12 novembre 2015
Nombre de lectures 0
EAN13 9782332983268
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0082€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
CopyRight
Cet ouvrage a été composér Edilivre 175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50 Mail : client@edilivre.com www.edilivre.com
Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction, intégrale ou partielle réservés pour tous pays.
ISBN numérique : 978-2-332-98324-4
© Edilivre, 2015
Préambule
Un jour, il a bien fallu… que je commence à écrire ! C’est une longue histoire, qui débuta à Marco Island, en 2009. ème L’île entièrement artificielle a été construite au milieu du 20 siècle, dans les marais des Everglades ; elle est située à l’ouest de la Floride, près de la ville de Naples. Au nord et au sud de l’île, deux ponts s’élèvent en une courbe harmonieuse, survolant un instant les mangroves, ils redescendent vers le continent. Les eaux peu profondes des mangroves sont luxuriantes, peuplées d’oiseaux et de poissons innombrables. Là, les crocodiles ne sont pas rares. La ville est quadrillée par un dédale de canaux navigables, bordés de villas avec leur ponton. Au centre on trouve de petits immeubles de deux à trois étages, mais aussi ces grandes villas coquettes, à l’Américaine, de construction légère avec des pièces immenses, un peu comme dans un décor de cinéma. Sur la côte, se dressent des immeubles et des hôtels de grand standing, aux architectures diverses, mais résolument modernes. Avec leur dizaine d’étages, ils forment une muraille face à l’immense plage de sable fin, baignée par l’océan. Les ballades en mer, la pêche et le golf figurent parmi les loisirs préférés des résidents aisés qui y séjournent. Une grande majorité, sont des retraités américains, mais il y aussi beaucoup de cadres ; en provenance des grandes cités intérieures, ils passent ici un bref séjour pour décompresser. Tous les autres viennent des quatre coins du monde. D’octobre à mars tous recherchent ici la même chose… le fameux climat ensoleillé de Floride. Ma compagne et moi logeons dans un immeuble de 15 étages. L’appartement au neuvième étage, donne plein sud sur le golfe du Mexique, et à l’est sur les Everglades ; du lever au coucher du soleil, la vue y est fantastique. Dans cette nature sauvage règne une intense activité. Sur la corniche de la toiture voisine, un aigle pêcheur observe la scène, de temps en temps, il s’élance et plonge vers la mer, pour saisir un poisson de ses griffes acérées. Il l’emporte sur le toit voisin, et là le déchiquette pour le manger tranquillement ; ceci au grand désespoir des propriétaires d’immeubles, qui redoutent bien toutes ces souillures. À nos pieds, dans la mer les poissons grouillent ; l’endroit est un spot de pêche réputé. Les tarpons, qui peuvent atteindre 70 kg, mais aussi les « snook » jusqu’à 15 kg, y sont très nombreux. Contrairement aux tarpons qui ne sont pas vraiment comestibles, mais sont péchés par les amateurs pour leur grande taille, les « snooks » eux sont très recherchés pour leur chair délicate et savoureuse. Les bancs de petits poissons, qui sont légion dans les courants circulants autour de l’île, sont à l’origine de la présence de ces grands prédateurs. De nombreux pélicans et goélands plongent aussi ici pour se nourrir ; les gros poissons attaquent souvent depuis le fond, et jaillissent d’une façon spectaculaire hors de l’eau, pour retomber dans un grand « splash ». Le spectacle est quasiment permanent, et bien souvent le matin, des dauphins nous enchantent de leurs visites. Notre appartement, avec son ponton de pêche privé, ses équipements de sport et une piscine, est l’endroit rêvé pour le sport, la méditation et la détente… et c’est ici que je me suis mis à écrire… une activité totalement nouvelle pour moi.
Aujourd’hui avec ce livre, par le récit d’histoires vécues au cours des années qui passent, mais aussi par mon ressenti des choses de la vie, et quelques développements plus philosophiques, je voudrais partager avec d’autres, mes visions et quelques expériences vécues, dans une vie déjà bien remplie. Quelles sont mes motivations, pour me lancer ainsi dans l’aventure de l’écriture ? Est-ce l’orgueil de vouloir laisser une trace de son passage ? Non, aujourd’hui, j’en suis certain ; j’ai écrit ce livre par plaisir, et tout simplement pour ème témoigner de l’expérience d’une vie au 20 siècle. Pour moi, qui n’ai jamais su, qui étaient ; et surtout quelles étaient les pensées de mes propres parents et grands-parents… ce livre est aussi devenu une nécessité !
Je dédie ce livre à mes enfants Pascal et Nadia et à mes petits-enfants Raphaël et
Matthias… qui pour moi représente mon seul avenir sur terre.
Avertissement
Laisser-vous guider ; au gré de vos aspirations, et de vos intérêts. Ce recueil d’anecdotes, de descriptions, d’analyses, et de pensées, vous permettra de connaître, la perception que je me suis faite, du monde dans lequel nous vivons. Piochez, et puisez-y donc, ce qui bon vous semble !
Première partie
Histoires vécues
LE début
Là d’où je viens !
L’enfancE dans lEs annéEs 1940
C’est comme une explosion, après, petit à petit IL prend conscience… des lueurs et des sons… mais en fait ; IL ne sait pas ce qui se passe, IL n’est presque rien ! IL n’a même pas encore la perception d’être, et IL sort d’une totale inconscience, d’un néant, dont IL ignore tout… de plus, IL ne sait pas où il est, ni où IL va. C’est ainsi que tout commence. Aujourd’hui encore, je suis fasciné par la réalité de ce miracle.
Je pense donc je suis !
Autour de moi, les choses se précisent. JE suis dans un monde de sensations sourdes, un monde que petit à petit, JE vais devoir comprendre et apprivoiser. Ces derniers temps, mes sens se sont encore développés ; surtout la vue, le toucher, l’ouille ; certains, je les ai depuis longtemps, sans le savoir, même déjà dans mon premier univers, là où j’étais confiné dans un monde liquide et restreint, en symbiose totale avec celle qui, je le saurais plus tard, est ma mère. Pour l’instant, tout est très diffus dans mon esprit embryonnaire ; ce ne sont que de vagues sensations. Mon corps à nouveau réclame ; un besoin impérieux m’agite, je crie ? Le réflexe est là ; téter et avaler deviennent impérieux… après je me sens mieux. Le monde autour de moi est étrange, totalement inconnu, et pourtant, il faut le découvrir ; il y a ces formes immobiles et d’autres qui bougent, se déplacent, elles émettent des sons incompréhensibles, elles me prennent, me portent, me mettent dans la bouche des choses, le plus souvent agréables, parfois trop chaudes ; souvent aussi, on me bouscule, me tire, me tord, on arrache de mon corps, ces choses qui me permettent de mieux supporter les fraîcheurs de ce nouveau monde, elles sont souvent trempées d’un liquide qui brûle, alors on me lave, on me poudre, et enfin, on me remet d’autres choses, plus agréables. Tout cela est dominé, et rythmé par cette succession de sensations, souvent agréables, parfois désagréables, et même douloureuses… alors je crie longtemps, jusqu’à ce qu’il se passe quelque chose, que quelqu’un vienne, me prenne, me nourrisse, me rassure, me console et qu’on m’enlève à nouveau ces sensations si désagréables… lorsque personne ne vient, je m’épuise et sombre dans la nuit, le noir, le sommeil. Lorsque je me réveille, je me sens mieux ! Le temps passe ainsi, sans que j’en aie conscience, les jours et les nuits alternent ; souvent, je sombre dans le néant. Imperceptiblement, tous mes sens continuent à se développer, j’observe curieusement le monde qui m’entoure, je deviens aussi de plus en plus mobile, je contrôle de mieux en mieux mes bras, mes mains et mes jambes ; jusque-là, mes membres ne semblaient pas m’appartenir, et le principal centre de mon univers était ma bouche, c’est par elle que me parvenait le réconfort, pour l’intérieur de mon corps ; par ma nourriture… j’avais aussi besoin de chaleur, et me sentais bien dès que j’étais enveloppé dans quelque chose de chaud et de doux… tout le reste était moins important ! Maintenant, j’ai de plus en plus d’intérêt pour mes membres, mes bras et surtout mes mains, elles me permettent de toucher, et même de saisir des choses. Sans que j’en aie conscience, mon cerveau analyse et enregistre, c’est le début de la maîtrise de mon corps, et le début de la connaissance. La plupart du temps, je suis allongé, bien au chaud dans un espace restreint, mais sécurisant. Pourtant, de plus en plus, on me pose sur le sol, et là, j’ai beaucoup plus d’espace, mes mouvements se coordonnent, je deviens plus mobile. Là, je suis allongé impuissant dans une poussette qui roule dehors… c’est là où il fait froid. En fait, je ne sais pas où je suis… couvert bien au chaud ; tout autour, mon regard est limité par un rectangle, c’est comme une fenêtre sur un autre monde. Ce monde, je peux le
deviner, il est immense ; et je le regarde sans pouvoir le comprendre… malgré tout, je ressens ce besoin de vouloir aller plus loin, de m’aventurer, de découvrir et de comprendre ce monde… qui un jour sera le mien ! Lorsque je crie, on s’approche encore de moi, on m’examine, et puis on me nourrit, on améliore aussi mon confort pour que je retrouve une bonne température ; et lorsque mes fesses brûlent, on me change. JE commence à comprendre, que c’est pour m’aider à survivre dans ce monde hostile. Tous ces problèmes sont nouveaux pour moi ; ils n’existaient pas là, où j’étais avant… avant le grand jour de ma naissance.
La dimension des adultes
Je n’ai toujours pas vraiment conscience de ce que je suis, je subis, et tout est instinctif, je cherche à m’adapter dans l’espace-temps qui est le mien. La réalité du temps qui passe s’impose à moi, le rythme est donné par la lumière du jour, et des nuits, et surtout par les activités principales qui y sont associées. Le réveil et manger ; le milieu de la journée et manger ; les 4 heures et manger ; le soir manger et dormir… souvent aussi, on s’approche de moi, on me renifle, on tire sur ma culotte pour voir s’il y a quelque chose ; si oui, c’est très désagréable, et ça recommence, on me bouscule, me déshabille pour enlever cette chose chaude ; qui vient de je ne sais où. Le reste du temps est consacré à l’observation et au jeu… ceci est aussi important que les autres activités, plus encore ; c’est ce qui fera de moi un être vivant, plus ou moins bien adapté à son environnement. Mais mon corps a encore d’autres exigences, qu’il faut satisfaire ; il y a cette sensation de pression dans mon ventre, elle dérange, et je ne la maîtrise pas. Là, comme chaque matin, on me pose sur un pot, au milieu de la pièce ; on m’encourage, et chaque jour, je le sens davantage ; ça vient bien, du fond de mon ventre. Petit à petit, cette chose devient un jeu que je maîtrise de plus en plus ; finalement intégré, il fait maintenant partie de mes habitudes quotidiennes. L’affectif est un autre élément fondamental de notre développement. Mais ce n’est que bien plus tard, que je prendrai totalement conscience de son énorme importance. Progressivement, je commence à comprendre ce qui m’entoure. Au début l’espace était très limité, les perceptions confuses, voire incohérentes… il y tellement de choses à voir et à comprendre, cela paraissait impossible. La plupart du temps, je les subissais, mais je m’en suis imprégné, comme une éponge… c’est l’apprentissage. Le temps passe, je prends vraiment le contrôle de mon corps, je m’intéresse surtout à mes mains, elles vont devenir le plus fantastique outil dont je dispose. Je parviens aussi à me mouvoir sur le sol, et petit à petit, je peux me déplacer, pour explorer mon nouvel univers. D’abord maladroitement comme un ver, et je me cogne partout… je comprends que je dois faire comme les grandes personnes qui m’entourent ; je cherche à me redresser, me lever en m’agrippant à tout ce qui m’entoure ; c’est extrêmement difficile ; je tombe souvent… mais finalement c’est le grand jour, je m’élance et file tout droit, d’un meuble à l’autre… je marche… le monde m’appartient ! Je le sens, il y a autre chose ; jusqu’à maintenant, j’étais complètement enfermé dans mon univers ; je suis MOI, et tout ce qui m’entoure, est le monde auquel je suis confronté. Pourtant, d’abord instinctivement, et puis de plus en plus consciemment, je le réalise… il y a les autres, ces immenses personnes, qui dès mon arrivée m’ont porté assistance. Au début, si je me sentais mal, je criais jusqu’à ce que mon problème soit réglé ; mais petit à petit, j’ai moins eu besoin de crier, et aujourd’hui, je sais attirer leur attention, sans souffrir, juste par des mimiques, des signes ou mon agitation. Il y a aussi ces sons…Eux ne crient pas…Eux ils émettent des sons hachés aux tonalités et aux intensités très variables. Je viens de le comprendre ; ces sons sont associés à des objets, et même à des personnes. La plus importante pour moi, est celle qui me nourrit, me prend, et me sourit le plus souvent. Ces derniers temps, chaque fois qu’elle est venue, elle s’est penchée sur moi… et, avec sa main !… les mains sont devenues si importantes pour moi… sa main s’est dirigée vers son corps, et j’ai entendu «mamaet puis sa main »… s’est dirigée vers moi, m’a touché, et j’ai entendu «peterli»……… je viens de réaliser qu’elle, est «mama» et que moi, je suis «peterli»… le problème reste ; je suis incapable d’exprimer
clairement ce que j’entends ! À partir de là, tous les jours, du matin au soir, en plus de tous mes autres efforts, pour mieux contrôler mon corps, je cherche aussi à maîtriser les sons que j’émets…… et un jour enfin, après bien des efforts, je parviens à articuler et répéter très difficilement «ma… ma»…… ce mot, qui sera le premier d’une longue série ! Parmi les adultes, ils y en avaient un plus petit ; mais trop occupé par moi-même, je n’en avais pas vraiment pris conscience… j’avais deux frères l’un, de 7 ans plus âgé, et un autre qui avait juste un an de moins que moi ; dès que j’ai eu 1 an, ce dernier à nécessité toutes les attentions de ma mère. Heureusement, il y avait encore une sœur, qui du haut de ses 11 ans, commençait à bien devoir aider sa mère dans ce rôle.
AmbiancE dEs annéEs 40
ème Cette période est complémentent marquée par la 2 guerre mondiale, de 1939 à 1945. Le bouleversement est total, il n’y a aucune certitude de ce que seront les lendemains. Tous les pays sont concernés, même la petite Suisse, théoriquement neutre, est au centre de la tourmente. À tout instant, tout peut arriver ; l’invasion Nazie et la destruction, la famine, la maladie. En Suisse, dans chaque famille, les hommes valides sont sur le front, pour protéger les frontières. Les femmes et les enfants restent à la maison, les unes, font tout pour assurer une vie la plus normale possible ; les enfants, trop jeunes, n’ont pas trop conscience de ce qui se passe, ils s’amusent en toute innocence. Bien sûr, les pères ne sont pas souvent présents, ils ne rentrent que lorsqu’ils ont une permission, quelquefois, seulement après plusieurs semaines d’absence. Mais lorsqu’on est petit, tout ça est bien naturel, puisqu’on ne connaît pas autre chose. Et c’est ainsi, que j’ai été conçu, au début de la guerre, lors d’une de ces permissions. Je suis né en 1942 à la maternité de Genève ; après ma grande sœur, et mon grand frère ; un petit frère est encore venu, une année plus tard… comme moi très probablement, encore un accident provoqué par des retrouvailles passionnées lors d’une permission. À cette époque déjà, nos parents ne souhaitaient certainement pas se trouver à la tête d’une famille nombreuse. Malheureusement, jusqu’au début des années 70, et l’avènement de la fameuse « pilule » beaucoup d’enfants sont nés ainsi, en raison d’une contraception très mal maîtrisée ?
LEs bombardiErs survolEnt GEnèvE
À cette époque, et jusqu’en 1949, nous habitions à Genève, dans un immeuble de 6 étages, situé à la Rue de l’Encyclopédie, derrière la gare Cornavin, et juste en face du grand collège des filles. En 1945, petit garçon alors âgé de 3 ans, j’avais pris conscience qu’il se passait quelque chose de pas très normal, mais de terrible à la fois… c’était la guerre ! Je voyais rarement mon père qui était mobilisé pour protéger nos frontières du côté de Sargans. Il nous rendait parfois visite pour quelques jours, et nous apportait des gâteries, comme les fameux biscuits militaires Suisses, «les tuiles »que les tous enfants appréciaient beaucoup. Le soir, alors que nous étions couchés, je pouvais entendre la radio de Londres, qui précédée de son fameux signal, sous la forme répétée et lugubre des notes «mi-mi-mi-do » émettait des nouvelles, sur la situation de la guerre ; mais surtout aussi de mystérieux messages codés, du genre «la grand-mère de Rémy lui donne RV sous le peuplier », messages destinés à la résistance, qui s’organisait alors en Europe, et plus particulièrement en France. La vie ne me semblait pas particulièrement difficile, bien que pour obtenir certains aliments comme le beurre et la viande, il fallait des tickets de rationnement. J’ai su plus tard, que la crainte d’une invasion de la Suisse par les Allemands, était totalement justifiée ; et que mon père envisageait alors de fuir vers le sud, par Marseille pour, si nécessaire, rejoindre le nord de l’Afrique… continent, qui l’avait toujours beaucoup fasciné. Début 1945, la fin de la guerre étant proche, les Italiens s’étant alliés aux Allemands, les forces de libération survolaient de plus en plus souvent Genève, pour aller bombarder Milan et
son industrie. Pour l’enfant que j’étais ; c’était fascinant ; d’abord, on entendait le hurlement des sirènes situées sur le toit de la grande école ; juste là, face à notre balcon, et puis progressivement, c’était le grondement sourd des moteurs d’avion, qui lors du survol de notre maison, s’amplifiait, jusqu’à devenir presque terrifiant. Ces avions n’étaient pas nos ennemis, et pourtant quelques bombes étaient malencontreusement tombées sur la ville. C’étaient, selon ce qu’on avait dit, des erreurs ; au retour d’une mission… quelques bombes, non larguées sur les objectifs, avaient été alors purgées avant l’atterrissage, sur une ville, que les pilotes alliés pensaient encore être italienne. Jusqu’à ce jour, je n’avais jamais pu voir ces avions, puisque à chaque fois, nous devions nous réfugier dans les caves ; et là, pour une raison que j’ignore, nous n’étions pas descendus dans les abris… l’occasion était unique, je m’étais précipité dans les WC des grands, étais grimpé sur les toilettes, avais dressé la tête, pour enfin voir un petit coin de ciel bleu, par la petite lucarne rectangulaire proche du plafond. Ils étaient arrivés, c’était d’abord juste un point, puis deux, trois, dix et des dizaines ! Là-haut dans le ciel ; sombres silhouettes noires se découpant sur le ciel, comme des croix alignées par rangs de 3 à 4, les bombardiersB24 liberator à 4 moteurs, avançaient lentement, dans un grondement sourd ; majestueux comme à la parade, pour un défilé… et pourtant, ils étaient porteurs de mort et de désolation. Mais à cette époque, je n’en avais aucune conscience, c’était juste un événement très impressionnant, pour le petit garçon que j’étais. Cet événement restera à tout jamais gravé dans ma mémoire ; comme l’un de mes premiers souvenirs.
La viE En villE
Bien qu’en pleine ville, le quartier des Délices où nous habitions, offrait tout de même des places de jeu multiples, à l’enfant de 6 ans que j’étais alors. C’était le temps du tricycle, et puis viendrait celui des trottinettes. Pour les garçons, tous les déplacements se faisaient avec ces engins. C’était l’été, il faisait chaud, et il fallait rejoindre les copains au plus vite. L’un d’entre eux habitait au fond d’une impasse, dans l’une des seules maisons de campagne ayant subsisté au développement vorace de la ville. Avec son jardin envahi d’arbres et de plantes de toutes sortes, elle avait le mystère, et le charme des anciennes demeures. Dans la cour, sur un côté, trônait une vieille fontaine rouillée, formée d’une colonne en fonte, sur laquelle s’articulait un long bras, qu’il suffisait de mettre en mouvement. À chaque va-et-vient, accompagné d’un grincement strident, l’eau claire et fraîche s’écoulait alors en cascades, dans un gros gargouillis qui nous fascinaient. Nous en buvions bien un peu, mais pour nous, s’était avant tout un jeu… et nous étions bien vite tous trempés. Devant la maison, au fond de l’impasse qui y conduisait, se trouvait notre lieu de rencontre favori. La route se terminait là, par un mur surmonté d’une barrière de treillis infranchissable. Derrière cette barrière, en contre-bas, il y avait les rails de la ligne du chemin de fer qui, partant de la gare de Cornavin proche, se dirige vers Bellgarde en France… plus loin, c’était l’inconnu. En attendant de voir passer les trains, nous aimions bien observer et agacer ces petits insectes, rouge et noir sur le dos (genre de punaise appelée communément gendarme) ; ils courraient sur le mur, sans pourvoir s’envoler, leur drôle d’odeur nous attiraient. Et puis nous l’entendions venir, et nos jeux s’arrêtaient immédiatement : nous nous redressions ; lorsque le train arrivait enfin là, juste sous notre nez, trois à quatre mètres plus bas ; effrayés, nous faisions un grand saut en arrière. La locomotive, en phase d’accélération sur la légère montée, crachait par saccades, son gros panache de fumée noire. Suivant la direction du vent, nous devions parfois même nous enfuir, en respirant et toussant dans cette fumée, à l’odeur de charbon si caractéristique. Pour nous, il n’y avait que trois sortes de locomotives à vapeur ; la grosse, très noire et très puissante, qui emmenait à petite vitesse, un nombre incroyable de wagons marchandise
  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents