Un amour sans mémoire
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Un amour sans mémoire , livre ebook

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Description

« Je t'ai alors laissé me demander vingt, trente fois où se trouvait papa. Je t'ai répondu vingt ou trente fois d'un ton calme et bienveillant. À chaque fois, tu m'as répondu tranquillement : “Ah bon, très bien, et on le retrouve à quelle heure ?”. J'étais sidérée. Tu oubliais réellement les réponses au fur et à mesure, au point de ne pas te rendre compte que nous répétions sans arrêt le même dialogue. J'espérais que tu me demandes de cesser cette mascarade. Cela ne venait pas. Nous étions juste dans notre nouvelle vie. » Âgée de quarante-sept ans, Stéphanie Petit est médecin anatomopathologiste. La maladie d'Alzheimer de sa mère l'a propulsée de l'autre côté du miroir, celui du malade et de sa famille. Désemparée, puis embarquée dans une aventure humaine remplie d'amour, elle a ressenti le besoin de raconter à quel point cette maladie impacte non seulement la personne atteinte, mais aussi son entourage proche. Après dix ans de recul, au-delà de l'histoire personnelle, elle espère que ce témoignage pourra venir en aide à d'autres familles encore démunies.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 23 novembre 2016
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342058246
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0034€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Un amour sans mémoire
Stéphanie Petit
Mon Petit Editeur

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Mon Petit Editeur
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
Un amour sans mémoire
 
 
 
« Sans mémoire, tout est nouveau »
Maurice Roche
 
 
 
Remerciements sincères
à Nadine Esquerre-Boucher pour le coaching en écriture,
à Gérald Geronimi pour la photo de couverture.
Liste des abréviations
APA : Allocation Personnalisée d’Autonomie
CANTOU : Centre d’Activités Naturelles Tirées d’Occupations Utiles
CLIC : Centre Local d’Information et de Coordination
CSA : Conseil Supérieur de l’Audiovisuel
EHPAD : Établissement d’Hébergement pour Personnes Âgées Dépendantes
MMS : Mini Mental State
Avant propos
Ce récit est la compilation de quelques notes prises au fil du temps, le plus souvent au gré des caps à passer et des émotions. Le moteur initial était juste le besoin de poser les choses, de mettre des mots dans l’espoir d’y voir plus clair. D’année en année, même si je n’y revenais que de temps en temps, à intervalles aléatoires, ces notes sont apparues comme un témoignage personnel et familial, que mes enfants pourront découvrir un jour. Disons qu’ils découvriront la face cachée d’une histoire, qu’ils ont vécue à part entière avec leurs yeux d’enfants. Rien n’a changé dans ma façon de reprendre la plume de temps en temps pour poursuivre cette conversation imaginaire, jusqu’à cette idée de sortir du cadre familial. C’est la raison pour laquelle j’ai décidé d’écrire a posteriori un commencement, et de donner une fin, bien que rien ne soit terminé. Par la suite, j’ai pris le parti de modifier les prénoms et les noms.
 
Notre histoire n’a rien d’extraordinaire. Elle se fond dans une époque qui compte des milliers de personnes dépendantes, « étiquetées Alzheimer et maladies apparentées » et des milliers de familles plus ou moins démunies. Elle est cependant forcément unique, dans ses faits et dans notre approche. Je continue à m’interroger sur le bien-fondé des chemins et des décisions que nous avons prises « Pour son bien ». Mais peut-on se substituer à une personne adulte, quelle qu’elle soit, pour décider de ce qui est bien pour elle ? Je me retranche derrière l’intention d’avoir voulu prendre les meilleures décisions pour la protéger, mais protéger aussi chacun d’entre nous, puisque nous étions tous impactés. Elles sont forcément discutables. Durant ces années, des proches et des amis ont disparu, pour certains plus âgés qu’elle, mais pour d’autres, bien trop jeunes. J’avoue avoir ressenti un sentiment étrange, savant mélange de culpabilité et d’injustice. Espérer que ceux qu’on aime vivent le plus longtemps possible, dans une vieillesse qu’ils n’ont pas choisie, a-t-il vraiment un sens ? Qu’est devenue sa vie à quatre-vingt-treize ans ? La seule certitude est qu’on ne peut pas, ne pas apporter les soins et le réconfort nécessaires à une personne sous prétexte qu’elle est âgée, ou qu’elle a perdu la raison.
 
Quand plusieurs générations vivent et travaillent sous le même toit, l’organisation familiale permet parfois à la personne malade de garder sa place très longtemps. Elle relève d’une volonté commune de ne jamais la laisser seule et de lui permettre de participer à sa manière aux travaux nécessaires. Il n’y a pas un aidant isolé, mais des aidants. Cette situation est rarement possible de nos jours et j’ai été particulièrement touchée de la rencontrer.
 
Quelles que soient les possibilités de chacun, les soins et le réconfort apportés peuvent être une belle histoire, remplie d’amour, de bons et de mauvais moments. Alors puisse celle-ci être porteuse d’espoir pour ceux qui sont dans le brouillard d’une histoire difficile, de partages et d’échanges, et peut-être de découverte d’un « autre monde ».
Qu’est-ce que j’ai perdu ? Ah oui ! … la mémoire ? …
Petite boutade de rien du tout, mais petit commentaire qui en dit long, et qui résonne ô combien juste pour certains. Ceux qui vivent sans mémoire immédiate ne le savent pourtant pas. Ils compensent longtemps par moult artifices qui trompent leur entourage comme ils les trompent eux-mêmes.
 
Mais quel mystère constitue ta maladie, que beaucoup s’accordent à nommer : « terrible maladie » ?
 
Je me souviens de ce déclic qui me révéla enfin la profondeur de ton trouble. Cette prise de conscience ne vint pas sans mal. Il fallut me préciser les choses. Il fallut me rappeler que ta maladie concernait la mémoire, et qu’en ce sens, certaines paroles et certains actes étaient non seulement inutiles, mais aussi délétères. Je devais intégrer que tu ne pouvais plus assimiler les éléments nouveaux. Tu nous faisais croire que tes oublis répétés étaient dus à de l’inattention, liés à un désintérêt nouveau pour certaines choses de la vie. Parmi les multiples signes d’alerte, on était passé outre les fonds de casseroles brûlés, les remarques et les actions décalées, et même les couches du bébé mises avec soin, mais bel et bien toujours à l’envers, malgré les démonstrations répétées. On finissait par trouver une explication à tout : ton esprit fantasque et ton mauvais caractère avaient bon dos. Plus sérieusement et plus objectivement, il y avait eu ce choc lorsque le médecin t’a demandé de représenter une horloge et que tu as rangé les chiffres des douze heures bien serrés entre midi et six heures. Devant nos regards « étonnés » et interrogateurs, il n’y avait eu aucune remise en question de ta part, juste un haussement d’épaule et une moue dubitative excusant ton incapacité notoire à dessiner quoi que ce soit. C’était étrange, incompréhensible, mais comment comprendre et admettre d’emblée que tu n’étais plus tout à fait la même avec ton verbe toujours aussi haut, ton assurance et tes emportements ? Tes parades efficaces et imparables brouillaient les pistes. Bec et ongles déployés, tu parvenais à prouver que tu n’étais pas malade, et qu’à quatre-vingts ans tu avais gardé toute ta superbe. Tu donnais parfaitement le change.
Septembre 2004
Ce matin de septembre 2004, je compris enfin. Papa quitta la maison pour attendre votre camion de déménagement. Je savais déjà que tu étais malade, puisque quelques mois auparavant le verdict était tombé. Non sans ruses de notre part, tu avais fini par accepter quelques tests de consultation gériatrique, inutiles à tes yeux, puisque tout allait bien. De guerre lasse, tu avais fini par accepter, juste pour me faire plaisir et prouver à mon collègue de quoi tu étais encore capable. J’avais dû te promettre : « Une fois, mais pas deux ! » Tu acceptais et tu étais tranquille une bonne fois pour toutes. Le sens du défi, lui, ne t’avait pas quitté. Pour la première fois, j’avais bataillé et négocié dur. Je m’étais arrangée avec ma conscience, en trouvant les bons arguments de la « version officieuse », la version officielle ne pouvant être abordée sans déclencher ta colère, voire ta violence. Mettre un nom sur tes symptômes quotidiens, apprendre que tu étais malade, avaient justifié de vous rapprocher de nous, de chercher à vous soutenir. Pas pour toi bien sûr, tu n’avais besoin de personne, puisque tout allait bien (lol !), mais pour papa, dont la vie était un enfer. Nous avions mis en balance le traumatisme d’un déménagement à ton âge, et la désorientation qui s’était installée dans ta propre maison, dans ta ville, auprès de tes voisins. Cela pouvait-il être pire ?
 
Je n’avais juste pas compris de quoi il s’agissait vraiment.
 
Je t’ai alors laissé me demander vingt, trente fois où se trouvait papa. Je t’ai répondu vingt ou trente fois d’un ton calme et bienveillant. J’ai pris sur moi, pour ne pas prendre ce ton peu engageant de celui qui est exaspéré de répéter sans cesse la même chose. Je n’ai pas commencé mes phrases par « Je te l’ai déjà dit tout à l’heure » ou « Tu vas me le demander combien de fois ? ». À chaque fois, tu m’as répondu tranquillement : « Ah bon, très bien, et on le retrouve à quelle heure ? ». J’étais sidérée. Tu oubliais réellement les réponses au fur et à mesure, au point de ne pas te rendre compte que nous répétions sans arrêt le même dialogue. ...

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