Vies en dérive
60 pages
Français

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Description

Gourmande de la vie et des autres, Charlotte, radieuse, comptait mordre la vie à pleines dents. Elle attirait tout naturellement le regard des autres, le regard des hommes, mais à l’aube de ses quarante ans à cause de l’implacable fatalité génétique, elle ne sera plus que désarroi. Elle voulait des cimes pour se laisser porter par les nuages, il ne lui reste que le pâle miroir des flaques parisiennes et Charlotte part à la dérive de sa vie.
Une épreuve de vie écrite par Floria Bousquet, metteur en pages au Journal Officiel et Béatrice Wattel, écrivain-biographe, auteure d’ouvrages biographiques, romans et essais. Un témoignage pour lever le voile sur une maladie génétique méconnue, voire inconnue, mais bien réelle. Le récit des souvenirs d’une vie au fil des arabesques de la mémoire.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 07 mars 2016
Nombre de lectures 0
EAN13 9782334046350
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0037€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-334-04633-6

© Edilivre, 2016
Remerciements


Je remercie particulièrement Béatrice Wattel, écrivaine-biographe, sans laquelle ce livre n’aurait pu exister.
 
 
Marcher, ne pas oublier de continuer, ne pas oublier de vivre. Je ne sais pas s’il fait beau, je ne sais pas s’il fait froid ou chaud. Je ne sais plus. Une seule chose, là au fond de moi, en moi, vit et grandit, sans tenir compte de moi, de ma vie, de mes désirs, de ma volonté. Entre sueur et froideur, entre pluie et rosée, je ne sais pas pourquoi je marche, pour où, mais je marche. Peut-être ai-je envie de crier, je dois hurler, il faudrait, je ne peux pas.
Personne ne peut voir. Personne ne peut savoir. Je croise des hommes, des femmes, soucieux, indifférents, inexistants presque. J’erre, ils ont un but. Je me projette. Je marche devant moi, lentement, légère et vacillante. Mes boucles rousses sautillent au rythme de mes pas, au frôlement du vent. Des regards se croisent, visions furtives d’un visage déjà oublié. Des regards me croisent, rencontres fugaces. Des sourires s’échangent. Mon visage présente-t-il encore l’empreinte d’un sourire ? Que reste-t-il de la jeune femme à l’aube de ses quarante ans qui marche devant moi, qui sort de moi et s’en va.
Demain, je ne serai plus moi. Charlotte ne sera plus. Disparue, la jeune femme dynamique, pétillante de joie, optimiste envers et contre tout, éclatante de bonheur, de tous les bonheurs, les petits et les grands, souriante au rayon du soleil, au chant d’un oiseau, au rire d’un enfant, à la perle cristalline d’une goutte de pluie, aimante et aimée par ses parents, ses amis, ses amours.
Gourmande de la vie et des autres, je suis née libre et libérée. La vie m’était offerte et je comptais bien la savourer, la mordre à pleines dents jusqu’au bout. Jolie jeune fille aux yeux rieurs, pulpeuse, radieuse, j’ai attiré tout naturellement le regard des autres, le regard des hommes. Collectionneuse d’hommes, je le fus dans la quête incessante de celui qui verra, qui saura, de celui pour lequel on pourra tout vivre, tout croire et tout tenter. L’ai-je croisé sans le voir ? Était-il trop tôt ?
Je rêvais de vivre intensément, infatigablement, mais il ne me reste que l’enchaînement à la fatalité génétique et je ne suis plus que désarroi. Je voulais des soleils d’or et des plages sans fin, je voulais les cimes pour me laisser porter par les nuages, il ne me reste plus que le pâle miroir des flaques parisiennes. Je voulais la passion, je n’ai que le goût amer de tendresse au rabais trop vite consommée, trop vite oubliée. Je voudrais réorganiser ma vie, reprendre les rênes, mais je mesure amèrement à chaque pas, à chaque instant de plus, l’immensité de la fatale évidence. Ma vie me fuit, il ne me reste que le vibrant foyer de lumière des quelques personnes de ma famille qui me sont proches. Il me réchauffe, me soutient. Pour eux, je devrais lutter, rattraper la belle Charlotte qui s’éloigne devant moi, la retenir, la réintégrer. Pourtant je ne peux. Lentement, sûrement, son visage, son image s’éloigne. Je perds son corps, mon corps qui m’échappe. J’ai mal de me perdre, elle était si jolie, si rieuse celle que j’étais et qui, au fil des jours, des mois et des ans, va s’étioler, se dissoudre peu à peu.
Demain aurait dû être un moment charnière, celui d’une vie de femme épanouie entrée dans la quarantaine resplendissante. Un moment important qu’il fallait souligner, fêter. Et cette fête, Charlotte l’avait imaginée, pensée, rêvée et vécue. Elle avait lancé ses invitations deux ans à l’avance, pas question que ceux qu’elle aime se dérobent, soient pris à l’improviste. Elle l’a organisée pendant un an. Un an à penser les détails comme les points importants, à savourer chaque instant en le préparant avec pointillisme dans l’effervescence grandissante.
Ce fut une soirée de fête, une belle demeure en Normandie, les flammes des chandelles répondant à la danse des flammes dans la cheminée, la musique envahissante, enivrante, les vins et les mets, Charlotte avait tout prévu, des fleurs aux ballons. Ce fut une fête somptueuse, comme un conte de fée pour ses invités. Cent personnes autour d’elle, pour elle. Cent personnes pour qui cette soirée était une preuve d’amour. Un hymne au bonheur qui s’est terminé à dix heures du matin, sans qu’elle se soit assise un seul moment. Un week-end, oui, c’est cela, deux journées exceptionnelles de rire, de tendresse, de chaleur, entourée des siens, des gens qu’elle aime le plus, qui l’aiment le plus, pour s’enivrer de leur amour, de leur joie, de leur rire. Son père était là, bien sûr. Une soirée pour marquer le début d’autre chose, d’une autre partie de sa vie qu’elle se voulait aborder avec toujours plus d’enthousiasme, peut-être une façon bien particulière de montrer sa réussite, la réussite de la vie malgré le handicap d’une famille compliquée par nature. Un moyen de changer un moment les choses, un pied de nez à son destin, une échappatoire à la vie d’avant, l’ancienne vie.
Charlotte, dans ce château, entourée de ses amis et de sa famille, un verre de champagne à la main, n’a aucun stigmate de son passif familial compliqué mais tellement aimant à la fois. Rien ne se voit, rien ne se sait, alors rien ne se dit. Elle va bien et pour tout le monde, elle a une famille normale et en bonne santé, presque banale. La maladie, non, quelle maladie ? Si vous racontiez, l’on vous regarderait avec étonnement, incrédulité. C’est vrai, c’est incroyable, mais si réel, malheureusement.
Mais il n’y aura pas de suite au conte de fée, il s’en est allé le bonheur rêvé. La fête a eu lieu, elle fut éblouissante. Son souvenir réchauffe la Charlotte que je fus, accroche encore un sourire à ses lèvres, mais elle est finie sans avoir commencé la quarantaine glorieuse qu’elle rêvait de vivre. Le rêve reste suspendu en sa mémoire et les lumières de la fête, comme les éclats de leurs rires, se voilent de la ouate du souvenir. À quoi bon rêver, dérisoires les lumières et les rires, l’âtre est froid, ils sont fanés les flonflons de la fête. Ce n’est plus Charlotte qui tient la baguette magique, mais l’implacable et sournoise fatalité. Elle se voulait étincelante, elle est chancelante, anéantie, apeurée et révoltée.
Où est-elle Charlotte, la femme que j’étais, la petite fille que je fus, l’aînée d’une famille aimante, le bonheur de ses parents, de ses oncles et de ses tantes, l’adoration de ses grands-parents ? Comme elle lui manque en cette heure la tendresse dont ils l’enveloppaient. J’ai froid loin d’eux, sans eux. Elle me semble loin cette Charlotte-là, pourtant je ne veux pas la perdre, je veux rentrer en elle, qu’elle revienne en moi. Je pense à ma vie et je me vois souriante, recevant chaque jour les signes d’un bonheur familial sans faille dans lequel je baigne avec joie et délectation.
Petite fille adorable et adorée, telle l’héroïne d’un livre d’images qui se construit chaque jour avec l’amour de sa famille qu’elle pense, qu’elle veut garder près d’elle, toujours, Charlotte fait fi de la mort, de la maladie. Cela n’existe pas, d’ailleurs personne n’en parle, alors c’est bien un signe. Candide sentiment d’éternité, folle et crédule croyance, mais féroce croyance pour moi qui en était naïvement sûre. Ingénue petite fille rieuse et bavarde, si bavarde, trop bavarde à l’école, un peu espiègle, un peu effrontée, croqueuse de vie, gourmande de chaque jour, un peu trop peut-être, mais qu’importe, il fallait que jeunesse se passe, que le bourgeon...

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