Vivre tambour battant
284 pages
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Description

Tilmann Kleinau est né le 21 juillet 1961, avec des bras et des jambes courts, atrophiés : c'est un enfant du thalidomide. Il fut baptisé aussitôt, car personne ne pouvait imaginer qu'un enfant né avec de telles malformations extérieures puisse survivre quelques mois, ou même quelques semaines.

Aujourd'hui âgé de 53 ans, docteur en philologie, il vit à Stuttgart où il exerce en libéral la profession de traducteur pour des agences et des maisons d'édition. Il joue aussi de la batterie dans un groupe de rock amateur et s'investit bénévolement dans des associations de personnes handicapées. Grâce à une assistance humaine permanente, il mène une vie normale, active et riche. Quels problèmes a-t-il dû résoudre ? Avec délicatesse et humour, il montre que la vie est infiniment précieuse.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 09 juillet 2015
Nombre de lectures 1
EAN13 9782332894380
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0120€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-332-89436-6

© Edilivre, 2015
Avant-propos
Permettez-moi tout d’abord de me présenter brièvement. Je m’appelle Tilmann Kleinau. Né en 1961, j’ai aujourd’hui 47 ans, et j’habite depuis 18 ans à Stuttgart. Docteur en Philologie, je travaille en freelance pour des agences de traduction, un éditeur, et diverses sociétés allemandes et étrangères. Mes hobbies sont la batterie, la littérature, la télévision, la psychologie, la politique, et enfin les voyages. Pourtant, et c’est assez particulier, je ne peux faire un pas hors de chez moi sans un accompagnateur. En effet, je suis handicapé des quatre membres et j’ai besoin d’un assistant à plein temps pour m’habiller et me déshabiller, faire ma toilette, prendre ma douche, aller aux WC, m’installer en voiture, me conduire, puis m’en faire ressortir, cuisiner, me faire manger, faire la lessive, ou faire des photocopies, et les mille autres petites choses de la vie quotidienne. Je suis ce qu’on appelle un “Contergan-Kind”, un enfant du Thalidomide. Mes bras et mes jambes sont atrophiés et je peux seulement m’asseoir par terre ou me déplacer en fauteuil roulant électrique.
Contergan est le nom allemand du médicament somnifère et sédatif qui a provoqué chez moi ces malformations congénitales. Thalidomide est le nom chimique de la substance. Je ne suis pas un cas unique : de l’automne 1957 au début 1962 sont nés dans le monde cinq à six mille enfants atteints de malformations lourdes du fait de ce médicament. Elles touchaient essentiellement les bras et les jambes, les mains et les pieds, les doigts et les orteils, et dans de nombreux cas le cœur, les reins ou les oreilles. Cela dépendait de la période, de la durée et de la dose de médicament prise. La moitié environ des enfants sont morts dans les semaines qui ont suivi leur naissance, le plus souvent ceux qui avaient des lésions des organes internes. Nous sommes aujourd’hui en Allemagne 2700 “Contergankinder” – enfants du Thalidomide – vivants. La majorité d’entre nous a les bras atrophiés et une faible proportion, comme moi, est également atteinte aux jambes.
L’objet de ce livre est de vous raconter comment ma vie a commencé, et comment elle s’est ensuite déroulée. Ce que signifie être handicapé, ou être handicapé par les autres, parce que ça n’est pas la même chose. Comme il est important d’être entouré de sa famille et de ses amis. Comme – et c’est souvent difficile à voir – certains choix dans mes relations, dans mes perspectives professionnelles etc. me sont défendus. Comme il est intéressant de vivre d’autres choses, d’apprendre à connaître d’autres personnes que la plupart des autres hommes, autres que celles que j’aurais vraisemblablement rencontrées sans ce handicap que je n’ai pas choisi mais qui m’appartient. Et surtout, comme il peut être beau aussi de vivre avec un handicap sévère. Parce que c’est avec un sacré plaisir que je vis !
En vérité ce livre devrait s’appeler “Marches”, car c’est par marches que ma vie s’est forgée jusqu’à aujourd’hui. Permettez-moi de préciser cette image :
D’abord, comme chaque homme, j’ai traversé au cours de ma vie de nombreuses étapes – ou marches – de développement différentes. Chaque chapitre de ce livre traite d’une de ces étapes-marches, dont je n’ai souvent réalisé la nouveauté que des mois plus tard. C’est ce chemin que je souhaite, cher lecteur, vous faire parcourir avec moi.
Ensuite, les marches sont bien ce que je peux passer le moins facilement en fauteuil roulant. Elles me rappellent chaque jour ma dépendance à vie, quand mon assistant doit me faire monter ou descendre les escaliers en fauteuil roulant ; ou par exemple quand nous avons besoin, dans des escaliers particulièrement raides, de l’aide énergique d’un second homme ; ou aussi quand nous devons trouver un détour sans marches car le chemin le plus court est impraticable en fauteuil roulant électrique ; ou encore quand je ne peux rendre visite à ma sœur parce qu’elle habite au cinquième étage d’un immeuble ancien sans ascenseur et que ce serait trop compliqué.
Enfin, ma vie entière est pour moi une aventure. Bien sûr, un homme se développe et mûrit graduellement, mais celui qui se retourne sur son passé demeure attaché à certaines expériences déterminantes. Elles sont, au sens figuré, les marches de mon “chemin personnel” et je tiens à décrire dans ce livre ses bornes miliaires, ses étapes. Je ne veux décrire que ces marches et non le chemin entier, et faire comprendre du mieux que je peux comment j’ai ressenti ces moments de ma vie, comme des photos instantanées, au présent, et capturer ces images aussi pour vous.
Ce livre ne parle que de moi mais je suis sûr que beaucoup d’autres personnes, quel que soit leur handicap, se retrouveront dedans. Des personnes qui jour après jour doivent aussi mener leur handicap au combat contre leur environnement, contre les pouvoirs publics, et qui me comprendront.
Si je parviens également à faire comprendre (attention : comprendre, pas prendre en pitié !) un tout petit peu mieux les gens comme moi aux personnes qui n’ont pas de handicap (est-ce que ça existe ?), alors ce livre aura atteint son objectif.
Stuttgart, Mai 2009
Tilmann Kleinau
Naissance
« Votre enfant est gravement handicapé. Il vaut mieux que vous ne le voyiez pas » dit le médecin à ma mère lorsqu’elle se réveille après une césarienne. Épuisée, elle retombe sur son oreiller. Il lui faudra récupérer ses forces durant plusieurs jours avant de pouvoir supporter ma vue.
Après que le terme ait été dépassé de trois semaines, on m’a amené de force à la vie, et on est effrayé de ce que l’on a fait naître : un garçon dont les bras et les jambes sont courts et tordus, et qui est extérieurement tellement déformé qu’il faut craindre aussi des lésions internes. Alors on ne peut pas – ou peut-être on ne veut pas – imaginer que cet enfant survivra.
« À la clinique, du personnel soignant à la femme de ménage, tous ont éclaté en sanglots quand ils t’ont vu », raconte ma mère. Elle n’en dit pas beaucoup plus sur ces heures, jours et semaines du début, qui comptent certainement comme les plus difficiles de sa vie. Elle m’avait attendu avec tant d’espoir, répète-t-elle. Un petit garçon en bonne santé. Je devais me prénommer Christoph Cornelius. Chaque jour de sa grossesse elle s’est préoccupée de moi, a chanté pour moi, a pris particulièrement soin de son alimentation, et s’est imaginée comment elle me tiendrait bientôt dans ses bras.
Durant les premières semaines de sa grossesse, au cours d’un voyage, alors que ma mère ne se savait pas encore enceinte, elle ne trouvait plus le sommeil. Elle devenait irritable, faible, et décida donc après plusieurs nuits d’insomnie de prendre chacun des huit soirs suivants un comprimé de Contergan, un somnifère inoffensif mille fois éprouvé, mille fois prescrit. On ne pouvait y voir de mal. C’est bien des mois plus tard, en automne 1961, que parut dans le Bild-Zeitung un article qui exprimait pour la première fois le terrible soupçon d’un pédiatre, le Docteur Widukind Lenz, soupçon que le nombre croissant de malformations chez les enfants depuis quelques mois pourrait provenir du Contergan.
Les médecins qui m’examinent pensent que je ne survivrai pas longtemps. De la clinique des environs de Munich, je suis admis dans un home d’enfant à Munich même où l’on me fait baptiser d’urgence, au cas où je devrais bientôt quitter ce monde. Mais le petit Tilmann – et non pas Christoph Cornelius car un enfant en bonne santé pourrait suivre – ne s’affaiblit guère, il pousse et prospère comme tous les autres bébés. Six mois plus tard, lorsqu’il apparaît clairement que je survivrai, mes parents me ramènent à la maison. Mais jusque là, j’ai été beaucoup trop souvent seul. Le dodelinement de la tête qui me calme et que je reproduis automatiquement pour mieux réfléchir ou me détendre lorsque je ne me sens pas observé est un TOC (Trouble Obsessionnel Compulsif) contracté lors de cette hospitalisation ; il m’accompagnera toute ma vie.
Ma mère abandonne l’atelier de tissage qu’elle tenait avec sa mère et son oncle pour ne se consacrer qu’à moi. Lorsque j’ai environ six mois, elle me sort du home d’enfant et m’élève tout à fait normalement comme n’importe quel enfant. J’ai une reconnaissance infinie envers elle et mon père de m’avoir évité de grandir en institution. Que serais-je devenu ?
Un enfant à la conquête du monde
Le petit Tilmann grandit, prospère, et comme tous les enfants fait chaque jour des découvertes excitantes par centaines de milliers. Peut-être pas tout à fait comme tous les enfants ? Je me déplace en rampant et en glissant sur le sol, puis, après avoir découvert un jour que c’est plus rapide, en roulant sur moi-même comme un cylindre. Quand je veux m’asseoir je prends appui par le menton sur une caisse ou une marche. Je suis un enfant gai, calme, d’humeur égale et cependant rêveur par moments, ou plongé dans mon monde intérieur.
Quand nous sortons, Maman et moi, je trône dans une poussette confortable, ma tête aux boucles blondes relevée avec curiosité, des yeux bruns ronds comme des billes, le nez plat, le front bombé, et j’enregistre avec avidité tout ce qui se passe autour de moi. Je fais ainsi bientôt la distinction entre les voitures ordinaires et la coccinelle toute ronde et je crie gaiement “v
awaie” (VW).
Si une grue, une excavatrice ou un bulldozer sont en action, ma mère doit s’arrêter longuement et m’expliquer tout en détail. Comme je ne peux pas m’approcher seul, elle n’a pas à me retenir comme ma petite sœur valide affublée, elle, d’un harnais.

À quelques temps de là ouvre à Munich le Centre de Dysméli

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