Vous que je n ai pas su aimer
296 pages
Français

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Description

Le récit d'un long chemin depuis une enfance rendue difficile par la dépression d'une mère, la morale stricte d'une religion dépourvue de sens, la chute dans l'alcoolisme, et la rédemption grâce aux Alcooliques anonymes et surtout à Tonina, une infirmière extraordinaire. Un combat pour retrouver la confiance chaque jour, combat engagé contre la colère, l'angoisse, la violence familiale qui réapparaît sans cesse dans les mots et les coups. Un cri d'amour...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 10 octobre 2017
Nombre de lectures 0
EAN13 9782414120925
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0075€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-414-12090-1

© Edilivre, 2018
Dédicace

A Vicky
Un homme marche dans la rue
C eci n’est pas une chronique exacte des faits. Ce n’est pas un ouvrage historique. C’est une fiction, un roman. Les personnages ont existé ; ils sont morts ou vivants. Il est impossible de savoir exactement ce qu’ils ont dit, ce qu’ils ont vécu. Les faits, les gestes, les paroles, les mots, n’ont pas d’existence objective ; ils n’ont existé que dans l’esprit de ceux qui les ont prononcés, puis ils ont été réinterprétés par l’esprit de ceux qui les ont entendus. Aujourd’hui j’écris ; par ma pensée, ils revivent, je les interprète à nouveau : je suis l’auteur de ce livre qui les interprète une nouvelle fois. Il est plus proche du roman que de la vérité historique : si mon interprétation s’appuie sur quelques documents, elle est surtout conditionnée par ma mémoire, qui a estompé, effacé, réaménagé certains éléments pour en privilégier d’autres.
Un homme marche dans la rue. En marchant, il croise une femme. Il la regarde et la salue. Elle poursuit sa route sans lui répondre.
Que s’est-il passé ? Écrivez le paragraphe ci-dessus sur une feuille. Distribuez ce texte à dix personnes et demandez-leur de raconter ou d’écrire brièvement ce qui s’est passé. Il en résultera au moins dix histoires différentes. Les plus malins vous diront qu’il peut y avoir des variantes : le nombre d’histoires sera ainsi multiplié par le nombre de variantes, ce qui nous donnera entre dix, vingt, soixante et cent vingt histoires, toutes différentes les unes des autres. Certaines évoqueront des circonstances semblables, d’autres raconteront exactement le contraire. Et encore autre chose, à laquelle personne n’a pensé…
Pourtant, objectivement, il n’y a qu’une histoire : « Un homme marche dans la rue. En marchant, il croise une femme. Il la regarde et la salue. Elle poursuit sa route sans lui répondre ». Comme disait Paul Verlaine, tout le reste n’est que littérature.
Avec des faits que que ma mémoire a déformés, ou pas, accentués, ou pas, mis dans l’ombre pour en mettre d’autres en pleine lumière, ou non, j’écris ce roman, pour me libérer de l’angoisse.
Je parle de la douleur de ma mère dépressive. Je parle de la douleur de mon père qui vivait avec, dans les deux sens du terme. D’abord, il a vécu avec ma mère pendant tout juste un peu moins de quarante ans ; il y a ajouté dix ans à la faire vivre dans son souvenir. Ensuite, il a fait avec, il n’a rien pu faire contre son angoisse, il a tenté de l’apprivoiser, de s’en accommoder, à l’aide de quelques chopes de bière ou de cigarettes. Elle est présente jusqu’aux derniers jours, jusqu’à ce qu’on le soulage par des traitements de confort.
Moi aussi j’ai connu l’angoisse. La peur, la boule au ventre. Avec le temps, elle s’est transformée, elle a changé d’objet, elle s’exprime différemment, mais c’est toujours la même peur fondamentale ; elle m’accompagne toujours, elle m’est restée fidèle. J’essaie de composer avec elle. J’écris pour bien la voir en face, d’où elle vient et où elle veut me mener.
Elle ne gagnera pas.
I Retour au Paradis perdu
 
J e descends du train à Bâle. Ce lieu m’est familier. Les images de cette gare en cul de sac et de sa verrière habitent ma plus tendre enfance ; elles font partie de mes premières images. Toutes ces voies parallèles, des wagons le long des quais et au fond, vers la sortie, l’épaisse fumée blanche d’une locomotive à vapeur utilisée encore dans les années soixante pour les manœuvres.
Plus de machine à vapeur aujourd’hui, mais des ICE et les compositions les plus modernes. Au-dessus, une vaste galerie, construite dans les années 1990 par-dessus les quais, qui contient des commerces, des escaliers roulants et des ascenseurs qui descendent vers les quais le flot de voyageurs.
C’est là où mon père s’est retrouvé à travailler dès 1947 ou 1948, après avoir abandonné ses études. Son père Louis a dû sans doute décider qu’il lui faudrait désormais travailler de ses mains. Il est curieux de constater qu’à aucun moment, personne ne semble avoir songé qu’une autre carrière pourrait s’ouvrir à lui, par exemple dans un bureau ou dans le domaine du commerce. La seule issue possible, la seule carrière sérieuse envisageable : les chemins de fer, comme il en avait été décidé pour mon grand-père dès l’âge de quatorze ou quinze ans, et comme il en avait lui-même déjà décidé pour son fils aîné Roland. Cela n’a rien à voir, mais je songe à cette annonce matrimoniale lue pendant des années dans la feuille de chou locale : « Femme recherche homme, en vue mariage. Sérieux, situation stable (CFF) … »
Mon père est là avec ses bribes d’allemand apprises au collège, dans une ville de Suisse allemande. Comme lui, pas mal de romands travaillent à Bâle et se retrouvent à fréquenter les mêmes cafés, dont le Café de l’Union. Il comprend très vite qu’à force de ne passer son temps qu’avec ses collègues francophones, il n’apprendra jamais la langue du pays.
S’il veut s’intégrer, il lui faudra apprendre à connaître ses gens et à parler leur langue. Comme il aime chanter, il s’inscrit à l’Eisenbahner Sängervereinigung , un cœur d’hommes. En même temps, il entreprend une activité syndicale.
C’est ainsi qu’il apprend le suisse allemand, suffisamment en tout cas pour faire la cour dès 1949 à Yvonne Gebhard. Elle n’a pas voulu de lui d’abord. Mais à force d’insister, elle s’est laissé séduire et ils se sont mariés le 10 juin 1950.
C’est ici, dans cette gare, que je venais voir mon père travailler quand j’étais petit enfant. Tout ceci est bien loin aujourd’hui. Mais comme à chaque fois que je passe par ici, je me remémore ses mots. Après treize ans passés ici, il avait fini par changer de travail. C’était pénible, les heures irrégulières. D’ailleurs, tous ses amis qui sont restés alors ne sont plus là, ils sont tous tombés malades et ont fini par mourir. Il se plaisait à souligner qu’il était le seul survivant de cette époque. Que s’il n’avait pas changé de travail, il y aurait laissé sa santé et sa vie, c’est sûr. Et aujourd’hui, il n’est plus là non plus. Il ne reste plus que moi, à me souvenir de ce dur travail aux bagages, puis à l’information. Les lieux ont changé, ils ont été transformés et modernisés deux ou trois fois depuis. Alors aujourd’hui, quand je marche à travers le hall central et dans les couloirs de cette gare, je me pose la question : qui d’autre que moi se souviendra de tout cela ?
Fin 1959 ou début 1960, peu de temps après s’être fait opérer d’une hernie inguinale, jugeant sans doute ce travail aux horaires irréguliers trop éprouvant, il démissionne et commence dans un laboratoire chimique, Biobasal, où il fait tourner une machine offset qui imprime des étiquettes de médicaments.
Je sors de la Gare, je tourne à gauche. Plus loin, je cherche la route vers mon hôtel ; je ne m’en sors pas trop avec les plans. Je demande mon chemin à une passante et je finis par m’y retrouver.
Voici l’Hôtel Steinenschanze. Aucun souvenir particulier de ce quartier. Là, je suis au présent. Je m’installe dans la chambre. Elle est bien exiguë, on peut difficilement faire plus petit. Mais au moins, comme annoncé dans le courriel de réservation, elle donne sur le calme du jardin intérieur, et offre une vue sur la cathédrale.
Alors que l’an dernier, personne ne semblait vouloir de cours sur l’assurance accidents, cette année, tout le monde en demande. Et en redemande.
Pierre Arber me charge d’organiser un cours express en français. Il a engagé en octobre dernier une collaboratrice qui n’a pas l’air de comprendre grand’ chose. Même après six mois. Il lui faudrait une sorte de synthèse. Pour peut-être pouvoir ordonner ses idées. Pour moi, l’investissement est le même, pour une ou deux personnes ou davantage. Je vais donc demander à l’assistante de la Division Formation s’il y a d’autres inscriptions. Elle n’en a pas, mais elle va écrire un courriel à tous les responsables sinistres.
C’est littéralement une avalanche de réponses qui s’abat de toute la Suisse romande. Du coup, je demande qu’elle envoie le même courriel en Suisse allemande. Même avalanche de demandes.
Ordinairement, sur un an, il y a de quoi organiser un cours en Suisse romande et un deuxième en Suisse allemande. Cette année, il faut tout de suite, dans le mois, préparer et donner deux cours en français, dès le mois suivant prévoir deux en allemand. Le premier a lieu à Lucerne la semaine qui suit la Pentecôte. Le deuxième à Bâle à mi-mai, deux semaines avant l’Euro 2008.
Le cours commencera demain. Mais j’aime bien venir un jour à l’avance, pour être sur place, pouvoir d’abord m’adapter au lieu et commencer de suite le jour dit. Et puis, au fil des années, c’est devenu un moyen tout trouvé pour échapper à la routine. M’offrir quelques jours de détente, quand bien même ce ne sont pas exactement des vacances. Ici, je suis le seul maître après Dieu. J’organise mon cours comme je l’entends, tout en consultant bien entendu les participants sur leurs souhaits et leurs besoins. Mettre sur pied et donner un cours pareil m’a demandé un grand travail les premières années, et représentait il y a quinze ans encore un effort mental et psychique important. Mais avec le temps, j’ai quand même fini par devenir comme certains des professeurs que j’observais non sans admiration au collège. Avec les années, je possède ma matière. Et cette année encore davantage que les précédentes. Car cette année, je refais plusieurs fois en quelques semaines le même scénario.
En plus, l’hôtel est à cinquante mètres de l’agence où je donne mon cours. Donc pas de problèmes de trajet. C’est à même pas dix minutes de

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