Voyage en Implicie
126 pages
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Description

« Je me concentre en attendant la question du viocard quinteux qui n’a pas encore pipé mot depuis que je suis là… pfff… il peut me la vomir sa question… je vais lui envoyer du bois… et pas piqué des hannetons… je suis dans les starting-blocks… chaud comme la braise… mon cerveau est en ébullition… Mais lui qui n’a pas encore ouvert son claque-merde… il va rattraper son temps de parole perdu. […] À un moment… j’ai carrément envie de l’attraper par le colback… de le secouer en lui susurrant à l’oreille : « Dis donc vieux débris… tu vas accoucher maintenant ? Bordel… mais tu vas l’envoyer ta question moisie… dis… hein ? »

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 10 novembre 2022
Nombre de lectures 0
EAN13 9782312129198
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0250€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Voyage en Implicie
Éric Larmonier
Voyage en Implicie
LES ÉDITIONS DU NET
126, rue du Landy 93400 St Ouen
Du même auteur
En chemin avec Louis Larmonier, Volontaire de la Côte-d’Or de 1792 , éditions Chapitre.com, 2015.
Huis clos avec un monstre , éditions Chapitre.com, 2019.
© Les Éditions du Net, 2022
ISBN : 978-2-312-12919-8
À tous ceux que j’ai connus ici… et là.
« Pour que dans le cerveau d’un couillon, la pensée fasse un tour, il faut qu’il lui arrive beaucoup de choses… et de bien cruelles. »
« À force de ne pas parler, par élégance, on ne dit rien… et on l’a dans le cul. »

Louis-Ferdinand Céline
Louise Michel… Jules Guesde… Paul Vaillant-Couturier… des blases qui rappellent aux touristes paumés… surtout à ceux qui découvrent Malakoff pour la première fois… qu’ils pataugent dans l’un des derniers bastions de l’ancienne ceinture rouge de Paris… un marigot où l’urbanisme s’est développé comme un rond de sorcières jusqu’à atteindre un édifice jadis isolé… qui se retrouve aujourd’hui cerné par rues et boulevards aux relents idéologiques d’un autre temps… communisme… socialisme révolutionnaire… anarcho-syndicalisme… toutes ces thèses d’une clique qui prônaient la lutte des classes.
C’est là qu’est le Fort de Vanves.
Une seule voie mène à la forteresse… un seul chemin… qui se transforme en impasse pour les badauds mal orientés dans leur nuit… tentés de venir dans le secteur parce qu’ils avaient vu de la lumière. C’est vrai qu’au bout de cette chaussée aux pavés bancals… insignifiante au premier regard… se dévoile un lieu énigmatique qui ne laisse personne indifférent. Mystérieux pour le plus grand nombre… purgatoire pour certains… mais à coup sûr rempli d’espoir pour tous ceux sélectionnés pour être là… en ce jour précisément. Une poignée d’élus qui s’y rendent en toute conscience avec le sentiment profond de faire partie d’un équipage embarquant sur le navire amiral d’une armada en partance pour une expédition ambitieuse… de celle qui peut aboutir à la découverte d’un nouveau monde.
C’est là qu’est la direction centrale du Service.
La progression du promeneur lambda qui se serait égaré dans le secteur est immédiatement stoppée par une imposante porte… Seul vestige ostentatoire devenu obsolète, qui rappelle quand même la fonction défensive d’un lieu dont l’accès est plus que jamais soumis à autorisation. Une fois le toujours gaillard mastodonte en pierre de taille franchi, l’excursionniste mué en hôte dûment accrédité… statut qui lui fait rapidement comprendre qu’il quitte momentanément la société des quidams… accède directement à une aire assez vaste. Un espace qui sert de parking… ou de place d’armes… c’est selon la solennité de la conjoncture. À ce moment-là… au moment où j’y mets les pieds pour ma partance… l’endroit est encombré de tout un tas de bagnoles… il faut croire que la circonstance n’est pas si solennelle que ça. D’emblée, j’aperçois encore l’horizon… enfin… un reste d’horizon… celui qu’on ne pourra jamais décrocher. Il est occulté par plusieurs constructions modernes insoupçonnées… là comme ailleurs… il a manifestement fallu entasser du monde… de plus en plus de monde… et pourtant… on ne devine absolument rien de l’extérieur. À part… peut-être… pour l’éternel rêveur dont l’intention serait de suivre le ballet des hirondelles… ces admirables et infatigables voltigeuses… emblèmes d’une ville dont le ciel est devenu si gris qu’il en deviendrait douteux. J’ai pas vu ça… moi… en arrivant à proximité du fort. Des gens comme ça… du genre contemplatif… je n’en fais pas encore partie. Ça viendra. Pour l’heure, je suis un pragmatique… je le suis devenu par la force des choses… il faut dire. D’ailleurs… comment aurais-je pu me rendre compte de quoi que ce soit tant mon esprit et ma vigilance ont été totalement absorbés par l’inspection méticuleuse de chaque pouce des trottoirs alentours ? C’est qu’il faut faire gaffe où on pose ses arpions dans le coin ! On se rend compte vite fait qu’on n’est plus à la campagne… ici… tant la probabilité est grande que les pompes de n’importe quel pèlerin puissent s’accoupler avec un étron de clébard chemin faisant. Il faut dire que les environs de l’illustre endroit sont minés… truffés… d’un nombre incalculable de sentinelles de toutes allures… de toutes tailles… de toutes textures… mal digérées ou au contraire filiformes… extraites et abandonnées là… dans une certaine incontinence maladive… voire dans la douleur… par les centaines de meilleurs amis de résidents du secteur qui… pour se donner bonne conscience et se dédouaner de leur responsabilité au moment où leurs bestioles… dites de compagnie… se rendent coupables de soulager leurs entrailles… étrangement… regardent ailleurs. Si bien que le boulevard de Stalingrad tout entier se transforme… de l’aube au crépuscule… du soir au matin… en gigantesque canisette. Autant dire que pour arriver à bon port… là d’où je viens… j’ai dû traverser un vaste merdier.
Une ultime inspection méticuleuse de mes godasses demeurées impeccables malgré les embûches… les emmerdes plutôt… autorise enfin mon attention à quitter le macadam des artères malakoffiotes… et mon esprit… les fondrières de ma carrière : à partir de là… mon avenir… c’est par ici que ça se passe. À la première seconde où mon regard de béatifié attrape ce nouvel horizon, je découvre des bâtiments qui surprennent la conception imaginaire que je m’étais faite de l’endroit. Il s’y trouve des édifices distribués d’une façon carrément anarchique… dans une organisation issue du jus de cerveaux d’architectes qui se sont succédé au cours des dernières décennies et qui ont dû se torréfier la cafetière pour faire pousser et caser ces constructions du modernisme de leur temps. Au résultat, les bâtisses initiales ont laissé la place à des laiderons architecturaux qui ont été mis là… au gré des changements de destination du lieu… sans goût… sans harmonie… presque sans esprit. Que reste-t-il de l’œuvre initiale ? Qu’ont-ils fait de toi ? Pauvre édifice. Et que dire de tous ceux dont le destin s’est parfois achevé ici, au cours de la déshonorante guerre de 1870… et puis il y a eu la Commune… aussi… cette insurrection… cette guerre civile qui n’en portait pas encore le nom… ces combats fratricides en tout cas… les uns comme les autres convaincus qu’il fallait défendre la bonne vision de l’avenir de la nation française… jusqu’à s’en faire trouer la paillasse… persuadés qu’ils étaient du bon côté… la République pour certains… ceux-là devaient avoir raison puisqu’elle leur a survécu. D’ailleurs, à aucun endroit on ne rappelle leur souvenir… c’était hier et pourtant ça paraît si loin tout ça… et puis tellement ridicule… aussi. Cette petite ritournelle aurait tendance à revenir… celle qui murmure que des gens qui vivent dans une même communauté… une société qui a mis des siècles à se construire… peuvent tout à fait se compromettre dans une guerre civile… jusqu’à ce que des voisins de palier en viennent à s’étriper parce qu’ils ne pensent pas pareil… ne prient pas le même dieu… voire ne prient pas du tout. Et puis, comme ces tas de cailloux pestiférés… pollués… souillés… sont devenus presque ignobles… en tout cas dérisoires au regard de l’évolution des technologies de l’armement… on les a reconvertis en taule… en bureaux… y a même eu des pharmaciens ici… aussi. Au pied de l’un de ces édifices étrangement vitreux dont on ne parvient pas à déterminer d’emblée quelle est sa destination… un cube qui ressemble à une immense serre… mais qui pourrait bien se révéler être un hôpital spécialisé… voire un asile psychiatrique… je rejoins un aréopage de soldats tous plus beaux les uns que les autres… tous convoqués pour le grand départ… raides comme des piquets… enveloppés… engoncés… corsetés… dans leur magnifique habit de lumière. La cause de cette raideur ? Le passage obligé du splendide costume par le pressing… d’où la tunique ressort en donnant l’impression d’avoir été tissée dans un morceau de toile de tente modulaire réformée. Il faut bien dire que ce vêtement que nous autres terriens… nous n’arborons que pour les grandes circonstances, n’est pas spécialement taillé dans une étoffe de la plus haute qualité… Le temps… seul le temps… sans doute les années passées à se tortiller le croupion… à faire des courbettes et des salamalecs… ou à se vautrer dans un fauteuil en état-major, peuvent venir à bout de cette matière aussi rêche que la toile émeri. En tout cas, pour la sensibilité d’une charpente comme la mienne… apprivoiser… dompter… mâter cet accoutrement du paraître est un art qui relève de l’absolument mystérieux. Définitivement. D’ailleurs, pour obtenir un maintien parfait de ladite tenue… en fait, pour ne pas ressembler à une paupiette de veau… chacun veille bien… aussi… à ne pas faire trop de gras… sous peine d’avoir à changer régulièrement de pelure en faisant jouer de son carnet d’habillement… ou de son carnet de chèques pour ceux qui ne font vraiment pas gaffe. Et de se voir condamné en récidive… à recommencer l’interminable opération d’assouplissement d’une fringue qui se trouve… au contraire et contre toute attente… au fur et à mesure des passages au pressing du coin… de plus en plus rétive à la notion de confort. Comme si le soldat… pour être beau… même en représentation… devait encore et toujours souffrir. J’évoque à dessein le terme de souffrance tant l’exercice du port de ce type d’uniforme… militaire… ce que je suis encore absolument et entièrement en ce temps-là… représente, pour ce qui me concerne, un véritable calvaire. Il faut dire que je sors de dix-huit ans de corps de troupe… le tas de fumier de l’armée française… le compost pour causer plus moderne… c’est encore là que germent et poussent la plupart des gens sélectionnés à faire autre chose que marcher au pas… courir… sauter… branler des patins de chars… astiquer des canons… tirer… et pour les gens dans mon cas… brasser de la câblasse… planter des piquets… commander des routeurs… faire bander des antennes…

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