1914-1918 - Les trois derniers jours d un facteur poilu
58 pages
Français

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1914-1918 - Les trois derniers jours d'un facteur poilu , livre ebook

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Description

Enterrés vivants. Au fond d'une tranchée effondrée. Un samedi 9 novembre 1918. Mais Roger et Théodore ne sont pas conscients de l'ironie du sort. L'un, facteur, est blessé à la jambe. L'autre, illettré, est aveugle depuis qu'il s'est fait gazer. Ensemble, ils vont essayer de survivre. Prisonniers quelque part sous la terre. Enterrés vivants... mais pour combien de temps ? À travers cette chronique d'une fin annoncée, Gérard Pirodeau raconte ces hommes qu'on pousse au crime, qu'on envoie à l'abattoir, à qui on apprend le mensonge, la trahison et la mort. Au fil des heures qui s'échappent, les deux condamnés s'épaulent comme ils peuvent, déchirés entre leur vie d'avant et la réalité de la guerre : la souffrance, la solitude, la censure du courrier, l'exécution des déserteurs, les vains sacrifices. Un huis clos étouffant, cruel et humaniste à la fois.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 06 mars 2015
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342034769
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0041€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

1914-1918 - Les trois derniers jours d'un facteur poilu
Gérard Pirodeau
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
1914-1918 - Les trois derniers jours d'un facteur poilu
 
 
 
À Maurice et Roger
 
 
 
Acte I
 
 
 
(L’action se passe entre le samedi 9 Novembre 1918 et lundi 11 Novembre 1918)
 
Pénombre juste une lueur où on distingue les mains de Roger Perrin tenant et lisant une lettre à voix haute.
 
Martizay, lundi 21 octobre 1918
 
Mon cher fils, mon ange,
 
Je souris car je sais très bien ce que tu te dis au moment où tu lis ces quelques mots
« Je vais avoir quarante-cinq ans et elle m’appelle toujours mon ange », Roger tu seras toujours mon petit garçon, mon ange. Tu nous manques énormément, tu me manques énormément. Je t’écris en avance en espérant que ma lettre arrivera pour le 18 novembre. Ce jour où j’aurai tant aimé être avec toi, t’embrasser, te serrer fort très fort dans mes bras et te souhaiter un bon anniversaire.
Hier j’ai déjeuné avec Célestine et les enfants. Nous avons ri avec les nombreux souvenirs heureux que nous avons vécus. Ton petit Léon se porte comme un charme. Il marche de mieux en mieux et il te ressemble de plus en plus. J’ai retrouvé dans le grenier dans une vieille malle tes cahiers d’écoliers et tes dessins.
Je les ai apportés à tes enfants. Il y avait ton petit bonnet bleu que ta grand-mère Madeleine t’avait tricoté et bien ton petit Léon l’a mis sur sa tête et ne l’a plus quitté je t’ai revu tout petit.
Ici, tout va bien, ne t’inquiète pas pour nous.
Je sais qu’il est tout près de toi alors je prie Dieu tous les jours pour qu’il prenne soin de toi.
Fais attention ! Reviens-nous vite, je t’embrasse tendrement.
 
Joyeux anniversaire Roger… Joyeux anniversaire Roger
 
Noir. Musique
 
 
 
Samedi 9 Novembre 1918
( Bande-son  : avion, bombardements, explosions, cris d’hommes, des bruits de chars, de chenilles la scène est noire quelques flashes en direction du public comme pour les aveugler. Le calme reprend, il allume son briquet tempête de poilu puis se dirige vers une lampe-tempête on découvre un personnage.)
Roger Perrin
Il y a quelqu’un ??? Eh ! Oh ! Il y a quelqu’un ?
 
(Il prend la lampe et regard autour de lui il comprend qu’il est enterré dans sa tranchée, il essaie de se lever il sent une douleur le retenir au sol il est blessé à la jambe)
 
Bien me voilà dans de beaux draps ! Je suis enterré vivant !!!
 
(Passant du rire aux hurlements.)  :
Vous m’avez enterré vivant mais je ne suis pas mort, je ne suis pas mort, je ne suis pas mort. Vous m’avez enterré vivant mais je ne suis pas mort. Vous ne m’avez pas eu ! je ne suis pas mort…
 
(Un objet tombe à terre) (en hurlant)  :
 
Il y a quelqu’un ? Oh y a quelqu’un ?
 
(En gémissant)
S’il vous plaît dites-moi il y a quelqu’un ?
Théodore Lagrange
Oui je suis là !
Roger Perrin
Où je ne vous vois pas ?
Théodore Lagrange
Vous aussi vous êtes aveugle ?
Roger Perrin
Ben non, Pourquoi vous vous l’êtes ? Moi je suis juste blessé à la jambe !
(Il prend la lampe et éclaire vers ce personnage qu’il découvre en même temps que le public)
Ça va vous êtes blessé ?
Théodore Lagrange
Non je crois que tout va bien ! Mis à part mon problème d’yeux
Roger Perrin
Rapprochez-vous de moi, moi je ne peux pas bouger !
Théodore Lagrange
Je vous dis que je n’y vois rien. Il y a quatre jours on s’est fait gazer par les Boches. Et depuis plus rien. Ah si un mal de casquette. Le médecin que j’ai vu m’a dit que ça passerait. Et je n’y vois toujours rien. Y c’est bien foutu de ma gueule celui-là. Alors venir vers vous mon pauvre j’aimerais mais ça va être dur !
Roger Perrin
Vous n’avez qu’à suivre ma voix
Théodore Lagrange
Pardon
Roger Perrin
Oui je vous parle et vous venez vers moi, écoutez ma voix vous comprenez
Théodore Lagrange
Oui j’ai compris. Mais si vous croyez que c’est facile ? C’est comme si moi je vous demandais de vous lever et de marcher !!! Allez-y parlez-moi !
Roger Perrin
Et je vous dis quoi ?
Théodore Lagrange
Je ne sais pas racontez-moi qui vous êtes ?
Roger Perrin
Je m’appelle Roger Perrin et je suis facteur
Théodore Lagrange
C’est vrai ?
Roger Perrin (agacé)
Oui bien sûr que c’est vrai je ne vais pas en plus vous raconter des histoires
Théodore Lagrange
Vous n’êtes pas obligé d’être méchant !
Roger Perrin
Je ne suis pas méchant ? ! Excusez-moi je suis juste…
Théodore Lagrange
Blessé !
Roger Perrin
Oui c’est ça blessé ! Donc je disais je suis facteur, je viens de Martizay dans l’Indre.
Mon épouse s’appelle Célestine, nous sommes ensemble depuis Vingt ans. Nous nous sommes rencontrés à l’école publique du BLANC. Nous avions tout juste Huit ans. Je me rappelle d’elle avec cette petite robe bleue, elle avait aussi un ruban rouge dans ses cheveux.
Un peu plus tard j’ai dû partir pour la capitale où je travaillais la nuit comme facteur au centre de trie de la gare d’Austerlitz et le jour je passais mon temps à visiter Paris et à participer à des réunions politiques. Au centre de trie nous étions très engagés. Puis l’appel du pays et je suis rentré.
Théodore Lagrange (en souriant)
Oui l’appel de Célestine
Roger Perrin
Oui c’est vrai ça ! Mais je ne savais pas ce qu’elle était devenue. Et la Célestine m’attendait alors nous nous sommes mariés et nous avons eu trois charmants enfants. La première s’appelle Madeleine elle a 17 ans. Le deuxième s’appelle Paul il a 15 ans et mon petit dernier Léon qui va avoir tout juste 1 an dans une semaine. Bon je ne l’ai jamais vu mais Célestine m’a dit que c’était le portrait de mon père. Je me suis engagé après ce que j’appelle le vendredi noir.
Théodore Lagrange
C’est quoi le vendredi noir ?
Roger Perrin
Le soir du vendredi 31 juillet 1914 vers 21 h 40 ce soir-là fût assassiné JEAN JAURÈS. Il était au Café du Croissant à rue Montmartre à Paris où il était assis à une table pour dîner avec quelques amis journalistes.
Théodore Lagrange
Mais qui a fait cela ? Pourquoi tuer cet homme ? Il faisait quoi dans la vie ?
Roger Perrin
Jean Jaurès il faisait quoi dans la vie ??? La grève des mineurs de CARMAUX cela ne vous dit rien ???
Théodore Lagrange
Ben non !
Roger Perrin (désespéré)
L’affaire DREFUS ? !!! Et la création du journal l’humanité ???
Théodore Lagrange (pas gêné plus que cela)
Ben non toujours rien !!! Désolé !
Roger Perrin (irrité – désespéré par cette ignorance)
Désolé !!! Vous êtes désolé !!!
(En lançant d’une voix très solennelle et partisane)
Il était député socialiste, humaniste, défenseur des droits de l’homme et du citoyen un historien de la révolution !!!
(Désespéré)
Et vous demandez il faisait quoi dans la vie ???
Théodore Lagrange (d’un air totalement détaché)
Excuse-moi, mais nous dans nos campagnes, on est très loin de tout ça. On ne se sent pas concerné. Mis a part les saisons de juin pour les fourrages en juillet les moissons, septembre octobre les vendanges plus la cueillette des champignons puis après la semi coupe des sarments on a d’autres choses à penser, les foires et puis tout le reste. va
On ne se sent franchement pas très concerné.
Roger Perrin (autoritaire)
Et bien si on est tous concernés si vous vous trouvez là, à mes côtés, c’est en partie parce que cet homme a été assassiné par ce petit con de nationaliste Raoul Villain.
Théodore Lagrange (amusé)
Il porte bien son nom celui la, mais, assassiner nous aussi nous le faisons dans notre propre camp.
Roger Perrin
C’est quoi ces conneries !!! De quoi vous parlez, vous ne savez même pas de quoi vous parlez !
Théodore Lagrange
Je ne sais pas de quoi je parle, mais moi j’y étais, j’ai vu, j’ai fait. Ce sont les ordres.
On ordonne, on exécute. Même si après vous vomissez toutes vos tripes et que vous êtes obligés de boire pour arriver à fermer les yeux sans plus voir ces regards qui vous hantent et crient pitié. Pendant plus de deux mois je chialais tous les soirs comme un gamin.
C’était une belle journée de Mai quand nous étions au Fort, un gradé est venu dans notre dortoir a pris six hommes de mon groupe au hasard, j’en étais.
 
Nous a ordonné de passer à la lingerie pour prendre de nouveaux uniformes. Douchés, rasés de près même nos fusils étaient neufs.
En uniforme de parade, nous étions heureux car nous pensions aller à un banquet.
On nous a fait monter dans une charrette bâchée. Après plusieurs minutes de route on nous a fait attendre au moins une heure à l’intérieur, sans bouger.
Nos uniformes nous grattaient tellement ils étaient neufs. On a bien essayé de regarder à travers la bâche mais on y voyait rien.
Quand, enfin on nous a fait descendre. Nous étions à l’orée d’un bois, un lieu tellement beau qu’on aurait dit que la guerre n’avait jamais existé.
Là le gradé, nous ordonne de nous mettre en ligne par trois. Nous l’avons fait et on s’est retrouvé face à trois troncs d’arbres.
(Ton autoritaire)
« Ligne avant… à genoux »
(À voix basse et peinée)
Je me suis retrouvé à genoux.
Quand trois hommes en uniformes de chez nous sont arrivés bousculés par d’autres soldats, des soldats de chez nous tu entends… Ils les ont attachés aux troncs.
Je me souviens, l’un d’entre eux, le plus jeune (Théodore se tient la tête la voix en pleure et insistance à chaque verbe) Il pleurait, suppliait, il appelait sa mère, s’excusait, demandait pardon. Il hurlait qu’il ne voulait pas mourir… Il s’est même pissé dessus.
(Théodore tête baissée)
Moi, les larmes me coulaient, je ne voulais rien voire, j’ai fermé les

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