Le Passeur
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Le Passeur , livre ebook

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Description

« MAX. — Contre toute attente naturelle, je ne fis pas de cet épisode un symbole ou un totem. Ce n'était pas mon genre de me prosterner devant l'autel de mes souvenirs de jeunesse. Je cherchais avec davantage de ferveur le sel nouveau de la vie que le vieux goût sucré d'une pâtisserie d'enfance. En définitive, je n'envisageai jamais de poursuivre des études en science du vivant, et encore moins d'épouser la carrière de l'entomologiste, pris entre les rhinites allergiques de la poussière des archives, des musées délabrés, ou des antiques bureaux, et de celle du pollen et des graminées des joyeuses prairies. Non, j'ai... tourné cette page, comme j'en ai tourné beaucoup d'autres après. Sans état d'âme. Voilà qui me caractérise toutes époques confondues, le fait d'être sans état d'âme. À douze ans, j'ai rangé au grenier tous les livres, toutes les brochures et illustrations sur les papillons qu'on m'avait immanquablement offerts à chaque fête ; et je n'y suis plus revenu une seule fois. J'ai pris définitivement congé des sphinx à tête de mort, des notodontes porcelaine et dromadaire, des apollons, demi-ducs et soucis, comme du tabac d'Espagne. J'ai également rompu mes fréquentations étroites autant avec l'échancré qu'avec la nonne, et mis fin sans appel à mes désirs secrets pour l'orgye pudibonde.»

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 20 juillet 2016
Nombre de lectures 1
EAN13 9782342053869
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0052€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le Passeur
Samuel Philippe
Mon Petit Editeur

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Mon Petit Editeur
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
Le Passeur
 
 
 
 
À Marie-Silvia Manuel
 
 
 
 
Personnages   :
 
 
 
Max.
Pierre : Le passeur.
 
 
 
La scène est nue. Max est couché sur le dos. Il se réveille en sursaut, comme d’une longue apnée, puis se relève à moitié, appuyé sur les paumes.
 
MAX . (examinant les lieux) ― Il faut que je corrige cette habitude que j’ai de m’endormir n’importe où.
 
Il se lève et se met à arpenter la scène, tout en se contorsionnant pour se défaire de quelques courbatures.
 
MAX. ― Quel est cet endroit ?… Ho, hé, quelqu’un ? (un temps) Sinon, quelqu’un d’autre ?
 
[…]
 
MAX. (perplexe) ― J’ai connu des réveils dans de meilleurs conforts.
 
[…]
 
MAX. ― Tant de chaleur humaine m’émeut ! (appelant dans le vide, d’un ton ironique) Room service ?… (un temps) Il me faudrait bien un café. Un shoot massif, en perfusion. Ça m’aiderait à reprendre mes esprits. Le peu…
 
[…]
 
MAX. ― Ce n’est pas la cohue. Je vais finir par me sentir seul et abandonné… Rien de neuf, en bref.
 
 
[…]
 
MAX. ― La déco est pour le moins dépouillée… Il faut que je sois chez une personne très pauvre ou très riche… d’humeur lugubre, en tout cas. (après réflexion) Sûrement riche…
 
[…]
 
MAX. (après avoir fait un tour sur lui-même) ― Comment ai-je atterri ici  ? J’étais de sortie, ça… c’est à croire. Mais si la soirée fut mémorable, elle ne m’est pas encore pour autant très remémorable . Je n’ai toutefois pas la sensation d’avoir bu… et là, pour souvenir, c’est la mémoire du foie que je consulte. Alors, quoi !… Voyons, remontons le fil… Qu’a-t-il bien pu m’arriver ? Rappelle-toi, Max, rappelle-toi… Un petit effort, allez, réfléchis… (soupir) Non, zéro, nada . Ça ne veut pas me revenir. (après réflexion) Voilà donc qui ne peut signifier qu’une chose : j’ai dû subir une forme de traumatisme. Par exemple, un mauvais coup à la tête…
 
Il s’examine .
 
MAX. ― Apparemment, je suis intact. Et si ce n’est pas à l’extérieur, c’est donc à l’intérieur qu’est la cause. Il a fallu qu’il m’arrive une sorte de défaillance, une crise quelconque qui m’aura fait perdre connaissance… J’ai été victime d’un accident cérébral ! Oui, c’est ça, forcément ça ! Je mange trop de viande ! Je savais que ça viendrait fatalement à se produire, malgré ce que me chantaient les médecins ! L’erreur, c’est d’avoir choisi une clinique privée. Là-bas, ce qui les intéresse, ce n’est pas de prévenir la maladie, mais que tu finisses par te faire hospitaliser chez eux. C’est pour l’occasion qu’ils font leur plus gros bénéfice ! Un type comme moi, qui passe son temps à collectionner les examens, ça les amuse un moment, les divertit gentiment ; mais ça ne leur fait que de la menue monnaie, des cacahuètes, et ce n’est pas ce qui suffit à les engraisser comme ils voudraient. Enfin, quoi qu’il en soit…
Il pointe son doigt en l’air et regarde autour de lui.
 
MAX. ― Ce n’est pas une chambre d’hôpital. D’ailleurs, à y regarder plus attentivement ― sans qu’il y ait tellement à voir ― cela tient davantage de la chambre funéraire !… Bien que sans l’être non plus. Du reste, je ne parviens pas à déterminer si je me trouve dedans ou dehors. À vrai dire… je ne suis même pas convaincu qu’il s’agisse d’un lieu… (se réveillant d’une courte songerie) Je ne sais plus ce que je raconte ! Il s’agit forcément d’un lieu, je ne peux pas être nulle part  !… (répétant mécaniquement, les yeux dans le vide) Je ne peux pas être nulle part…
 
[…]
 
MAX. ― Peut-être ai-je eu l’idée saugrenue de suivre un lapin blanc au fond de son terrier… ou, mieux accordé au contexte, de pister un chat noir jusqu’à son sinistre repaire.
 
[…]
 
MAX. ― Trouvons une issue.
 
Il sort, côté jardin. Un instant plus tard, il réapparaît, côté cour.
MAX. ― Je dois dire que c’est assez pauvre en panneaux de direction. Mais justement, j’y pense… J’ai une fonction GPS dans mon smartphone. (il cherche son téléphone) Qu’ai-je donc pu en faire… ou qu’en a-t-on fait ? ! On a dû me le voler, oui, avant de me laisser pour mort aux froids confins de l’univers ou dans le néant intégral le plus proche. C’est dingue, ça ! Pourquoi n’ai-je aucune réminiscence des événements… Voyons, procédons avec méthode. Où étais-je hier ? Hier, hier… Ça dépend de quel aujourd’hui nous sommes, évidemment. Bon, alors, quelle est la dernière journée qui me vient en tête. Hum… Un déjeuner en terrasse sur un bord de mer. Avec qui, je ne sais plus, personne de très marquant ― une femme, sûrement. Une balade dans une ville assez agréable, pourvue d’un petit port de plaisance, et dont le nom, pour l’heure, m’échappe cruellement… (il fait quelques pas nerveux puis s’arrête) Mes souvenirs ne répondent pas aux convocations. (levant soudainement la tête, il regarde autour de lui, les yeux écarquillés) Est-ce que tout ceci pourrait n’être qu’un rêve ? Si c’est effectivement le cas, j’ai un subconscient fortement dépressif et en panne effrayante d’inspiration ! Quels indices au juste me laisseraient à penser que je suis en plein fantasme ? Déjà, je n’ai pas mémoire de la manière dont j’ai débarqué ici. C’est un signe. Il y a toujours ça, dans les rêves, des trous dans la chronologie. Sauf que là… Il ne se passe rien. Et le hic, c’est que normalement, il devrait sans cesse se passer quelque chose. Dans les délires du sommeil, en général, une pensée en appelle une autre et on cahote sans lien logique d’un lieu vers le suivant, en empruntant le cours sinueux et sursautant d’une histoire totalement décousue. Et puis, que je sache, la plupart du temps, dans ces divagations du sommeil, il y a souvent des gens… enfin plus précisément, des personnages. Des figures un peu instables qui se métamorphosent au moindre prétexte, à la plus petite évocation. Une inconstance identitaire permanente de nos interlocuteurs qui, au demeurant, ne nous trouble pas le moins du monde. Or, à part moi, dans le coin, il n’y a pas vraiment âme qui vive ; je peux donc écarter cette possibilité définitivement. Que me reste-t-il, à présent ?… Je serais le participant d’une émission de téléréalité ?… C’est absurde. Il leur aurait fallu mon consentement, que je signe avec un Méphisto mi-endimanché mi-décontracté, un pesant contrat rédigé en elfique juridique et parsemé de mentions invisibles que seul le feu peut révéler.
 
PIERRE. ― Bonjour, Max.
 
MAX. ― Ah, tiens ! Je ne pensais pas que Godot finirait par se montrer ! Dites-moi, est-ce vous l’hôte de ces piètres lieux ?
 
PIERRE. ― Je m’appelle Pierre.
 
MAX. ― Formidable ! Je suis justement venu là pour discuter des choix idiots qu’ont faits vos parents… Mais avant permettez que je vous pose une question non négligeable : où sommes-nous ?
 
PIERRE. ― Tu ferais mieux de t’asseoir.
 
MAX. ― Oui… Au premier arbre que je trouve, je taille deux chaises et une table ; ajoutez de votre côté quelques pions sur un petit échiquier, et nous pourrons nous adonner à un de ces affrontements languissants destinés à faire passer le temps… Malheureusement, je n’ai pas vu d’arbre dans les parages… D’ailleurs, laissez-moi vous signaler qu’en fait, par ici, je n’ai rien vu du tout. Avez-vous entendu parler de la notion d’aménagement du territoire ?
 
PIERRE. ― Tu ne veux pas t’asseoir ?
 
MAX. ― Je ne m’assois par terre qu’en compagnie d’Algonquins. Quoi, vous avez peur qu’à l’annonce que vous avez à me faire, mes jambes se dérobent sous mon corps ? Ou bien voulez-vous vraiment que j’écoute votre histoire comme un petit enfant sage, tassé à même le sol ? (regardant autour de lui) Il n’y a même pas un banc ! Combien coûte un banc ? Vous avez seulement idée de la somme que j’ai versée cette année aux impôts ?
 
PIERRE. ― Oui.
 
MAX. ― Oui ? Alors vous devriez savoir que la moitié des écoles et des rues de ce pays devraient porter mon nom ! (réalisant) Comment ça, «  oui  » ? Vous avez répondu oui.
 
PIERRE. ― Oui.
 
MAX. ― «  Oui ...

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