Même Shérazade rêve d'Hollywood

Souad El Mesbahi

Description

« Je peux aller partout comme ça. Sans visa, sans attente dans les aéroports, sans subir le décalage horaire. Écrire, c'est voyager à peu de frais. Écrire, c'est magique. Je m'éloigne de l'ennui grâce aux mots. Je vis dans un autre monde le temps d'une histoire, et tant que ma main reste accrochée à mon stylo, je reste en vie. » La pièce de théâtre de Souad El Mesbahi est une réécriture contemporaine et jubilatoire du personnage légendaire de Shérazade. L'héroïne des temps modernes tente d'échapper à son quotidien morose en s'évadant dans ses rêveries. Dotée d'un fort tempérament, cette jeune fille émancipée refuse l'idée d'un chemin tout tracé et n'a qu'une idée en tête : se lancer dans la réalisation d'un film. Pendant ce temps, elle flirte avec son ami d'enfance Charlie, qui lui propose d'en composer la musique. L'adolescence ou l'âge de tous les possibles...

Sujets

• Pasión (película de 1982)
• Reve
• Cinema
• Passion
• Théâtre
• Littérature

Informations

• Publié par: Société des écrivains
• Date de parution: 08 juin 2018
• Nombre de lectures: 0
• EAN13: 9782342161564
• Langue: Français

Extrait

Même Shérazade rêve d'Hollywood
Souad El Mesbahi
Société des écrivains

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Même Shérazade rêve d'Hollywood
 
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«   À Rome, les hommes libres, s’ils étaient nés de parents libres, s’appelaient ingénus ; s’ils avaient été libérés, on les disait libertins. Beaucoup plus tard, on appela libertins ceux dont on prétendait qu’ils avaient libéré leurs pensées ; bientôt, ce beau titre fut réservé à ceux qui ne connaissaient pas de chaînes dans l’ordre des mœurs.   »
Valéry, Regards sur le monde actuel , p. 63.
Acte I
Scène 1
Voix off du narrateur
Il était une fois dans un royaume lointain, où jadis régnait un sultan tyrannique, vivait une jeune fille répondant au doux nom de Shérazade. Sa beauté et sa grâce n’avaient d’égal que son talent pour raconter des histoires. Ainsi, nuit après nuit, pour sauver sa tête, la belle Shérazade…
Voix off de Shérazade
Hé ! C’est quoi ces contes d’anciens ? Je vais vous raconter la vraie histoire de Shérazade.
Scène 2
Devant l’encadrement d’une fenêtre, une jeune fille est penchée au-dessus d’un seau d’eau. La chanson des Zouks Machine, La Musique dans la peau , démarre. La jeune fille se lève et se met à danser. S’ensuit une longue chorégraphie qui mêle ménage et danse. À l’aide d’un balai, elle passe la serpillière pour nettoyer le sol. Elle ne prête aucune attention au public et chante à tue-tête.
 
Shérazade
Ka sa yé misyé bobo Hum, bibi enmé mizik ki chébran Lazé, K7 vidéo Ka méné, mwen lwen pou on ti moman Nétwayé, baléyé, astiké Kaz la toujou pendan Ba’w manjé, ba’w lanmou É pou vou an ka fèy an chantan Ha… Pa mélé mwen kon sa ké ni maldòn Han, han, pa fè mwenyi, pa fè mwen’y woho Si’w vlé ke pou nou dé sa kontinué Ban fil pou mwen pé boujé Ya ya yéy yé…
 
La musique s’interrompt brutalement. Shérazade reprend son souffle et ses esprits. Elle remet ses cheveux en place et regarde le public.
Shérazade
Ah vous êtes là ? Je croyais que j’étais seule. Comme vous le voyez, je fais un peu de ménage. Oui, je sais, ça entretient la forme. Mais qu’est-ce que ça m’ennuie ! ( Shérazade secoue son balai d’un geste agacé. ) Bizarrement, je n’ai jamais lu aucune étude qui étaye une quelconque théorie sur des aptitudes génétiques féminines qui nous prédisposent à nous courber plus facilement au-dessus d’un seau. Nous les filles, il paraît qu’on est faites pour ça. Le ménage, les enfants, les courses. Quant aux hommes… ( Shérazade laisse planer la phrase. ) À vrai dire, j’en sais trop rien… Shérazade la Rebelle, voilà comment on me surnomme par ici. Déjà petite, je faisais la grève du ménage et je disparaissais pendant des heures, Dieu sait où ! Au retour, j’en profitais pour exposer mes doléances concernant la répartition arbitraire du temps et de l’usage exclusif de la Swiffer qui m’était dévolu. « Mais tu es une fille ! » Voilà comment mes géniteurs justifiaient mon traumatisme. Ma tare de naissance : être née fille… Bon, j’arrête de noircir le tableau, moi c’est Shérazade, comme dans les contes à dormir debout. Un rappel euphorisant pour nostalgique de conte de fées. Mon nom c’est un accroc à la réalité crue et cruelle. C’est vrai que Shérazade, ça fait rêver, ça fait penser aux délices d’un Orient qui dégage des volutes en forme de cornes de gazelles. À son évocation, on imagine des dunes, des tapis volants. Sauf que moi, ça fait longtemps qu’il s’est crashé, mon tapis. Pff, j’ai pas que ça à ...