Thierno Bill, une catastrophe culturelle
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Description

« Les maux dont souffre aujourd'hui l'Afrique peuvent être répartis en deux catégories : il y a le mal culturel et le mal économique. Une étude poussée de l'expertise de l'Afrique, dans ces domaines au cours de son histoire, peut non seulement établir l'origine du mal, mais aussi lui trouver un remède. » Soumahoro Mahmoud Meite nous invite à étudier l'histoire des peuples et civilisations en présence sur le continent africain, dans toute leur diversité. Souvent décrit comme le berceau de l'humanité, ce vaste territoire demeure fragilisé par les guerres ethniques, la corruption et l'ingérence occidentale. Le destin mouvementé d'Ousmane, simple vacher peul qui tente de s'inventer une vie d'aventures, incarne ces contradictions. Un beau jour, il quitte son village pour sillonner l'Afrique, du Sénégal à la Côte d'Ivoire en passant par le Liberia. Devenu Bill, son ambition le pousse malgré lui à rejoindre la cause du grand banditisme. Au cœur d'une forêt, sa rencontre avec un vieillard charismatique lui ouvre des perspectives insoupçonnées.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 24 novembre 2017
Nombre de lectures 4
EAN13 9782342157468
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0041€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Thierno Bill, une catastrophe culturelle
Soumahoro Mahmoud Meite
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
Thierno Bill, une catastrophe culturelle
 
Toutes les recherches ont été entreprises afin d’identifier les ayants droit. Les erreurs ou omissions éventuelles signalées à l’éditeur seront rectifiées lors des prochaines éditions.
 
 
« Qu’il est grandiose ce paysage de verdure parsemé d’arbustes dont certains offrent aux voyageurs des fleurs et des feuilles aux couleurs chatoyantes et de délicieux fruits qui n’ont d’équivalents que ceux promis dans les livres aux heureux croyants admis au paradis des dieux. Même s’il est vrai que je n’ai jamais encore eu le privilège de goûter à aucun de ces fruits sublimés dans les versets sacrés, je ne vois pas comment je pourrais mettre en doute les récits et les prêches de Malim-Abass, notre vénéré maître qui nous a initiés au saint coran et à la religion musulmane. Ce grand monsieur restait l’un des plus respectables notables de la communauté, dont la parole était presqu’aussi précieuse que celles contenues dans le livre dont il semblait s’inspirer. Dans ma tête d’adolescent, je l’avais déjà mis en tête de liste de ceux de notre région qui étaient assurés d’être admis au paradis. Il parlait si passionnément des versets qui sublimaient les plaisirs du paradis que j’étais persuadé qu’il se savait, lui-même, l’un de ses hôtes privilégiés. De toutes les manières, ce n’est pas le genre de privilèges auxquels une personne normale pourrait aspirer. Malim-Abass était quelqu’un d’extraordinaire. Mes sentiments pour ce maître, respecté par tous, se heurtaient pourtant parfois à mon incompréhension de son utilité dans la communauté, d’autant plus qu’il passait son temps assis à feuilleter des livres aux feuilles mal reliées et jaunies par le temps. Ses élèves, venus d’un peu partout, travaillaient durement pour assurer sa subsistance, la sienne et celle de son entourage familial. L’on racontait, même, que si le pays peul était si renommé à l’extérieur, il y était pour quelque chose. Sa science et sa sagesse primeraient donc sur la beauté de la nature qui faisait le décor de fond de notre quotidien. De toute manière, du pâturage de ses bêtes, il était difficile pour un berger d’admirer la beauté du paysage offert par ce pays peul, si loué et chanté par les griots les plus grands des royaumes qui se sont succédé dans la région. Pour moi, aujourd’hui, les hautes herbes qui bordent mes chemins dans les hauteurs du Fouta-Djalon cachent le paradis que je passerai le restant de ma vie à vouloir retrouver. Faute d’avoir eu l’opportunité de parcourir à des fins touristiques la région, je n’ai pas compris que, juste derrière le pâturage où je passais mes journées à rêver d’ailleurs, s’étendait un des paysages les plus époustouflants du continent, un paysage qui, sans doute, sert de décor aux rêves d’autres personnes ailleurs dans le monde. Un paysage regorgeant de merveilleuses chutes d’eau, alimentées par de claires rivières qui descendent le long des flancs du massif montagneux du Fouta-djalon. Encore aujourd’hui, je me demande si cette atmosphère apaisante n’était pas à l’origine de l’extraordinaire quiétude dont faisaient preuve les animaux de mon cheptel. Comment ai-je pu parcourir tant de chemins dans mon pays et passer à côté de tant de beauté et de bonheur pour aller rechercher le rêve si loin ? Partir si jeune aussi loin dans cet ailleurs inhospitalier ; dans ces déserts d’humanité où traînent tant de carcasses de rêves brisés et asséchés, abandonnées derrière eux par ces prédateurs qui font les beaux jours de la prétendue économie de marché. Maudit soit le jour où j’ai croisé le chemin de Niang, ce colporteur sénégalais qui, chaque fois que nos chemins se croisaient, me vantait les avantages de sa vie de commerçant, qu’il vendait, aussi bien que ses marchandises, à ceux qui, comme moi, rêvaient de découvertes et de rencontres nouvelles. Moi, Diallo Thierno Ousmane, d’une longue lignée d’intellectuels et d’érudits de la culture arabo-islamique, j’ai été confié à la sagesse d’un grand maître, Malim-Abass, afin d’être préparé à porter le flambeau du prestige familial. Aujourd’hui encore, je me demande si ce commerçant sénégalais arpentait les pistes montagneuses du Fouta dans le seul but de nous vendre ces produits, de peu de valeur, importés du monde industrialisé, et qui portaient le sceau de la civilisation occidentale. Je soupçonne cette personne d’avoir porté une tout autre mission, une mission à l’accent colonial, qui nous faisait passer pour des attardés en marge du monde moderne. Et si, comme ces bergers des grands déserts d’Orient, il ne prêchait pas pour nous détourner du « Pulaaku », mode de vie plusieurs fois centenaire que partagent tous les Peuls de la terre, afin de nous convertir à cette nouvelle religion, nommée capitalisme, qui promet, à qui s’y convertit, un paradis d’abondance et de luxe ici même sur terre. Infamie ! Ce n’est que pure infamie que de s’imaginer que l’on puisse accéder au paradis hors de la voie du Seigneur. C’est ce qu’aurait dit le maître Abass, qui n’a pas vu tout ce j’ai vu ni côtoyé tout ce que j’ai côtoyé. Ceux qui marchaient dans les déserts d’Arabie et d’ailleurs, couraient derrière un paradis de paix et d’abondance à eux promis par des dieux, pour lesquels ils ont usé leur vie à prêcher la parole. Ils ont porté Dieu, le leur, sur leurs épaules, pour le porter vers tous les cieux afin de le faire connaître et l’imposer à tous les peuples, niant par là même son omnipotence. Dieu est omnipotent, nul besoin de le porter comme une vulgaire marchandise, de foire en foire, pour en vanter les qualités et les promesses. De mon expérience, je suis arrivé à la conclusion que si l’humanité arrivait à s’entendre sur l’unicité de Dieu, et à la reconnaissance de tous ses prophètes, le paradis s’ouvrirait à tous et à chacun dans la même mesure. Niang n’aurait-il pas mieux fait de nous laisser répondre à nos besoins avec nos propres solutions ? Si l’humanité se présente en une mosaïque de cultures et de religions, le salut de chaque peuple ne peut se trouver que dans sa propre culture et dans sa propre religion. La culture est la peau des peuples. Autant l’on ne peut se sentir mieux que dans sa propre peau, autant les peuples ne peuvent mieux être que dans leurs propres cultures. Vivre en adoptant la culture et la religion d’un autre peuple, c’est l’assurance de n’arriver, si toutefois l’on arrive, que porté par les autres et surtout à la suite des autres. Ceux qui arrivaient des villes apportaient parfois des magazines en papier glacé, devant lesquels je restais toujours figé et coupé de mon environnement. Chaque fois que mon chemin croisait celui de Niang, mes yeux s’illuminaient et mon âme s’envolait, laissant mon corps à la merci de tous les rêves. Un jour, il m’a dit : « Ousmane, je sais que quand tu seras un peu plus grand, ce pays foulah ne saura plus te contenir. Alors pense à partir. Le monde n’est pas de ce côté-ci du Fouta ». J’étais jeune et sans expérience de la vie, et je pensais que tout ce que disaient les adultes ne pouvait souffrir de doute parce que tissé de vérité et parfumé de sagesse. Les colporteurs sont des voyageurs qui ne véhiculent pas que des marchandises, mais aussi l’âme des lieux qu’ils traversent. Les voyageurs, dit-on, ne sont pas des gens ordinaires. Ils ont des génies comme compagnons de route, de qui ils apprennent beaucoup. Si ce que disait Niang ne paraissait être que prophétie aux yeux de l’enfant que j’étais hier, je lui répondrais bien aujourd’hui qu’un Peul ne part jamais de chez lui, puisqu’il est partout chez lui. S’il devait y avoir un peuple emblématique du rêve d’unité des enfants d’Afrique par la culture, ce pourrait être le peuple peul. Voici un peuple qui, faisant fi des frontières entre les états, des caractères physiques et linguistiques des individus, se sont répandus sur l’ensemble du territoire continental, non seulement sans soulever de problème de voisinage majeur, mais surtout avec une capacité d’intégration remarquable. Les Peuls seraient les descendants directs des derniers pharaons avant l’invasion des barbares venus d’Orient. L’histoire de ce peuple est mal déterminée, aussi bien dans le temps que dans l’espace. Mais un peuple qui, malgré sa dispersion géographique à travers le continent et sa diversité physionomique apparente, reste identifiable dans une culture unique, est un peuple à qui son histoire parle. Quand cette culture est si riche et si intense, elle soulève le soupçon d’un terroir unique, un creuset. Où qu’il soit, le terroir culturel des Peuls ne peut qu’avoir une histoire tragique, dont les auteurs ne semblent pas près de révéler la réalité. En faisant la ronde des théories sur l’origine des Peuls, celle des Ottomans, des juifs chassés de la Cyrénaïque, ou même des Hittites qui se seraient perdus dans le désert, on arrive à la conclusion que la dispersion des Peuls ne peut qu’être le résultat d’une fuite incontrôlée et précipitée. Est-ce cette fuite devant l’envahisseur qui explique le nomadisme, cet autre caractère majeur de ce peuple, des Peuls ? Dans tous les cas, même nomades, les Peuls ont poussé leur expertise en matière d’intégration jusqu’au niveau du parfait camouflage que l’on peut observer chez certains animaux lorsqu’ils se fondent dans leur environnement pour se prémunir contre le danger. Voilà peut-être pourquoi tous les Peuls ne se ressemblent pas. Cer

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