Trophée des plumes 2022 - (Confession)

Alex Donald Fotso

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Informations

• Publié par: Alex.Donald
• Date de parution: 29 mai 2022
• Nombre de lectures: 63
• Langue: Français

Extrait

Confession

—Pardonnezmoi mon père, mais j’ai un aveu choquant à vous faire.

—Vasy mon fils,je t’écoute.

—Mes deux femmes sont amoureuses.

—Mais, fiston, oùest le problème? Ce n’est pas pour cette raison que tu les as épousées ?

—Ce n’est pas de ça que je parle, mon père, pas du tout.

—Je ne comprends pas très bien mon garçon. Vasy, installetoi, et dismoi tout.

 Je vis avec Lorie depuiscinq ans déjà. On se connait depuis l’adolescence et on a pendant très longtemps été les meilleurs amis du monde. Elle me soutenait dans tout ce que je faisais et vice versa. Avec l’âge qui avançait et les projets qui s’accumulaient dans mon esprit, il devenait impératif d’avoir un soutien à mes côtés, quelqu’un qui regarderait dans la même direction. Il a fallu que je me retrouve un jour avec elle pour comprendre que je n’aurais jamais dû attendre aussi longtemps. J’avais l’impression de connaître une femme pour la première fois de ma vie lorsque Lorie et moi avions fait l’amour, pourtant je n’avais pas moins de six ans d’expériences à l’époque. Depuis, on était collés l’un à l’autre, on allait partout ensemble, on faisait tout ce qui nous passait par la tête. On était comme Boni and Clyde, en tout cas c’est ce que j’entendais dire dans mon dos. Mais malheureusement tout ça n’a pas duré très longtemps; car après les études on est rentrés de plainpied dans le monde de l’emploi, on est devenus comme ces couples ordinaires et sans intérêts qui passent la plupart du temps au travail, et rentrent tellement fatigués qu’ils n’ont plus de temps l’un pour l’autre. J’avais trouvé un emploi stable dans le domaine des assurances, et Lorie travaillait comme comptable dans une banque de la place. Tous les deux, il nous arrivait parfois d’être encore au bureau après vingt heures à cause du travail. J’avais déjà vingtneuf ans et Lorie vingtsept lorsqu’on louait notre premier appartement. Et avec la pression des parents, nous décidâmes de nous fiancer. J’ai fait ma demande lors d’un cocktail que j’avais organisé. La famille et quelques amis intimes étaient présents. Mais j’étais surpris et presque troublé par la présence d’une autre invitée à ce dîner.

 Je me sentais comme attiré par elle, et avant que je n’eus le temps de comprendre ce qui m’arrivait, j’étais déjà près d’elle:

—Heu… Bonsoir Mademoiselle…

—Odyssée. Bonsoir.

—Quel jolie prénom ! Je ne me souviens pas vous avoir déjà vue.

— Non, en effet. J'accompagne ma cousine. Votre femme est très belle ! Sur le coup, je compris que c’était une façon pour elle de me remettre à ma place en me renvoyant auprès de celleci. À peine j’eus le temps de balbutier un merci, que Lorie nous avait déjà rejoints :

—Bonsoir, moi c’est Lorie, sa fiancée.

—Oui je sais, je lui disais justement à quel point vous êtes jolie. Je suis organisatrice

de mariage si cela vous intéresse.

 Elle laissa sa carte à ma fiancée, et moi je la regardais partir complètement subjugué par sa beauté. C’était la première fois que je regardais une autre avec ces yeuxlà. Elle était tout aussi belle que Lorie, mais on sentait en elle ce brin de folie et de liberté en plus.

 Finalement on décida de la prendre comme organisatrice.

Les rencontres à trois en vue de l’organisation de ce mariage se multipliaient, à tel point qu’au bout d’un moment, les excuses d’un côté comme de l’autrepour se voir ne manquaient plus. Après un certains temps, Odyssée et nous étions si proches qu’elle pouvait passer la nuit chez nous après une sortie tardive dans la soirée. Lorie s’ouvrait de plus en plus, elle n’était plus la femme passive et réservée que j’avais connue autrefois. J’étais persuadé qu’une grande amitié naissait entre ces deux charmantes créatures, c’est d’ailleurs cela qui me retenait lorsque j’avais des pensées obscènes concernant notre chère organisatrice de mariage. Il m’arrivait quelques fois de faire l’amour à Lorie en pensant fort à Odyssée. Mais ma surprise fut grande en découvrant peu à peu cette complicité inhabituelle entre ces deux dames; elle grandissait de plus en plus, jusqu’à ce qu’un jour elle atteigne son pic.

 Je me souviens être rentré un soir du boulot et avoir trouvé ma fiancée qui m’attendait dans le salon avec un air inquiet :

—Bonsoir chérie, pourquoi cette tête ?

—Bébé assiedstoi, s’il te plaît. J'ai à te dire.

—Oui, vasy, je t’écoute.

—Je ne comprends pas grandchose à ce qui m’arrive. Depuis un moment je me sens bizarre, comme si quelque chose me poussait à agir différemment. Je fais des choses que je n’osais pas faire avant, et le comble c’est que ça me procure un sentiment d’apaisement.

—Quelque chose, ou quelqu’un?

—Tu as remarqué ?

—Oui mon cœur, ces derniers temps je te sens un peu trop proche d’elle et je trouve ton comportement changeant, c’est vrai. Tu veux m’annoncer que tu me quittes pour elle, c’est ça ?

—Non, mon ange, ce n'est pas exactement ça. C’est très étrange, mais j’ai l’impression d’avoir besoin tout autant d’elle que de toi. Je trouve ça malsain et surtout très perturbant. Je suis complètement larguée.

—Chérie je ne savais pas que tu aimais les femmes.

—Je ne le savais pas non plus, d’où mon extrême confusion… Elle te plaît aussi, pas vrai ?

—Comment ça elle me plaît aussi? C’est quoi cette histoire?

—Ne t’énerve pas, je t'en prie!... On est pas Axel et Lorie pour rien, on se comprend mutuellement et je sais que toute cette confession que je viens de te faire ne te surprend pas; car tu l’avais déjà devinée.

—C’est vrai, tu as raison. Je n’arrive pas à me la sortir de la tête. Appellela.

 Avec Odyssée ce soirlà, on s’est retrouvés dans un restaurant du quartier Bali, à Douala. Elle a avoué sur le moment être un peu plus attirée par Lorie que par moi. Ce jour était le début de notre bouleversante et incomprise histoire. On était à deux semaines de notre mariage Lorie et moi. Et on commençait à se demander quelle place Odyssée occupait dans toute cette incongruité. C’est ainsi qu’on décida d’opter pour un régime polygamique pour que plus tard, je puisse épouser Odyssée. Le choix a été vite fait car on vivait dans une société africaine avec plein de valeurs et de principes. Personne ne pouvait comprendre notre réalité, la preuve c’est que vousmême vous trouvez cela malsain et farfelu. Je dus donc prendre sur moi et affronter et ma famille, et celle de Lorie, pour leur annoncer que j’optais pour un mariage polygamique. Je fus traité de tous les noms d’oiseaux par ma famille, par celle de Lorie, par mes amis, et par tous ceux qui nous connaissaient. Ils ne comprenaient pas que je veuille contraindre Lorie à me partager avec une autre, ils étaient trop loin du compte, si seulement ils savaient. Lorie soutenait fermement ce choix et l’assumait pleinement auprès de sa famille et de ses amies qui la traitaient d’aveugle et de naïve. Elle me soutenait sans pour autant donner la raison de cette conviction qui l’animait.

Le jour de notre lune de miel on était tous les trois, et c’était la première fois que je sentais Lorie aussi épanouie. Deux mois plus tard j’épousais Odyssée. J’ai quitté mon travail et Lorie aussi. Je me suisconsacré à ma passion qu’était la photographie et Lorie a fait pareil, elle est devenue une merveilleuse fleuriste. Tous les trois on avait désormais nos propres entreprises, des entreprises étroitement liées comme par coïncidence. Aujourd’hui mes femmeset moi prenons un plaisir fou à parcourir l’Afrique et le Monde dans le cadre de notre travail : Lorie pour ramener dans son jardin botanique toutes les espèces rares de fleurs qu’elle découvre, Odyssée pour étudier les différentes manières d’organiser une cérémonie de mariage à travers le monde, et moi, bien sûr, pour photographier tout ce que cette terre a de plus beau à nous offrir.

—Mon garçon, à t’entendre j’ai l’impression que tu n’es pas du tout là pour la repentance.

—En effet, mon père. J'ai trouvé le parfait équilibre avec ces dames, je ressentais juste

l’envie d’en parler; car je devenais déjà malade à l’idée de garder tout ça pour moi. Dans un futur proche, j’en parlerai peutêtre à mon entourage, qui sait…