Trophée des plumes 2022 - Double regard
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Trophée des plumes 2022 - Double regard , livre ebook

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Description

> Le maudire ? Je mentirais si je disais que je n’y ai jamais songé. Tout le long de mon adolescence je l’ai méprisé, je l’ai insulté et après j’ai essayé de me tuer. Parce qu’efectivement, tout était de sa faute selon moi. Je me sentais abusée et trahie. Ma haine à son égard grandissait jour après jour et je ne voulais pas entendre parler de ce père qui m’avait abandonné. Je me souviens pourtant de tous ces moments. Toutes ces belles images et ces beaux évènements que nous avons vécus. Le premier ? Ma naissance. Il avait l’air tellement heureux de me prendre dans ses bras. Il a passé des heures à me contempler, à me tourner dans tous les sens et à me contempler sous tous les angles. La créature que j’étais lui ressemblait trait pour trait, prête à devenir son imitatrice. Malgré nos langages diférents sur le plan physique, nos esprits semblaient communiquer entre eux. Car lorsque je le regardais, je pouvais savoir au plus profond de mon être sans intelligence que c’était mon géniteur, celui qui m’avait emmené à la vie. Instinctivement, mon corps reconnaissait ses grandes mains sur les miennes et mon front se souvenait de ses bises comme si elles n’étaient pas les premières. Ce jour-là, dans la salle d’accouchement, mon père me regardait comme la prunelle de ses yeux. Je me sentais belle mais surtout précieuse et aimée. Précieuse, c’est ainsi que je me sentais. Un être qu’on manie avec adresse et délicatesse de peur de la casser ; un vase fragile.

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Date de parution 07 juin 2022
Nombre de lectures 14
Langue Français

Extrait

<<Maudis-le et meurs ; c’est bien à cause de lui que tu es dans cet état.>>
Le maudire ? Je mentirais si je disais que je n’y ai jamais songé. Tout le long de mon adolescence je l’ai méprisé, je l’ai insulté et après j’ai essayé de me tuer. Parce qu’efectivement, tout était de sa Faute selon moi. Je me sentais abusée et trahie. Ma haine à son égard grandissait jour après jour et je ne voulais pas entendre parler de ce père qui m’avait abandonné.
Je me souviens pourtant de tous ces moments. Toutes ces belles images et ces beaux évènements que nous avons vécus. Le premier ? Ma naissance. Il avait l’air tellement heureux de me prendre dans ses bras. Il a passé des heures à me contempler, à me tourner dans tous les sens et à me contempler sous tous les angles. La créature que j’étais lui ressemblait trait pour trait, prête à devenir son imitatrice.
Malgré nos langages diférents sur le plan physique, nos esprits semblaient communiquer entre eux. Car lorsque je le regardais, je pouvais savoir au plus proFond de mon être sans intelligence que c’était mon géniteur, celui qui m’avait emmené à la vie. Instinctivement, mon corps reconnaissait ses grandes mains sur les miennes et mon Front se souvenait de ses bises comme si elles n’étaient pas les premières.
Ce jour-là, dans la salle d’accouchement, mon père me regardait comme la prunelle de ses yeux. Je me sentais belle mais surtout précieuse et aimée. Précieuse, c’est ainsi que je me sentais. Un être qu’on manie avec adresse et délicatesse de peur de la casser ; un vase Fragile.
Mon cerveau de nourrisson aurait-il imaginé cette atmosphère ?
Son regard démontrait pourtant tout l’amour du monde. ProFond et înalement indescriptible. Je pouvais y lire l’avenir qu’il avait tracé pour moi. Des projets somptueux, un beau mariage, une belle Famille, un bon travail, une belle vie avec lui à mes côtés.
Mais je n’aurai jamais pu imaginer, …
Je grandissais comme un enFant normal, cherchant à marcher dans ses pas. Titubant, tombant et me relevant sous son regard bienveillant. Lorsqu’il avait une tâche à Faire, il me la reléguait toujours. Non pas parce qu’elle était trop Fastidieuse pour lui, non pas parce qu’il était incapable de la Faire mais parce qu’il voulait que je participe à ses œuvres. Il voulait me Forger et me transFormer, me bâtir et Faire de moi une Femme Faite. Il me demandait toujours de travailler avec lui et je pouvais sentir cette conîance naïtre entre nous deux.
Plus je grandissais et plus je cherchais à lui ressembler, à porter son caractère avec moi quotidiennement. Plus je grandissais et moins j’avais envie de le décevoir. Mais pour înir, c’est moi qui l’ai été.
Mon esprit a dû volontairement supprimer cet épisode de ma vie. Il était trop lourd à porter pour mon cœur d’enFant. Le jour où il est parti est ou dans ma mémoire et je crois que je n’ai pas envie de me le remémorer complètement. Tout ce dont je me rappelle c’était son dos et sa voix. Sa voix tranchante et rauque, qui me Faisait peur et qui m’attristait en même temps. Ce type de voix qui donne envie d’aller se cacher derrière un arbre, de se Faire tout petit, de
s’enFuir. Je me rappelle de la dureté avec laquelle il m’a parlé et je me suis sentie tellement minable.
Je me souviens également de son dos ; lorsqu’il s’est retourné sans un dernier regard. Sur le coup, je n’ai pas pensé à le retenir, je n’en avais pas la Force de toute Façon. Je l’ai juste regardé s’éloigner, partir loin de moi. Et mon cœur s’est serré et s’est goné d’amertume.
Comment est-ce qu’il pouvait me traiter de la sorte après tout ce que nous avions vécu ? Après tous ces regards, tous ces touchers, comment pouvait-il partir ainsi ? Comment pouvait-il me tourner le dos ? Me mettre hors de sa maison ? Tous ces sentiments, ces émotions, étais-je la seule à les ressentir ? La joie, la paix, le repos, ce n’était qu’une illusion ?
J’avais tellement de questions à lui poser. Mais je n’avais plus accès à sa présence. Et jour après jour, dans mon cœur, s’est Formée une énorme pierre qui ne cessait de marteler son nom. C’est ainsi que je me suis retrouvée dans la rue. Je ne savais pas où aller, ni vers qui me tourner. Je n’avais pas de mère, pas de Fratrie et encore moins des amis.
Les premières années, j’ai rencontré une dame dans la ruelle où je couchais. Une vieille Femme, les cheveux grisonnants, le regard bienveillant. Lorsqu’elle m’a vu dormir sur le sol, recouverte de crasse, elle a eu pitié de moi. Elle ne s’est pas contentée de me donner un bout de pain rassis en passant. Elle s’est arrêtée à mon niveau et m’a adressé la parole.
<<-Si jeune, qu’est-ce qui a bien pu te conduire ici ?
-On m’a abandonné, répondis-je simplement>>
Et j’ai lu de la surprise dans son regard. Peut-être parce que je n’avais pas une once de larmes dans les yeux. Était-elle étonnée du détachement avec lequel je pouvais parler de ma situation ? Elle a dû être efrayé par le vide qui se lisait dans mon regard. A ma plus grande surprise, elle m’a invité chez elle.
<<-Eh bien, aujourd’hui je t’adopte, répondit-elle>>
Je pouvais lire une grande joie sur son visage. Je la voyais rayonner à l’idée de ramener chez elle un enFant qui sentait mauvais et recouvert de déchets. Que diraient les personnes en route qui la verraient marcher avec moi ? J’étais perdue et déboussolée mais je ne perdais rien à saisir la main qu’elle me tendait.
Et sur le chemin qu’on empruntait, elle bavardait. Elle bavardait tellement, comme pour exprimer sa joie. Et je me contentais de l’écouter attentivement.
Nous sommes arrivés devant sa maison. Un véritable château, un empire je dirai. C’était incroyable une telle richesse, un tel luxe. Je me suis pincée plusieurs Fois pour savoir si je rêvais mais je me suis rendue compte que j’allais bientôt être traitée comme une princesse. Et je m’en réjouissais.
Mais il n'a pas Fallu longtemps pour que la supercherie soit dévoilée. J'ai trouvé l'enFer dans cette maison. Des personnes par centaines qui étaient réduites en esclavage, privées de leur liberté. La gentillesse était une Façade, les promesses de luxe également ; j'étais tellement maltraitée si bien que j'étais persuadée que j'allais mourir.
Quelques jours plus tard, une lettre m'est parvenue alors que j'étais dans le désespoir. C'était une lettre de mon père. En commençant la lecture, toute la haine que je pouvais ressentir s'est transFormée en une immense tristesse. Je me rendais compte que je me sentais seule, très seule et pour camouer cela j'avais préFéré le détester. SauF que j'avais besoin de mon lui.
La scène de l'abandon se rejouait dans ma tête et je constatai amèrement qu'elle ne s'était pas déroulée comme je le pensais. J'avais perdu du temps à lutter contre l'amour que j'éprouvais.
Ma précieuse,
Tu ne le sais peut-être pas mais je te regarde et je veille sur toi depuis qu'on s'est quitté. Tu ne peux imaginer la tristesse qui m'envahit lorsque je te vois dans ces conditions. J'ai essayé de me rapprocher de toi, mais tu ne prêtais pas attention à moi. J'ai envoyé des messagers te parler de ma part mais la maison dans laquelle tu vis les a détournés. Je ne t'ai pas abandonné, je n'aurai jamais pu. Souviens-toi, c'est toi qui m'as tourné le dos ce jour-là. Tu peux revenir à moi, je t'attends les bras ouverts,
Je t'aime.
Et je pleurai.
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