Un jour des oiseaux prendront leur envol
332 pages
Français

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Un jour des oiseaux prendront leur envol , livre ebook

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Description

Automne 1972, en un coin reculé des Ardennes belges. Alphonse Thomas y avait un jour installé sa petite scierie. Il était heureux d’y travailler. Mais un petit démon, qui dénigrait ses activités, était caché dans ses neurones : « Vous n’êtes qu’une petite scierie sans importance. »

Alphonse et son équipe se retrouvent embrigadés dans une multinationale. Il s’ensuit une dépossession inexorable de ce qui faisait sa joie de vivre. Désormais prédomine cette doctrine : « Chassez l’humain, il n’est pas rentable ! » Alphonse peut cependant compter sur deux alliés : sa petite machine à écrire, qui délivre des messages anonymes de mise en garde, et un poète noir aux États-Unis qui, chaque matin, transpose les rayons du soleil levant en de poignants hymnes à l'espérance.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 22 octobre 2015
Nombre de lectures 0
EAN13 9782332903020
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0112€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-332-90300-6

© Edilivre, 2015
Dédicace

A tous ces esclaves qui galèrent à longueur d’année dans l’espoir de pouvoir un jour se payer une cisaille
Citation


« Or ça, les lois sont comme des toiles d’araignes ; or ça, les simples moucherons et petits papillons y sont pris ; or ça, les gros taons malfaisants les rompent, or ça, et passent à travers. »
Rabelais
Chapitre 1 La cabane du maquisard
Nous sommes en automne 1972, en un coin reculé de l’Ardenne belge.
Le voyageur, s’il marquait un temps d’arrêt en haut de la colline afin de reprendre son souffle, ne se remettait pas volontiers en marche, subjugué qu’il était par le silence de toujours qui imprégnait cet endroit.
Et puis transparaissait lentement, mélodieusement en filigrane musical, le bruissement incertain du ruisseau voisin qui, tout en flirtant avec ses amies les pierres, se frayait un chemin à travers la prairie en contrebas de laquelle était installée la scierie des Thomas.
Le bruit des machines en activité dans le lointain n’était pas arrogant, mais tenait lieu d’accompagnement à cette symphonie champêtre.
A certains moments privilégiés, dominant ces bruits de fond, une chaude voix de ténor entonnait en sourdine, reprise par d’autres, un air lyrique annonçant la libération toute proche du peuple des travailleurs et le retour des exilés dans leurs foyers, mais la jovialité du ton en démentait les paroles tragiques.
Si d’aventure, le brouillard fréquent en ce coin de l’Ardenne avait rendu évanescents la nature, ses prés et ses sapinières, toutes ces effluves sonores se fondaient en une résonance profonde de l’univers en harmonie.
Le voyageur reprenant sa marche à regret après ces fragiles instants de plénitude, descendait sur quelques centaines de mètres la route qui s’incurvait à cet endroit, franchissait sur sa gauche un petit pont de pierres marquant l’entrée du domaine des Thomas et pénétrait dans une nécropole de grumes, de billes de bois, d’empilements de planches surmontées de leurs dosses.
De profondes rides marquaient le sol témoignant de l’effort des lilliputiens pour amener les géants sur le lieu de leur sépulture. Certaines concessions étaient bien entretenues, manifestement entourées de soins vigilants, d’autres, pour d’obscures raisons, étaient à l’abandon. Certaines planches se tordaient de désespoir sur leur support, alors qu’impassibles, à quelques pieds de là, d’autres toutes guindées, bien alignées sur leurs voisines, se rigidifiaient résignées comme des bourgeoises de province dans leur corset.
Entre le petit pont et l’aire de stockage de la scierie officiait le fantôme d’un chemin en gravillons qui ne ressuscitait que bien au-delà des ateliers, en direction du corps d’habitation.
Qu’il ventât, plût ou gelât à rendre inertes les tourbillons d’écume du ruisseau ou que le soleil dardât ses rayons implacables sur cette discrète vallée perdue au milieu des bois, Alphonse Thomas, Alphonse pour la dizaine d’ouvriers qu’il employait, s’avançait à la rencontre de celui ou de celle qui lui faisait l’honneur ou l’amitié d’une visite. Il accueillait avec chaleur le visiteur, s’informait des conditions de son voyage, prenait des nouvelles de sa famille s’il la connaissait et l’entraînait sans plus tarder, en le prenant affectueusement par le bras, au cœur même de son univers à lui, sa scierie et la petite communauté de travail qu’il animait. Il commentait au passage le travail exécuté sur chaque machine, s’extasiait comme un enfant devant ses jouets, de la scie alternative multiple qui débitait les grumes en planches bien parallèles et à l’épaisseur voulue au fifrelin près. Il passait en revue ses différentes scies à ruban, à une seule lame, dirigées avec soin par de véritables spécialistes qui repéraient et isolaient au sein du bois des blocs exempts de défauts. Il y avait aussi les scies débitant à dimensions les pièces fournies par la scie de tête et l’unique déligneuse donnant aux ébauches leur configuration définitive de planches en les dotant de bords parallèles. Il s’arrêtait longuement à chaque poste de travail et y vantait sans retenue la qualité de l’ouvrage exécuté de façon telle que son interlocuteur devait nécessairement en attribuer tout le mérite à l’ouvrier devant eux. A coup sûr c’était un homme d’atelier ; ses mains calleuses et crevassées en témoignaient. Il connaissait les moindres recoins de cette entreprise qu’il avait fondée il y avait maintenant une bonne dizaine d’années en y investissant toutes ses économies. Il la sentait respirer et gémir, mais aussi soupirer d’aise ces jours-là où les problèmes étaient miraculeusement absents.
Chaque machine, chaque homme, chaque lot de bois étaient des branches de ce tronc commun auquel il s’identifiait. Toute personne un tant soit peu avertie des difficultés inhérente au monde du travail ne pouvait qu’être impressionnée par la bonhomie des attitudes, la connivence bienveillante des regards, les petits saluts de sympathie du bout des doigts au bord de la casquette poisseuse. Pas de regards hostiles, d’injures rentrées ou grommelées, de gestes équivoques ébauchés sitôt le dos tourné, ni d’attitudes d’animaux de zoo qui hurlent leur indifférence et leur mépris aux visiteurs en extase devant leur cage. Alphonse Thomas, fils d’ouvrier, ancien bûcheron lui-même, n’était pas de ces enfants du peuple qui, ayant réussi à la force du poignet, n’ont que dédain pour ceux qui n’ont pu s’élever comme eux. Ne reniant pas ses origines, il était en complète communion avec le monde dont il était issu. Les controverses n’étaient pas pour autant absentes à la scierie, mais elles se réglaient lorsque le temps s’y prêtait sur le banc semi-circulaire, en pierres de taille, situé au fond de la cour, entre l’usine et le corps d’habitation. Ces gens simples avaient découvert d’instinct les vertus apaisantes de la discussion en plein air. Les éclats de voix se perdaient dans les nuages et les affrontements y avaient la consistance d’un jeu d’ombres et de lumière. L’équilibre de la nature contribuait à celui des hommes.
Lorsque des mésententes éclataient, chacun défendait son point de vue avec acharnement, en le ponctuant de grands coups de poing dans le creux de la paume. Le pouvoir de convaincre tenait plus de la vigueur du propos que du bien-fondé des arguments. Le dénouement était invariablement le même. Alphonse Thomas se levait soudainement et lançait à la cantonade qu’il allait examiner la question à tête reposée, qu’il prendrait une décision et qu’il donnerait sa réponse le lendemain matin à l’arrivée des hommes.
Il ne savait jamais refuser ce qu’on lui demandait, ce qu’il n’aurait pas hésité à demander lui-même s’il avait encore été ouvrier. Il n’oubliait pas les difficultés du début, lorsque bûcheron il avait épousé Adrienne, la venue de leur fils Gérard, le premier logis à aménager et la paye dépensée avant même d’avoir été touchée. Cela se savait et un consensus tacite s’était installé qui consistait à ne pas demander plus que ce qui pouvait être raisonnablement accordé.
La visite des ateliers se terminait dans la petite cour où se trouvait le banc de pierre. Cet espace établissait une transition entre les hangars de sciage et de manutention du bois, et les locaux d’habitation des Thomas où Alphonse avait également son bureau. Il s’y arrêtait immanquablement à un point bien précis, près de la vieille pompe en fonte, et de là, faisait découvrir avec fierté à son visiteur, à travers une trouée entre deux bâtiments, l’environnement superbe de la cuvette au fond de laquelle était installée la scierie, horizon circulaire de coteaux et de bois pentus, parsemés de chaumières isolées ou regroupées en hameaux.
Voyez-vous, avait-il coutume de dire à cet endroit, ils logent tous là-bas dans les collines ; ils peuvent tous de leur maison ou de leur jardin apercevoir la scierie. En cas d’incendie, même en plein dimanche, ils seraient tous ici en quelques minutes bien avant les pompiers.
Sur le côté gauche de la cour était construite la cantine où se prenait en commun le repas de midi. Chaque ouvrier, en arrivant le matin, déposait son repas sur le rebord de la fenêtre ; la femme d’Alphonse préparait pour agrémenter cet ordinaire frugal de plantureuses soupes campagnardes qui sentaient bon les légumes frais. Et pour dessert, il y avait toujours une surprise : fruits de saison qu’elle cueillait dans le verger ou crème maison dans de petits pots en grès qu’elle disposait méticuleusement sur un rayonnage en bois.
C’était elle qui dressait la table, qui veillait à ce qu’il y ait toujours du café chaud sur la taque du fourneau à bois. Le repas de midi à la cantine était un moment privilégié car toute la communauté, les Thomas en tête, s’y retrouvait. Il n’y avait pas de place préétablie et chacun s’installait à la bonne franquette comme cela se trouvait. Les provocations verbales, les fanfaronnades dénuées de toute malice fusaient, se succédaient à un rythme effréné, entrecoupées de rires ou de gloussements suivant l’état de disponibilité des mandibules. Aucune tête de Turc cependant ! Même les frères Talberti, d’origine italienne, maçons de leur état et que l’on taquinait bien plus souvent qu’à leur tour sur leur métier d’avant et leur appartenance présumée à la mafia, ne se sentaient pas pour autant agressés.
Le repas terminé, un jeu de fléchettes accroché au mur permettait aux sportifs de se défier de façon encore plus directe.
Les jours d’anniversaire, la petite communauté commençait un peu plus tôt la pose de midi car il eut été dommage de ne pas faire honneur au gâteau couronné de bougies qu’Adrienne confectionnait

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