Un jour sur la Terre
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Description

XXIIIe siècle. À cent quarante ans, Philippine a toujours vu le monde tel qu’il est. La Terre est devenue un cube dans lequel vit une population entassée et refermée sur elle-même. Rongé par la pollution, le monde est aujourd’hui stérile et invivable, où seule la technologie permet d’exister. C’est par l’entremise de Gisèle, deux fois son aînée, qu’elle apprend à connaître ce que la Terre était avant, quand la nature et l’espace prévalaient. Nostalgique du passé, l’héroïne décide d’échapper à la réalité et se fourvoie dans un univers parallèle qui l’entraîne à sa perte. Il faudra toute la ténacité de ses amis pour la sauver d’elle-même. Au travers de cette aventure, entre fantasme geek et rêve hallucinatoire, Laurence Peudenier dénonce l’irresponsabilité des hommes, le syndrome de leur souveraineté sur l’environnement, leur façon de détruire sans complexe notre planète... Mais au-delà de ce constat, demeurent la puissance de l’amour, de l’amitié, de la vie en somme.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 15 octobre 2011
Nombre de lectures 0
EAN13 9782748369281
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0041€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Un jour sur la Terre
Laurence Peudenier
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
Un jour sur la Terre
 
 
 
À Chloé, Axel et tous ceux que j’aime…
 
 
 
 
 
 
 
Quelle drôle d’idée ce choix de faire du vélo ! Un truc ringard, difficile à imaginer de nos jours… Tant pis, ce qui compte c’est de se lancer, au moins pour connaître la sensation que cela apporte. Il faut dire qu’elle n’a pas lésiné sur le décor. Cerisiers, prunus en fleurs, jonquilles à peine écloses, un ciel bleu, un vent léger et vif comme avant en avril, ont été paramétrés sur son logiciel.
Les autres, c’est plutôt les sensations fortes qu’ils recherchent, les jeux vidéo, de rôles, jouer à la guerre ou incarner un héros…
C’est curieux de sentir cette chaleur dans les jambes, comme une douce tétanie et le vent si doux qui caresse ses joues et fait voler ses cheveux. Elle entend les oiseaux, comme s’il y en avait des dizaines, tous différents qui auraient attendu vaillamment le printemps après un rude hiver.
Et pourquoi ne pas faire partager mon expérience à Gisèle se réjouit-elle. Je sais très bien ce qu’elle me dira : ben moi ma p’tite Philippine, du vélo j’en ai fait et pour de vrai !
C’est fou ce qu’elle radote, toujours à ressasser le passé, c’est énervant. Mais en même temps, elle est si drôle, elle m’enchante avec ses histoires et me fait regretter le monde qu’elle a connu, avant la destruction massive des véhicules, la lente et laborieuse construction des habitacles où nous vivons en rangs serrés depuis quelques centaines d’années.
Sa promenade achevée, elle zappe sur son ordinateur intégré et tente d’entrer en contact avec Gisèle sans ouvrir les fenêtres applicatives des messages, spams en tout genre ou SMS provenant du Pôle central, censé aider les individus à maintenir un rythme naturel, comme prendre leurs pilules à heures régulières… Leur maître mot « sécurité » et leur slogan récurrent « soyez prudents », nous maintiennent dans une dépendance lénifiante et rassurante, tels des moutons dans un pré.
Il ne doit pas être tard, l’écran affiche 19 h 23. Après quelques essais, elle entre enfin en contact avec son amie.
— Hello, ça va tes articulations ?
— Oh ça va, petite insolente ! J’étais concentrée, figure-toi, je me remémorais la dernière partie de belote avec les copines, le plus dur c’est de déjouer les tricheries tout en gardant son sérieux ma petite Philippine.
— Et bien moi, j’ai pas chômé, j’ai simulé une escapade à vélo. Franchement c’était trop cool ! Sauf pour les côtes, je m’en suis tapé deux aller et retour, soit environ une heure de balade…
— Mouais, tu le fais exprès de me remémorer les bons moments ! Du vélo, on en faisait tous les jours pour se promener dans la campagne ou pour se rendre à l’école ou dans une ferme voisine… Et c’était pas du virtuel mais du vécu ma p’tite.
— Ah je l’attendais celle-là ! Qu’est-ce que j’y peux moi, si ta vie était différente, plus vraie comme tu me le rabâches. On n’a pas le même âge, je te signale, moi j’ai pas encore atteint mes 250 ans !
— Oui, j’avoue ! À 140 ans tu es encore bien jeune ; et puis c’est vrai, je suis méchante avec toi… Parce que ça me peine cette vie qu’on mène dans ce monde « Cube ». Moi j’ai la chance d’avoir connu autre chose, d’avoir des souvenirs, alors que toi tu es née dans ce cloaque et les seules promenades que tu peux t’offrir, c’est pas le grand « flash du LSD » mais le monde virtuel de ton ordinateur qui te les offre. Et les moments de solitude choisie, tu connais pas non plus ! T’as toujours un péquin qui cherche à se connecter pour te mettre un fil à la patte. Tes amies, tu les vois via écran interposé, tu peux même pas les embrasser. Tu vois, avant on jouait à saute-mouton dans les champs, on se prenait de ces fous rires… y avait du contact alors. Dorénavant, on est contraint de vivre en rangs d’oignons, serrés comme des sardines, sans plus se voir physiquement, rivés sur nos ordis portatifs.
Tiens, on vit comme les cochons, les bœufs ou les poulets qu’on mangeait après les avoir enfermés dans des cages étroites et insalubres baignées de lumière artificielle. On les engraissait, on les piquait aux hormones, puis on les abattait sans vergogne. On aurait mieux fait de développer l’agriculture, le blé aurait alimenté toute la planète. Mais, ç’aurait été moins rentable pour les pays riches…
— Hou, hou, j’suis là mamie, arrête de divaguer, je me demande si t’as toute ta tête, Alouette.
— T’as raison, je déraille et je vois que tu n’as pas envie de me croire, ça te défrise tout ça. Tu préfères fermer tes jolis yeux et boucher tes oreilles de castor.
— Bon, trêve d’élucubrations ! Il est temps de prendre tes pilules et d’aller te reposer. Demain, on pourra peut-être naviguer sur la toile ensemble, faire un tour, lécher les vitrines ou se poser dans un endroit champêtre comme tu les aimes tant.
— OK, ma puce, je vais faire un peu d’obscurité dans mon espace vital… Oh ! My Space , pardon ! J’espère que mes collatéraux ne bougeront pas trop cette nuit, je te jure, ça me donne le mal de mer.
Au moment de couper le contact, Philippine ressent un étrange malaise qui s’insinue en elle, une sorte de vide plutôt qui étreint ses poumons, une vague sensation de solitude. Ce n’est pas la première fois, excès de sensiblerie ou quête d’absolu ?
Voilà qu’elle m’a fichu l’angoisse, cette chipie. À cause de ses pérégrinations dans le passé, elle parvient à me faire douter et ça me donne le bourdon comme disait mon père.
Dieu ait son âme. S’il nous voit, il doit être carrément ébahi et triste au vu de notre mode de vie. Il suffit de lever la tête, de détourner son regard pour voir cette masse compacte d’individus vêtus de combinaisons blanches pour la plupart d’où jaillissent les câbles qui distillent les milliers de kilowatts d’énergie électrique, assurent l’interconnexion avec les appareils informatiques et permettent les fonctionnalités vitales. Philippine ne fait pas partie des plus malheureux, certains, d’après les infos n’ont pas été reliés et se trouvent dans un état d’insondable déprime, d’exil, attendant une mort que l’espérance de vie a repoussée dans les limites des 300 ans en moyenne.
Gisèle aime à raconter que des voisins, des rencontres fugaces, permettaient d’échanger quelques mots anodins sur la pluie ou le beau temps, les dernières trouvailles des enfants, et que justement c’était cela la vie. Elle a sûrement raison. Bien que Philippine ne la prenne que rarement au sérieux, elle est de plus en plus sensible à ses propos qui la laissent perplexe et lui font entrevoir une autre époque, un autre ailleurs qu’elle envie. Mais comment s’échapper réellement ? Vers où se frayer un passage dans la foule ? Des téméraires ou des inconscients ont déjà essayé mais ils se sont retrouvés dans un autre de ces immeubles ou hangars ou plates-formes maritimes ou souterrains qui envahissent les quatre cinquièmes de la planète.
Non, il n’y a pas d’issue, la Terre est devenue un cube dans lequel vit la population. Un cube formé de compartiments géants implantés sur d’anciennes forêts, rizières, champs, océans… Sans véritable contrôle des naissances, avec l’essor économique de l’Asie notamment dans les années 1950-2000 et l’envie de chacun de se procurer le plus de biens matériels possible, l’espèce humaine s’est accrue démesurément et a fini par supplanter toutes les espèces animales et végétales.
Résultat, ça fait belle lurette qu’il n’y a plus de naissances. Au fil des siècles la loi de l’évolution a rendu les êtres stériles au fur et à mesure de l’augmentation de la population et de l’espérance de vie. Chacun sait cela sans pour autant l’évoquer, à quoi bon !
Serait-elle une nostalgique du passé, quelqu’un mal dans son époque ? Ses amis sur le Net ne semblent pas partager cet état d’esprit. Ils ont l’air de ne pas se poser de questions. Cette sensibilité la tire en arrière et l’empêche d’apprécier le présent, mais c’est plus fort qu’elle. « Je suis toujours à tergiverser, c’est une cocotte-minute que j’ai à la place de la tête ». Si seulement ses tentatives pour participer à un film aboutissaient, mais même pas. Elle a répondu à des centaines de propositions mises en ligne sur un site sérieux « Cinéphiles.Organisme » où des agents recherchent des figurants… Soit elle n’a pas eu de réponse ; soit elle a eu un bref commentaire dans le meilleur des cas lui expliquant que sa démarche était à l’étude. Quant aux blogs d’artistes connus, on a l’impression que ce sont des pseudos qui dialoguent à leur place et il s’avère impossible d’échanger ses passions, encore moins d’obtenir une ouverture, une main tendue. Peut-être qu’elle ne sait pas se vendre, qu’elle manque de ténacité. Pourtant, son cœur palpite quand elle regarde des émissions consacrées aux chanteurs ou acteurs de sa génération qu’elle aime. Qu’est-ce qu’elle ne donnerait pas pour avoir un vrai lien avec eux, leur chanter un de leurs tubes planétaires ou figurer dans un film.

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