Une étoile
380 pages
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Description

Anna et Simon, un couple de Juifs polonais, vivent à Lodz avec Caroline, leur petite fille de deux ans. Lorsqu’en 1938 l’invasion de la Pologne par l’Allemagne nazie ne fait plus aucun doute, Simon demande à un ami français d’emmener sa femme et sa fille en France pour les éloigner de la guerre.
Une étoile est une émouvante histoire qui se déroule à Paris et dans un petit village de Seine-et-Marne, entre 1939 et 1945.
Elle est inspirée par des faits qui se sont réellement déroulés.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 02 décembre 2015
Nombre de lectures 0
EAN13 9782332942494
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0082€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composér Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-332-94247-0

© Edilivre, 2015
Chapitre 1
Assise dans un fauteuil de velours rouge devant le feu intense d’une cheminée, un livre fermé sur les genoux, Anna regardait par la fenêtre apparaître une à une les étoiles. Les jours rallongeaient. Bientôt la température serait plus douce, la neige fondrait et elle pourrait emmener Caroline au parc. Les rires de sa fille, à qui Basia donnait le bain, la sortirent de sa rêverie. Elle sourit et se leva pour reposer « Guerre et Paix », qu’elle venait de terminer, dans la longue bibliothèque qui occupait tout un mur et qui était si pleine qu’elle semblait déborder et vouloir pousser la cheminée contre laquelle elle butait. Anna remit le livre en place avec le soin que l’on prend habituellement pour ranger un bijou dans un écrin. Puis, comme toujours, elle fit quelques pas en arrière, et parcourut de ses yeux bleu marine les dos des ouvrages, comme un général le ferait avec son armée. Son regard brillait devant les titres de ces œuvres qui étaient autant de promesses d’aventures, de héros et de cultures du monde entier. Un nouvel éclat de rire de Caroline retentit. Anna traversa silencieusement le grand salon de sa démarche souple pour s’approcher du grand escalier qui montait vers les chambres et la salle de bain. On entendait maintenant les cris de joie de Caroline et Basia qui se mêlaient au bruit de l’eau que la petite fille et la jeune femme s’amusaient à se jeter à la figure l’une de l’autre.
Anna pouvait rester des heures à écouter les rires de sa fille. Elle se félicitait d’avoir engagé Basia, cette jeune paysanne de vingt ans qui, avec ses joues rouges et ses couettes blondes, en paraissait quinze. Elle adorait Caroline et Caroline l’adorait. Un peu trop peut-être au goût d’Anna qui parfois avait du mal à chasser la pointe de jalousie qui lui chatouillait le cœur. Mais la présence de Basia était indispensable et lui permettait de profiter pleinement de la chance d’avoir épousé l’un des hommes les plus riches de Lodz. Tous les matins elle sortait en ville pour faire des achats. Et l’après-midi, elle allait prendre le thé avec des amies. Puis, épuisée par les discussions sur la mode et le comportement des hommes, elle rentrait pour prendre un bain et se plonger jusqu’au dîner dans les histoires que lui racontaient Balzac, Maupassant ou Tolstoï.
Les rires avaient cessé. On entendait l’eau du bain s’écouler malgré les protestations de Caroline. Anna s’éloigna vers la salle à manger. Elle passa devant un grand miroir au cadre doré accroché au mur. Machinalement, elle se tourna vers la glace, approcha tout près son visage ovale rehaussé de pommettes légèrement saillantes, et inspecta longuement le contour de ses yeux en amande. Puis elle recula, remit en place une mèche de ses cheveux bruns qui lui tombait sur le front, et sourit en se disant qu’elle aussi paraissait plus jeune que son âge ; elle ne faisait décidément pas ses vingt cinq ans.
Anna alluma la lumière. La longue table était déjà dressée : deux assiettes posées de part et d’autre, entourées de couverts en argent et de verres en cristal qui brillaient dans la lumière. Anna aimait cet air de fête qu’elle retrouvait chaque soir au moment du repas et qui lui rappelait son enfance à Kiev. Elle n’eut pas le temps de se laisser envahir par la nostalgie de sa jeunesse passée avec ses parents et ses frères : Caroline, les cheveux encore humides et portant une robe de chambre rose, s’approchait à pas de loup. Mais elle était encore trop petite pour pouvoir se faire suffisamment discrète et Anna l’avait entendue. Caroline s’approcha tout près et, juste avant qu’elle ne la touche, Anna se retourna et la prit dans ses bras. Surprise, la petite fille de deux ans poussa un cri puis éclata de rire, et Anna crut alors entendre son propre rire lorsqu’elle avait son âge. Elle regarda attentivement Caroline qu’elle tenait tout contre elle. Non, elle ne lui ressemblait pas beaucoup avec ses yeux ronds et ses cheveux couleur paille. Mais une chose était sûre : elle avait pris son rire. Réchauffée par cette pensée, elle sourit et l’embrassa.
Les rues de Lodz étaient désertes. Seules les lueurs provenant des fenêtres des maisons et les aboiements lointains de chiens errants apportaient un peu de vie dans ce début de nuit glaciale.
Les phares d’une voiture éclairèrent le bout de l’avenue Ogrodowa. Ils projetaient leur lumière crue sur les façades des villas bordant la rue, toutes couronnées de neige. Janusz, le chauffeur portant casquette et moustache noires, se concentrait sur sa conduite en tenant fermement son volant. L’imposante ZIS 101 avait du mal à rester dans les marques déjà anciennes laissées par les autres voitures dans la neige, et il lui fallait fréquemment donner de petits coups à droite et à gauche pour la maintenir sur la chaussée. Installé sur la banquette arrière, Simon ne prêtait aucune attention à la progression chaotique de la voiture. Il lisait son journal, comme chaque soir en revenant de son travail, à la lumière du plafonnier. Il portait un costume gris foncé dont il avait déboutonné la veste avec soulagement en s’installant dans l’automobile. En faisant ce geste, il revit fugitivement le regard ironique d’Anna le matin même lorsqu’elle lui reprocha d’avoir grossi. Mais cette image sortit de son esprit aussi vite qu’elle était venue, et il put tranquillement se plonger dans sa lecture. Son chapeau melon était posé juste à côté de lui, comme un compagnon de voyage. Simon commençait à perdre ses cheveux, ce qui lui donnait un air respectable qui l’arrangeait bien lors des négociations qu’il devait mener avec ses fournisseurs. Il avait en effet remarqué que, depuis que ses cheveux avaient commencé à l’abandonner, ses interlocuteurs – qui, auparavant, le considéraient uniquement comme le fils de son père, le fondateur de la manufacture de textile – lui accordaient une attention toute différente. Et il se révéla alors un redoutable homme d’affaires, si bien que son père, qui sentait les années peser sur lui, décida de lui laisser les clés de son usine. La remarque désagréable qu’Anna lui avait faite sur sa prise de poids n’était pas la cause de l’air préoccupé avec lequel il lisait ce soir-là son journal. Les gros titres de la Gazeta étaient tous consacrés à la menace que l’Allemagne nazie représentait pour l’Europe. Certains articles envisageaient même la possibilité d’une invasion de la Pologne en citant de larges extraits de discours et de déclarations des dirigeants allemands. Au fur et à mesure de sa lecture, Simon blêmissait. Il était maintenant totalement livide, à tel point que même Janusz le remarqua en regardant dans le rétroviseur. Mais, ayant toujours gardé une distance aussi craintive que respectueuse avec son patron, il n’osa lui demander s’il se sentait bien.
La voiture franchit le portail en fer forgé de la grande propriété des Levine et emprunta lentement le chemin qui traversait le jardin et menait à la maison. Aucune voiture n’avait roulé sur ce chemin depuis le matin, de sorte qu’il était totalement recouvert de neige fraîche et Janusz ne pouvait distinguer précisément son tracé. Mais la mémoire voit parfois mieux que les yeux et le chauffeur, qui empruntait ce chemin tous les jours depuis dix ans, sut mener sans encombre la voiture jusqu’à l’imposante bâtisse blanche défendue par une élégante balustrade en pierre. La ZIS s’immobilisa. La portière arrière se trouvait juste au bas des trois marches du perron qui montaient jusqu’à la double porte d’entrée vitrée.
Avertie par la lumière des phares qui avait traversé les fenêtres du rez de chaussée, Basia, vêtue d’une robe noire et d’un tablier en dentelle, se tenait tout près de la porte et regardait à travers la vitre. Elle portait des escarpins vernis et une coiffe blanche qui accentuaient encore son air juvénile. Comme au garde à vous, elle attendait, son regard bleu acier fixé sur la portière arrière, que Simon monte les marches pour lui ouvrir la porte. Janusz stoppa le moteur. Il sortit de la voiture et en fit le tour. Le froid était très vif et il sentit que la neige qu’il foulait était en train de se transformer en glace. Il ouvrit la portière avec son air sérieux qui avait toujours beaucoup amusé Simon et Anna. Mais, bien qu’ils lui aient demandé à maintes reprises d’abandonner cette attitude désuète à la limite du ridicule, il n’en démordait pas : c’était l’un des signes de l’importance qu’il accordait à son travail, au même titre que la parfaite propreté dans laquelle il maintenait la ZIS, et il ne l’abandonnerait pas. Janusz attendait donc, hiératique, que Simon sorte. Mais celui-ci, happé par sa lecture, ne s’était aperçu de rien. Même le froid qui s’engouffrait dans l’habitacle n’avait aucune prise sur lui. On aurait pu croire, en voyant ces trois personnes figées dans ce décor blafard et totalement silencieux, que toute vie s’était soudainement échappée de leurs trois corps qui ressemblaient à de simples mannequins de cire. Que la fin du monde était arrivée ce soir de mars 1938, à Lodz, en Pologne.
Au bout d’un moment qui sembla à Janusz une éternité, l’air glacé finit par faire de l’effet sur Simon. Tremblant de froid, il replia son journal, prit son chapeau et sortit de la voiture sans un regard pour son dévoué chauffeur. Il gravit d’un pas rapide les trois marches du perron et entra dans la maison en tendant son chapeau à Basia qui lui avait ouvert la porte. La chaleur de la maison l’enveloppa immédiatement, mais cette sensation de bien-être ne suffit pas à le rassurer. Il gardait son air préoccupé. Dès qu’il entra dans le salon, Anna, qui était confortableme

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