Une odeur de croissants chauds
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Une odeur de croissants chauds , livre ebook

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Description

A la maison de retraite les Myosotis, la vie se déroule lentement, au rythme des chaussons, déambulateurs et fauteuils roulants. Mais ce dimanche 30 avril, il se passe quelque chose d'inhabituel. Le petit déjeuner est servi en retard et Marie-Rose n'est pas présente pour assurer le service. Il faudra attendre midi pour que la directrice, madame Geneviève, annonce dans le réfectoire où toutes les résidentes sont réunies, que Marie-Rose, par un stupide accident, venait de quitter le monde des vivants. Pan-Pan et Jalousie, deux pensionnaires turbulentes, savent-elles ce qui s'est passé ? Et si ce n'était pas un accident ? Mireille, la chanteuse, a-t-elle joué un rôle dans ce drame ? Heureusement, il y a madame Lucette, 82 ans, qui, de la fenêtre de sa chambre avec vue sur les allées et venues de la cour de l'établissement, va aider l'inspecteur Catmandou, dit le Népalais, à résoudre l'enquête.

Informations

Publié par
Date de parution 23 novembre 2015
Nombre de lectures 0
EAN13 9782312037608
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0012€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Une odeur de croissants chauds

Jean-Serge Lalanne
Une odeur de croissants chauds











LES ÉDITIONS DU NET 22, rue Édouard Nieuport 92150 Suresnes
© Les Éditions du Net, 2015 ISBN : 978-2-312-03750-8
Pour Adam et Jeanne, mes petits-enfants.

« La retraite, faut la prendre jeune. Faut surtout la prendre vivant. C’est pas dans les moyens de tout le monde. »
Michel Audiard

Dimanche 30 avril. Pourquoi se tuer au travail ?

M ARIE -R OSE
Je m’appelle Marie-Rose. Depuis vingt-deux ans je travaille aux Myosotis, maison de retraite pour femmes uniquement. Seulement vingt-cinq veuves et vieilles filles peuplent cet établissement.
Il y a d’abord madame Lucette qui arrive en fauteuil roulant faire la causette, de temps à autre, dans l’office où je prépare les petits déjeuners, les déjeuners et les dîners. Evidemment l’accès est interdit aux pensionnaires, mais ça ne dure jamais longtemps. Elle a très peu de visites. Sa fille Martine et son gendre Thomas viennent la voir de temps en temps, mais les dimanches et jours fériés, les jours Canada-Dry comme elle les appelle, elle est souvent triste de se retrouver seule. Alors elle se réfugie dans la lecture.
Puis, Les Dalton. Je les surnomme ainsi car elles sont daltoniennes. Francine et Francette, les deux F, sont jumelles. Elles m’engueulent parce que les haricots verts sont noirs et dans la salle de loisirs elles demandent quand est-ce que les couleurs de la télévision seront réglées.
Et encore Madeleine, dit Bonnie. Elle raconte toute la journée comment avec son mari ils ont dévalisé l’épicerie de leur village pendant la guerre alors qu’ils n’avaient plus de tickets de rationnement. Ils se sont servis : lait, farine, riz, comme Bonnie et Clyde. Clyde est mort aujourd’hui. Bonnie on l’appelle également Pan-Pan. Elle vous regarde droit dans les yeux en pointant sa main tremblotante, un doigt tendu et les autres repliés comme si elle tenait un révolver et elle dit « Pan-Pan, je vais te tuer ».
Ainsi que Mireille, la chanteuse. Tous les après-midi dans sa chambre, elle donne son récital. Luis Mariano, Tino Rossi, Mireille Mathieu et Annie Cordy sont à son répertoire. Mireille, c’est la joie de vivre qui se déplace à petit pas en chantonnant. Elle se plait à dire qu’elle n’a pas peur de l’après-vie car elle aura toujours une chorale d’Anges à rejoindre.
Sans oublier Mauricette, ou Jalousie. Elle est jalouse de madame Lucette qui occupe la seule chambre dont la fenêtre donne sur la cour et l’entrée du parc. Elle est jalouse des autres pensionnaires qui ont de belles toilettes, de belles teintures, de beaux ongles manucurés. Elle est jalouse de moi et de mon poste à responsabilités aux Myosotis. Un jour à l’aide de sa canne elle m’a fait chuter lourdement, volontairement et comme Pan-Pan elle a sa phrase toute faite comme dans la publicité : « Je l’aurai un jour, je l’aurai ».
Et enfin, toutes les autres : les pipelettes, les causeuses, les sournoises, les silencieuses. En vingt-deux ans j’en ai vu arriver qui trainaient la jambe et qui pleuraient. J’en ai vu partir aussi et là, c’est moi qui pleurais.
Dans six mois, c’est la retraite. Suzanne, mon aide cuisinière me remplacera. Elle attend ce moment depuis longtemps. Elle est méticuleuse, ordonnée, attentive, parfois colérique, nous avons eu des mots comme on dit, mais rien de bien grave, chacun son caractère.
Dans six mois c’est la retraite.
Dans six mois, j’aurai dû être à la retraite. Mais un évènement est venu contrarier le calendrier. Pour la retraite, je repasserai. Adieu les grasses matinées, les soirées tricot, les sorties en ville. Oui, je viens en un instant de passer de vie à trépas. Je me trouve dans une antichambre, une sorte de salle d’attente pleine de monde. J’ai l’impression de venir passer un casting pour un film d’outre-tombe.
J’ai tout de même une vue imprenable sur le monde d’en bas. Ça s’agite beaucoup autour de mon corps sans vie. Vont avoir du boulot à nettoyer tout ce sang ! Il y a des hommes en bleu qui parlent avec madame Geneviève la directrice, un photographe qui, depuis le début, prend d’innombrables clichés, des hommes en blanc qui m’installent sur une civière et m’emmènent dans l’ambulance garée dans la cour et Suzanne qui n’arrête pas de pleurer et de tourner en rond. Bon sang, il va falloir que je gueule ??? Il y a les petits déjeuners à préparer et à servir à neuf heures. Nous sommes dimanche !


L UCETTE
Il est entré dans la chambre après avoir frappé, mais sans attendre mon invitation à le faire, au moment où se mettaient en marche les trente secondes de La Marche de Radetzky de Johann Strauss signalant que le petit déjeuner serait servi dans un quart d’heure. J’ai regardé ma montre en sortant de mon lit avant de m’asseoir dans mon fauteuil roulant, il était neuf heures cinq alors que d’habitude, le dimanche, le service est à neuf heures. C’est bien la première fois qu’il y avait du retard.
Il s’est présenté dans sa tenue de policier comme officier-enquêteur. Il m’a demandé si cela ne m’ennuyait pas de répondre à quelques questions. J’ai dit « oui mais rapidement, le petit déj’n’attend pas ».
Comme la fenêtre de ma chambre donne sur la cour d’accueil et que c’est la seule qui a cette configuration, il a voulu savoir si je n’avais rien remarqué d’anormal, comme le passage d’un inconnu, du bruit, des cris, quelque chose d’inhabituel en ce dimanche. Je lui ai répondu que comme tous les dimanches et jours Canada-Dry, les jours fériés si vous voulez, madame Marie-Rose est arrivée ponctuellement à sept heures quinze sur son vélo. Nous nous sommes saluées de la main, moi de ma fenêtre, elle en lâchant son guidon. Ensuite, à l’aide de mon déambulateur j’ai été pissé, puis je me suis recouchée car je ressentais une petite fatigue. Il m’arrive de temps à autre de rejoindre Marie-Rose à l’office qui est juste à côté pour faire une petite causette, mais pas aujourd’hui, je me suis assoupie.
– Vous permettez que j’aille au réfectoire ?
Il a fait oui de la tête en jetant un regard circulaire à la pièce. Au passage, j’ai remarqué en regardant par la fenêtre, une voiture de pompiers, un véhicule de police et une ambulance dans la cour. Les bruits de pneus sur le gravier, je croyais les avoir rêvés.
Lorsque je suis passée devant l’office, la porte, habituellement ouverte, était fermée.
C’est Suzanne seule qui a servi les petits déjeuners. D’habitude elle était aidée par Marie-Rose. Deux croissants pour chacune, sauf pour moi, à cause de mon cholestérol et mon hypertension. Je n’ai droit qu’à des biscottes sans sel à volonté que je trempe dans ma boisson chocolatée pour les ramollir. Suzanne avait pleuré, c’est certain. Quelque chose n’allait pas bien dans sa tête. Elle servait à côté des bols, faisait tomber les petites cuillères, ne répondait pas aux questions. Lorsque j’ai terminé mon petit déjeuner je l’ai coincée avec mon fauteuil dans le couloir et lui ai demandé où était Marie-Rose que j’avais vu arriver comme d’habitude ce matin à sept heures quinze. Elle m’a pris la main, s’est mise à pleurer puis elle a dit : « Marie-Rose, elle est… elle est… » Elle n’a pas fini sa phrase. En fait elle aurait dû dire : « Elle n’est plus !!! »
J’ai regagné ma c

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