De Fay Drive à Karolle
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Description

« Comment oublier ce premier voyage ? J'avais 20 ans. Un billet aller-retour New York à tarif étudiant m'avait permis, en guise de baptême de l'air, de passer sans transition de mon HLM familial aux enseignes lumineuses géantes de Times Square... Un choc énorme pour un ado longovicien qui ne s'en est jamais vraiment remis. En poche j'avais une fortune de 90 dollars, soit un demi-smic 1970, gagné en quinze jours de job de vacances, qui devait financer mon hébergement, ma subsistance et surtout mon transport vers le paradis californien des sprinters champions olympiques aux J.O. de Mexico. Cinq semaines et 13 000 km d'auto-stop plus tard, j'étais de retour à Kennedy Airport, sans avoir dépensé la totalité de mon faible pécule. Les bras chargés de cadeaux, la tête pleine de souvenirs d'un ride, coast to coast, inouï, et pour toujours les Américains dans mon cœur. » Au retour de son périple, l'auteur s'était confié au quotidien local "Le Républicain Lorrain". C'est la totalité de ces notes, non retouchées mais annotées de nouveaux commentaires, qu'il présente aujourd'hui dans ce témoignage nostalgique et haut en couleur. Emblématique de l'Amérique des seventies, un road-trip riche de rencontres aussi imprévisibles qu'inoubliables.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 28 avril 2016
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342050851
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0052€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

De Fay Drive à Karolle
Patrice Ragni
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
De Fay Drive à Karolle
Toutes les recherches ont été entreprises afin d’identifier les ayants droit. Les erreurs ou omissions éventuelles signalées à l’éditeur seront rectifiées lors des prochaines éditions.
 
 
 

Merci Georges
 
 
 
Avant programme
 
 
 
Mon premier voyage aux USA a laissé une profonde empreinte dans ma mémoire. J’habitais à Longwy, petite cité ouvrière où personne ne partait en vacances en Amérique en 1970. À mon retour, le quotidien local le « Républicain Lorrain » m’a mis en photo dans le journal, habillé de la veste à franges et des mocassins sioux, ramenés de mon séjour chez l’oncle Sam, que je promenais tous les jours dans les rues de la ville…
 
« 13 000 km d’auto-stop à travers les USA avec 90 dollars en poche », titrait l’article ; le journal m’a demandé de raconter mon périple. Chaque jour je passais une heure à l’agence. Une secrétaire, Mme Dowkiw, tapait à la machine des notes que je devais rédiger et lui lire.
 
J’ai retrouvé ces feuillets jaunis jamais publiés… Je les ai relus sans les modifier et j’ai ajouté en italique des commentaires actualisés.
 
 
 
Chapitre 1. Dans les starting-blocks
 
 
 
Jeudi 9 juillet 1970
5 h 30 du matin. Longwy n’est pas encore éveillé. Nous quittons notre bonne ville sur la pointe des pieds, sans être vus, comme des malfaiteurs. Les aventuriers vivent toujours un peu en marge des lois et c’est bien une aventure que nous sommes décidés à vivre pendant cinq semaines.
Longwy Haut, Longwy Bas, tout est calme. Pas de voiture sur le pont supérieur, c’est un spectacle rare, et pourtant je suis tout de même longovicien depuis vingt ans.
 
La route nationale qui mène à Metz. Cette fois, c’est vraiment parti !
 
Les yeux à demi clos, je me laisse bercer par le ronron du moteur. Je devine le paysage sans même regarder par la vitre. Je le connais par cœur. Combien de fois ai-je pris cette route en bus avec le club, ou bien en voiture cette année, pour aller m’enfermer dans ce damné bahut messin ?
 
Non, il ne faut plus que je pense à l’année P1. Le cauchemar est terminé. Et puis, j’ai été admis à la première partie du CAPEPS, alors tout devrait être pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles, comme le disait Maître Pangloss à Candide.
 
Pourtant je ne peux m’empêcher de penser à mes quatorze camarades de promotion qui sont restés sur le carreau. Ils avaient pourtant bossé toute l’année, jour et nuit, le samedi, le dimanche, à Noël et à Pâques, comme moi, comme les vingt autres internes de cette classe préparatoire. Ce n’est vraiment pas juste. On se fout de nous parce que nous sommes trop sages… Mai 68 est déjà loin… La violence, toujours la violence, pour se faire entendre. Est-ce juste ? Non, sans doute, mais, dans ce monde à l’envers, ce qui est injuste devient juste. La justice, la moralité ont fait place à l’efficacité. Pourquoi faut-il que la violence soit l’unique moyen de se faire entendre ?
Un patron qui pousse les cadences, délocalise, ne laisse à ses employés que le choix entre le chômage et la misère, cela ne se nomme pas violence ?
 
Un État qui envoie sa jeunesse se faire massacrer à la guerre, ou bien colonise, pille les ressources puis étrangle sous une dette usurière les pays corrompus par des dictateurs qu’il a mis en place, cela ne se nomme pas violence ?
La violence ne désigne que la légitime défense de ceux qui, privés de pain, envoient des pavés aux CRS embrigadés par ceux qui surconsomment de la brioche…
 
Nous voici sur l’autoroute, j’ai stoppé là hier après-midi, une heure et demie d’attente. Sourire. Combien de temps attendrons-nous là-bas ?
Nous voilà arrivés à Metz. J’aperçois les échangeurs à l’américaine, pensais-je, ridicule. La route de Strasbourg. Non, tu ne vas plus au Lycée Schumann…
 
OUF !
 
La gare SNCF.
 
Imposante et noire.
 
Pas encore éclairée par les lampadaires de Philippe Starck .
 
C’est la première étape. Les adieux. Les dernières recommandations. Ras le bol, mais il faut faire semblant d’écouter.
 
7 heures : c’est l’heure du rassemblement.
 
— Francis, regarde le grand blond près du kiosque avec sa gueule de touriste, je parie qu’il fait partie du groupe. Allons voir.
— Club anglais de Strasbourg ? Voyage aux USA ?
— Oui, vous aussi ?
 
Ce sont les seules paroles que nous échangeons avec notre premier compagnon de voyage. Ensuite c’est la routine de tous les voyages organisés : les impératifs horaires, la distribution des billets, etc.
 
Vivement New York, que nous quittions le groupe.
 
Gare de Nancy, tout le monde descend. Changement de train. Je n’entends pas. Je suis plongé dans  L’Équipe , lisant et relisant les exploits des athlètes français. Je revois l’écran TV. C’était hier. J’ai encore du mal à y croire, ce n’est pas possible. Comment les petits Français ont-ils pu devancer les dieux du stade noirs américains ? La dernière ligne droite de J-C Nallet dans le 400 haies. 48.6 à son troisième essai sur la distance. Fabuleux…
 
Je ne deviendrai recordman de Lorraine du 400 plat, sans obstacle pour me ralentir, en 48.6, que deux ans plus tard, en 1972.
 
L’ex-junior d’Ambérieu, prodige du 400 mètres, a réalisé une performance qui semblait impossible en France, et cela, à sa troisième course sur une distance nouvelle pour lui, devant le meilleur Américain, Ralph Mann, c’est-à-dire le meilleur mondial, avec le champion olympique anglais David Hemery.
 
Comment deviner dans l’euphorie générale que le grand Jean-Claude, désigné « champion des champions » par l’Équipe en fin d’année, ne renouvellera JAMAIS cette performance de néophyte, malgré des années de perfectionnement de son talent de hurdler ?
 
Dire que ce soir nous serons dans l’avion et manquerons la deuxième journée de ce match historique.
 
Pour un peu, je resterais en France.
 
J’ai envie de courir, moi aussi. Je n’ai presque pas pu cette année. La France n’est pas l’Amérique, sport ou études, il faut choisir, en 1970. On ne peut pas faire les deux.
 
Sauf à pouvoir préparer le professorat d’éducation physique à l’Institut national des sports à Paris, et moi c’est à l’Institut régional à Nancy que je vais devoir passer trois années universitaires, tout en exerçant un emploi de surveillant pour financer mes études.
 
Donc j’ai sacrifié l’athlétisme de cette saison 1970. Enfermé nuit et jour de septembre à juin dans mon lycée, pour préparer la première année du professorat.
 
En ce temps-là, il y avait une sélection sévère pour entrer en classe préparatoire, après le bac ; j’avais dû passer deux années de suite un concours d’entrée PO pour être admis, avec entre les deux tentatives une année en fac d’anglais.
 
Au bout d’un an d’enfer, un second concours, P1, éliminait à tour de bras les candidats admis à P0. Ensuite un répit de trois années avant le concours de recrutement final.
 
Cette sélection avait l’avantage d’écarter rapidement ceux qui changeaient d’avis après un échec à P0 ou P1… Sur 1 500 étudiants qui, après avoir franchi ces deux obstacles, insistaient pendant trois années supplémentaires, un tiers était admis au premier essai de la seconde partie du CAPEPS, mais, pour les 1 000 autres, il était possible de repasser le même concours l’année suivante ou un autre concours, la maîtrise, qui permettait aussi d’accéder à la fonction d’enseignant EPS.
 
La politique de massification des effectifs de l’Éducation Nationale produisait alors des ouvertures de lycées et collèges qui offraient aussi aux recalés des deux concours des postes de maîtres auxiliaires.
 
Aujourd’hui il n’y a plus de sélection initiale, pour des bacheliers pourtant bien plus nombreux, puisque 80 % d’une classe d’âge obtient un des nombreux baccalauréats venus remplacer les trois qui étaient accessibles à 20 % de ma génération : les étudiants en éducation physique sont comme tous les autres étudiants formés à l’université, sans obligation absolue de pratiquer un sport à un bon niveau pour décrocher les licences, les masters et les doctorats en sciences et techniques des activités physiques et sportives ; les ballons sont devenus des référentiels bondissants et le multiballons permet à plusieurs joueurs de posséder, en même temps et sans lutte pour le conserver, cet objet du désir… qu’un seul joueur peut monopoliser en foot traditionnel…
 
Il n’y a plus d’essai mordu en saut en longueur, on recommande de mesurer le saut depuis une large zone d’impulsion et non depuis une planche étroite… car la confrontation à la brutalité du réel de la performance, les essais mordus, les notes, les classements, ne sont plus une évaluation qui sied aux maîtres-penseurs du pédagogisme didactique.
 
Quand on court un 500 mètres, l’important n’est plus de faire la course, d’aller plus vite que les autres ou que son meilleur temps, non, il faut faire plusieurs parcours à une allure « prédite » ; le respect de la prédiction, résultant de la mise en équation de l’effort, compte autant et plus que le courage et l’audace de s’affronter aux limites physiologiques et psychologiques, structurellement incertaines, de son record personnel ou de ceux des pairs.
 
Les profs ont tant de données à programmer, à relever, à évaluer, que le temps ou l’envie leur passe, de faire vibrer les émotions de l’alternative gagner – perdre, et de susciter le désir de s’aventurer dans l’espace

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