233
pages
Français
Ebooks
2020
Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne En savoir plus
Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement
Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement
233
pages
Français
Ebook
2020
Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne En savoir plus
Publié par
Date de parution
04 décembre 2020
Nombre de lectures
6
EAN13
9782760639966
Langue
Français
Poids de l'ouvrage
1 Mo
Publié par
Date de parution
04 décembre 2020
Nombre de lectures
6
EAN13
9782760639966
Langue
Français
Poids de l'ouvrage
1 Mo
L’ASIE DU SUD-EST À LA CROISÉE DES PUISSANCES
Sous la direction de Serge Granger et Dominique Caouette
Les Presses de l’Université de Montréal
L’émergence de l’Asie n’est plus un phénomène nouveau et le XXI e siècle semble résolument porter son attention vers ce continent. Ce déplacement fondamental de l’ordre mondial affecte notre façon de vivre et de penser la globalité. La collection Confluences asiatiques observe l’influence grandissante de l’Asie sur le monde. Elle regroupe des chercheurs de divers horizons qui étudient les fondements culturels et politiques des peuples asiatiques et leur capacité d’adaptation au changement.
Mise en pages: Yolande Martel ePub: Folio infographie Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada Granger, Serge, 1964-, auteur L’Asie du Sud-Est à la croisée des puissances / Serge Granger, Dominique Caouette. Comprend des références bibliographiques. Publié en formats imprimé(s) et électronique(s). ISBN 978-2-7606-3994-2 ISBN 978-2-7606-3995-9 (PDF) ISBN 978-2-7606-3996-6 (EPUB) 1. Asie du Sud-Est - Conditions économiques. 2. Asie du Sud-Est - Politique économique. 3. Asie du Sud-Est - Relations économiques extérieures. I. Caouette, Dominique, 1962-, auteur. II. Titre. III. Collection: Confluences asiatiques. HC441.G72 2019 338.959 C2018-942588-1 C2018-942589-x Dépôt légal: 1 er trimestre 2019 Bibliothèque et Archives nationales du Québec © Les Presses de l’Université de Montréal, 2019 Les Presses de l’Université de Montréal remercient de leur soutien financier le Conseil des arts du Canada et la Société de développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC).
Remerciements
Les directeurs remercient les collaborateurs et collaboratrices, la Fondation Asie-Pacifique et Fonds de recherche du Québec – Société et culture (FRQSC) qui ont financé une partie des recherches sur le multilatéralisme et la société civile en Asie du Sud-Est, ainsi que leurs assistants et collègues Isabelle Beaulieu, Denis Côté, Étienne Girouard, Adrian Vallat et Hoai An Tran. Ils remercient également le Centre d’études asiatiques de l’Université de Montréal, le vice-rectorat à la recherche et aux études supérieures et la Faculté des lettres et sciences humaines de l’Université de Sherbrooke de même que les assistants de recherche Catherine Viens, Geneviève De Breyne-Gagnon, Patrick Simard et Maxime Tessier.
Introduction
Dominique Caouette et Serge Granger
Les États-nations de l’Asie du Sud-Est forment un espace géopolitique relativement jeune, fruit de la fin de la Deuxième Guerre mondiale, de la décolonisation et des luttes nationalistes et révolutionnaires. Situés entre ces deux géants que représentent l’Inde et la Chine, les onze pays de la région (Myanmar, Laos, Cambodge, Vietnam, Thaïlande, Malaisie, Indonésie, Timor oriental, Singapour, Brunei et les Philippines) sont le produit d’histoires coloniales distinctes (France, Angleterre, Pays-Bas, Espagne et Portugal), sauf pour la Thaïlande qui n’a jamais officiellement été colonisée. Aujourd’hui, les pays de l’Asie du Sud-Est constituent un ensemble hétérogène de régimes politiques, d’économies, de sociétés multiethniques et de religions.
Plus populeuse que l’Europe et deux fois plus peuplée que les États-Unis, l’Asie du Sud-Est est un véritable carrefour de cultures, de commerce et de religions, et elle l’a été bien avant l’arrivée des puissances coloniales européennes au XV e siècle. Dès la fin du XIX e siècle, et surtout au début du XX e avec la formation des premiers mouvements nationalistes modernes, les luttes anticoloniales ont mené à des expériences politiques très différentes, allant de guerres révolutionnaires armées (Indonésie et Philippines) et socialistes (Laos, Cambodge et Vietnam) aux indépendances négociées avec la puissance coloniale (Malaisie, Singapour, Myanmar, Brunei). De plus, la région a connu une longue guerre «chaude» – celle du Vietnam –, et tout au long de la guerre froide, elle a été au cœur de conflits idéologiques et d’affrontements Est-Ouest et, plus tard, entre la Chine et l’Union soviétique. Aujourd’hui, certains politicologues affirment que la bipolarité attribuable à la rivalité sino-américaine est de retour, alors que d’autres discernent l’avènement d’une multipolarité incorporant de nouveaux joueurs, telles l’Inde et la Russie, et la présence continue du Japon.
En même temps, les situations politiques des onze États ont suivi des trajectoires quasi semblables, avec les effets de la colonisation et de la décolonisation, les défis de la croissance, la géopolitique de la guerre froide et la mise en place d’une organisation régionale commune, l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN). À partir des années 1980, et en particulier après la crise asiatique de 1997, on a vu converger les modèles de développement économique essentiellement axés sur les exportations et la libéralisation des marchés financiers avec, en tête de liste, les «tigres» asiatiques (Malaisie, Thaïlande, Indonésie et Philippines) qui ont rejoint Singapour, lui-même déjà engagé dans ce modèle depuis les années 1970 (et considéré comme un des quatre «dragons») avec la Corée du Sud, Taiwan et Hong Kong.
La centralité de l’Asie du Sud-Est
À la fin des années 1940, le psychosociologue Alex Bavelas a élaboré le concept de centralité. Selon lui, la qualité de la structure de la communication centralise la mise en place de buts communs atteignables lorsque les participants partagent un même discours et une même méthode de fonctionnement. L’ASEAN répond aux critères de base de la centralité que sont la proximité, la cohésion et l’intermédiarité. Même si l’Asie du Sud-Est est morcelée par quelques montagnes, presque tous ses pays jouissent d’un accès à la mer (sauf le Laos), ce qui favorise les échanges commerciaux et les regroupements stratégiques, malgré la pression exercée sur les relations maritimes des pays. Le processus décisionnel de l’ASEAN est fondé sur la consultation et le consensus et non sur la volonté de la majorité, car une décision majoritaire peut affecter les affaires internes des pays membres. Sur le plan de la cohésion, deux facteurs traduisent l’acceptation par l’ASEAN de l’intégration comme déterminant de son régionalisme. Le premier est la sécurité assurée par un consensus sur la stabilité régionale, qui présuppose la non-ingérence dans les affaires intérieures des pays voisins. Le second est l’ouverture au commerce mondial par l’intégration des chaînes de valeur au sein d’ententes de libre-échange, entreprise notamment durant les années 1990. Selon Eero Palmujoki, «[l]’intention de rassembler tous les pays de l’Asie du Sud-Est sous l’organisation de l’ASEAN était perçue comme cruciale pour l’identité régionale» 1 . Offrir un libre-échange dans la non-ingérence procure des ententes commerciales aux exigences très peu élevées, probablement appropriées pour un ensemble de pays relativement hétérogènes. Finalement, le fait que l’Asie du Sud-Est se spécialise dans les chaînes de valeur donne une fonction intermédiaire incontournable à toute production de biens émanant de la Chine, du Japon ou d’ailleurs en Asie. L’intermédiarité devient non seulement une nécessité, mais aussi une particularité partagée par l’ensemble des pays de l’Asie du Sud-Est.
Les puissances et la centralité de l’Asie du Sud-Est
Historiquement, on a longtemps considéré l’Asie du Sud-Est comme centrale aux affrontements entre les grandes puissances. Au XIX e siècle, les Anglais et les Français se faisaient concurrence pour y trouver des routes vers l’intérieur de la Chine, ce pour quoi l’Angleterre a colonisé la Birmanie (l’actuel Myanmar) et la France le Vietnam, le Laos et le Cambodge. Seule la Thaïlande, État tampon entre les colonies rivales, a échappé au colonialisme européen. En mer, les Hollandais «capturaient» ainsi l’Indonésie, les Anglais la Malaisie et Singapour, les Espagnols les Philippines et les Portugais le Timor. Le XX e siècle a vu apparaître les États-Unis qui se sont emparés des Philippines et qui ont férocement combattu toute avancée du communisme chinois en s’impliquant financièrement dans la guerre d’Indochine, mais surtout plus directement dans celle du Vietnam. Leur crainte du communisme, connue sous le nom de théorie des dominos, a même poussé les Américains à confronter les Chinois en Corée. Du milieu du XIX e siècle jusqu’à la fin de la guerre froide, la région a ainsi été frappée de plein fouet par l’affrontement des grandes puissances.
Mise sous pression par la montée rapide de la Chine, le déclin relatif des États-Unis, la réorientation du Japon et l’émergence de l’Inde, l’ASEAN doit trouver de nouveaux moyens pour faire face aux défis en matière de sécurité résultant de la redistribution du pouvoir en Asie. L’Inde, elle-même coincée entre les puissances américaine et chinoise du G2, réactive les attraits du non-alignement envers l’Asie du Sud-Est. «Ce que nous voyons ici est la conséquence inévitable de la distribution externe et interne changeante du pouvoir en Asie du Sud-Est. L’Inde, la plus faible des grandes puissances, a peut-être plus à gagner que quiconque avec une ASEAN forte et unie» 2 .
Au-delà des forces militaires, les ententes économiques jouent aussi un rôle de décentrage par l’application de normes concurrentes dans le commerce mondial. Initialement promu par les États-Unis, le Partenariat transpacifique (PTP) visait justement à éloigner les États de l’Asie du Sud-Est de la Chine en imposant des conditionnalités qui avantageaient les économies développées (Japon, États-Unis, Canada, etc.). Comme le faisait valoir le président américain Barack Obama, «[s]i nous n’imposons pas les règles, la Chine les écrira à notre place dans la région. Nous serons alors exclus» 3 . Depuis la Deu