Les Fonds de pension
125 pages
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Les Fonds de pension , livre ebook

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Description

Comment financer les retraites ?Le système par répartition suffira-t-il ? Les générations actives pourront-elles payer les retraites des générations nombreuses qui les ont précédées ?Ne faudra-t-il pas introduire un système par capitalisation pour protéger le niveau de vie des futurs retraités ?Sabine Montagne montre ici les difficultés, notamment juridiques, qui font obstacle à l’introduction en France des fonds de pension à l’anglo-saxonne. Un livre de référence sur une question toujours plus actuelle. Sabine Montagne, économiste, est chercheur CNRS à l’Institut de recherche interdisciplinaire en socio-économie de l’université Paris-Dauphine.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 09 novembre 2006
Nombre de lectures 1
EAN13 9782738188632
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,1250€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© O DILE J ACOB, NOVEMBRE  2006
15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
EAN 978-2-7381-8863-2
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo
Pour Jacques et Louis
Introduction

Les réformes récentes des systèmes de retraite européens ont largement pris pour référence le système américain. Le principe du partage du financement entre, d’une part, le régime public fédéral et, d’autre part, un complément privé sous la forme des fonds de pension a constitué l’objectif des réformateurs européens au cours de la phase d’euphorie boursière de la décennie 1990. Après la chute boursière de 2001, la prétention à faire modèle en Europe n’a pas été réellement remise en question en dépit d’une succession de déconvenues sociales et économiques aux États-Unis. Plus encore, le modèle continue à s’insinuer dans la configuration institutionnelle des pays de l’Europe continentale.
Ce livre est une enquête sur le pouvoir de séduction de ce modèle des fonds de pension. Car il s’agit bien d’explorer désormais ce registre symbolique pour comprendre la diffusion de ces dispositifs puisque les autres registres se sont avérés peu concluants à démontrer leur avantage. Rappelons brièvement les principaux éléments des débats qui ont présidé aux réformes en Europe et aux États-Unis.
Les régimes publics de retraite et plus généralement les systèmes nationaux de protection sociale, hérités de l’après-Seconde Guerre mondiale, ont été progressivement mis en cause dans les décennies 1980-1990, dans l’ensemble des pays industrialisés. Ces systèmes reposent sur le principe d’une redistribution quasi immédiate des prélèvements effectués sur les revenus des actifs vers les inactifs. Ce principe est appelé « répartition ». Confronté simultanément à la baisse relative des prélèvements (imputable au chômage) et à la hausse relative des prestations (imputable à la démographie du baby boom et à l’augmentation de l’espérance de vie), ce système exige une réforme pour passer le cap de ce nouveau régime macroéconomique caractérisé par une croissance économique lente et une bosse démographique.
Durant cette période, ces caractéristiques qui menacent la viabilité des régimes par répartition provoquent simultanément l’essor du marché financier. Ayant bénéficié des conditions macroéconomiques favorables propres aux Trente Glorieuses (faible inflation et plein emploi), la génération du baby boom dispose désormais d’un patrimoine financier qui attire les intermédiaires financiers jusqu’alors orientés vers la gestion de fortune. S’ajoute à ces cohortes importantes de quinqua et sexagénaires une population plus jeune mais aisée qui profite du nouveau rapport salarial des années 1980 : le chômage en Europe ou les bas salaires aux États-Unis ont creusé des inégalités de revenus considérables, inconnues depuis l’après-guerre, et la fraction de la jeune population active qui bénéficie de hauts revenus salariaux dispose d’excédents financiers à la recherche de placements.
De la conjonction de ces deux mouvements naît la problématique qui va animer le débat scientifique comme politique des années 1990 : différents acteurs proposent d’utiliser la nouvelle vigueur du marché financier de la gestion collective pour compléter les prestations de retraite des régimes publics par répartition. Le projet est de remédier à la baisse annoncée des revenus de la Sécurité Sociale par la constitution d’un capital privé, sur l’exemple des fonds de pension anglo-américains. Ce principe d’épargne est appelé « capitalisation ».
Du point de vue de la théorie économique, il est acquis que les deux formules, répartition ou capitalisation, ne résolvent pas le problème posé par la démographie et conduisent à des taux de rendement des cotisations identiques 1 . Du point de vue de la macroéconomie institutionnelle qui considère le régime de retraite comme l’un des paramètres de la dynamique économique, les deux formules sont probablement associées à des régimes de croissance différents, qualifiés respectivement de fordiste et financiarisé. La viabilité du régime financiarisé fondé sur la capitalisation n’est toutefois pas assurée par la théorie 2 . Ce n’est finalement que d’un point de vue politique que la formule par capitalisation apparaît avantageuse : placés devant l’impératif d’une réforme, les hommes politiques et leurs experts estiment plus aisé de convaincre leurs concitoyens d’épargner plus que de cotiser plus. L’option qui consiste à réformer l’ancien régime par répartition en augmentant les taux de cotisation sur les salaires n’est pas retenue. L’augmentation des prélèvements se fera pourtant bien puisqu’il le faut nécessairement. Mais par une voie jugée plus indolore : celle de l’épargne financière individualisée dans des comptes privés, largement laissée aux initiatives des salariés. Cette voie présente surtout l’avantage d’être supportée par des groupes d’intérêts ou des alliances objectives temporaires qui peuvent concrètement la mettre en place, à partir de l’exemple américain : acteurs financiers, employeurs et syndicats.
En effet, passer du principe de la capitalisation à sa réalisation, c’est-à-dire à la production effective de prestations de retraite, suppose de disposer d’une véritable industrie, à l’image de la pension industry américaine. Cette dernière s’est construite au cours du XX e  siècle, par étapes successives, et constitue aujourd’hui un secteur opérationnel doté de principes organisationnels et juridiques. Relayée par les organismes internationaux tels que la Banque Mondiale et le FMI, elle est capable de « faire modèle » et de s’exporter vers les pays émergents dans les années 1980 (Amérique latine et Europe de l’Est). Au niveau de l’Union Européenne, la construction d’un marché financier européen intégré n’échappe pas à cette influence. L’exemple américain fournit la référence qui sert de cible institutionnelle aux directives communautaires qui y puisent leurs principaux concepts organisationnels et catégories juridiques. Ainsi la directive européenne sur les fonds de pension de 2003 a fini par trancher le désaccord qui existait entre les pays membres au sujet de la notion de prudence d’investissement en adoptant la règle de prudence d’investissement anglo-américaine dite Prudent Person rule . De même, les travaux de la Commission Européenne sur la gestion collective de l’épargne (directive OPCVM) s’appuient-ils largement sur les concepts d’« architecture ouverte » et de responsabilité fiduciaire propres à la culture anglo-américaine.
Cette pénétration du modèle américain mérite donc qu’on s’attarde sur son fonctionnement au sein de son propre territoire, les États-Unis, dans l’objectif d’en évaluer la capacité à remplir la fonction qui lui est assignée : la production de prestations de retraite. Or l’histoire économique américaine révèle un paradoxe : le succès de ces dispositifs de retraite professionnelle par capitalisation, autrement dit les fonds de pension, dans l’immédiat après-Seconde Guerre mondiale puis dans les années 1980, est moins le produit de mécanismes socio-économiques qui auraient sélectionné la solution institutionnelle optimale qu’un héritage bricolé à défaut de mieux, dans un pays qui, pour des raisons politiques, n’est pas parvenu à instaurer un régime public de sécurité sociale par répartition suffisant 3 . Dans ce contexte, les fonds de pension d’entreprise se sont développés comme complément de retraite, offerts par les grandes entreprises désireuses de s’attacher leur main-d’œuvre. À partir des années 1970, les transformations du rapport salarial américain ont conduit les employeurs à revoir complètement leur politique de gestion des ressources humaines, notamment en limitant drastiquement leurs engagements juridiques comme financiers à l’égard des fonds de pension. Les salariés les plus aisés ont cependant pu continuer à fournir l’effort d’épargne nécessaire.
L’euphorie boursière de la fin de la décennie 1990 masque les problèmes structurels posés par ce mode de financement de la retraite et donne l’impression aux réformateurs américains et européens d’avoir trouvé une solution qui convient à tout le monde : les employeurs qui ne s’engagent plus sur un niveau de prestation retraite et/ou ne sont pas contraints de cotiser ; les salariés qui voient leur capital grossir par le simple effet de la hausse du prix des actions. En 2001, l’éclatement de la bulle remet brutalement les pendules à l’heure. Des salariés américains sont obligés de différer leur date de départ en retraite du fait de la baisse de valeur de leur portefeuille. Une double série de scandales éclate du côté des entreprises (Enron, Worldcom, etc.) puis du côté des intermédiaires financiers (scandales des mutual funds en 2003) qui ébranle les principes de fonctionnement de l’industrie financière, tant en interne qu’avec les entreprises. Enfin, certaines grandes entreprises déclarent ne plus pouvoir payer les retraites de leurs salariés (US Airways) et créent ainsi le précédent qui permet aux employeurs de clore définitivement les fonds de pension traditionnels, forme la plus protectrice pour les salariés.
Éléments d’une crise économico-institutionnelle majeure, ces événements n’ont cependant pas sensiblement modifié la perception européenne à l’égard de ces dispositifs et de l’industrie financière en

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