La Chine et le Luxe
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La Chine et le Luxe , livre ebook

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Description

Voici une véritable histoire de la Chine des temps ancestraux à la modernité la plus actuelle, à travers les représentations et la pratique du luxe. Pourquoi le jade incarne-t-il le luxe éternel pour les Chinois ? Que révèle l’art de vivre du lettré ? Qu’évoquent les « pieds bandés » ? Que dévoilent la robe fendue et les talons hauts de la Shanghaienne des années 1930 ? Comment expliquer le succès des grands centres commerciaux à Hong Kong dans les années 1980-1990 et désormais à Shanghai ? Que préfigurent le renouveau des maisons de thé à l’ancienne, le réenchantement de l’âge d’or de Shanghai ou l’intérêt pour les antiquités chinoises ?À travers ces exemples phares, c’est la société chinoise dans son évolution et ses tendances qui est explorée. Entre histoire de la culture et état des lieux des modes et des tendances, ce livre est aussi un révélateur des ambitions de la Chine actuelle et de ses rapports avec l’Occident. Après le travail et la productivité, le luxe sera-t-il le prochain territoire qu’elle entend dominer ?Docteur de l’université Paris-Sorbonne (Paris-IV), Jacqueline Tsai est responsable études et veille économique chez Louis Vuitton.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 05 juin 2008
Nombre de lectures 2
EAN13 9782738193018
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0900€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Ouvrage publié avec la participation de l’université Paris-Sorbonne (Paris-IV).
AVERTISSEMENT SUR LA TRANSCRIPTION PHONÉTIQUE Nous employons la transcription dite « pinyin », adoptée en république populaire de Chine depuis 1958 et qu’utilisent de plus en plus les travaux de sinologues. Nous n’y ferons exception que dans quelques cas de noms propres consacrés par l’usage : Pékin, Nankin, Sun Yat-sen, Chiang Kai-shek… La traduction des textes en anglais a été réalisée par O. Bernal. Avec le concours de l’équipe de recherche « Cultures anglophones et technologies de l’information », de l’école doctorale « Civilisations, cultures, littératures et sociétés », et du Conseil scientifique de l’université de Paris-Sorbonne (Paris-IV).
© ODILE JACOB, JUIN 2008
15, RUE SOUFFLOT, 75005 PARIS
www.odilejacob.fr
EAN : 978-2-7381-9301-8
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo
À la mémoire de Liu Yuchu, Perle de Jade, et de Dounia Barnett.
Le paradoxe chinois

Au XVII e  siècle, les « chinoiseries » s’étaient peu à peu infiltrées dans la vie des Européens jusqu’à devenir l’objet de luxe par excellence : objets rares, soieries, porcelaines… La Chine était alors « centrale » : son rayonnement notamment à travers le luxe ou son imitation en Occident témoignait de sa grandeur et de la fascination qu’elle exerçait sur les Occidentaux. Avec l’affaiblissement de la Chine à partir de la dernière partie du XIX e  siècle jusqu’à la Première République chinoise (1911) puis l’avènement du pouvoir communiste (1949), la vision d’une Chine forte fit place à celle d’une Chine arriérée semi-colonisée puis refermée sur l’utopie maoïste. À la fin du XX e  siècle, évoquer un luxe chinois en Occident peut sembler paradoxal.
Difficile de considérer la Chine comme le nouvel eldorado du luxe quand le salaire moyen mensuel d’un ouvrier chinois est de 1 300 à 2 000 yuans dans les grandes villes – Pékin, Shanghai, Canton – en 2000 (environ 170 à 200 euros 1 ). Par ailleurs, selon le World Wealth Report d’avril 2004 qui fait l’état des lieux de la richesse dans le monde 2 , la Chine continentale compte 236 000 millionnaires en dollars et Hong Kong 46 000. Comment ignorer les vagues de nouveaux touristes chinois qui déferlent dans les plus grandes villes du monde et deviennent les premiers clients des grands magasins, à l’identique des Japonais dans les années 1980 et 1990 ? Les indicateurs macroéconomiques masquent de fortes inégalités et sont loin de refléter le potentiel chinois pour le marché du luxe. En adoptant l’approche de parité de pouvoir d’achat, le PIB par habitant n’atteint que 4 699 dollars américains (4 970 euros) en 2002 3 , alors que la consommation privée par habitant avoisine les 454 dollars américains (480 euros), soit quasiment le prix de base d’un sac de ville Louis Vuitton ou d’une paire de chaussures Prada. Le pouvoir d’achat en Chine est 29 fois inférieur à la consommation privée par habitant à Hong Kong (13 350 dollars américains en 2002, soit 14 120 euros 4 ).
Difficile de définir la place du luxe en Chine après quasiment trente ans de communisme-socialisme, associé en Occident à la « veste Mao », symbole du « Nouvel Homme » révolutionnaire désintéressé et tourné vers le bien public. Le dépouillement vestimentaire, désigné par l’expression chinoise pusu ou simplicité, figurait la refonte des âmes et de l’esprit au marxisme-léninisme. La vision d’une Chine transformée en une armée vêtue d’uniformes bleus reflète la culture visuelle communiste qui se fondait sur la conformité comme matérialisation de l’abolition des classes sociales et des inégalités. De 1949 jusqu’à la fin des années 1970, l’État-Parti unique a condamné toute préoccupation centrée sur l’individualité considérée comme « bourgeoise » et a prôné le culte du sacrifice de soi au nom de la collectivité et de l’idéal révolutionnaire. Faire abstraction de soi était signe de pureté « spirituelle », de modestie et d’anonymat face à la construction communiste. Aux exemples de frugalité et de vie morale de la période maoïste largement diffusés autrefois à travers la propagande ont succédé les scandales de corruption et de consommation ostentatoire. Mettant en scène les biens matériels, la publicité constitue la vitrine de la nouvelle idéologie de consommation. L’inflation de termes connotant l’« aristocratie » ( guizu ) et la modernité ( xiandaihua ) témoigne des modèles des temps nouveaux : le « lait de la marque Prince », les appartements sont de « caractère noble » ( gaoshang ), de « style impérial », on trouve des boissons de la marque « Dynastie », les produits sont « luxueux » ( gaoji ) ou de « haut rang (dignitaire) » ( gaodang ), les robes de mariée sont « sophistiquées » ( jiangjiu )…
Difficile de comprendre le « socialisme aux couleurs chinoises », dernière tentative initiée par Deng Xiaoping en 1978 pour moderniser la Chine, c’est-à-dire lui rendre richesse et puissance ( fuqiang ). Dans cette « économie de marché socialiste », reposant conjointement sur le capitalisme et le socialisme, l’industrialisation rapide et l’essor économique s’appuient souvent sur des techniques capitalistes. L’importance et la vitesse du recentrage du système de valeurs autour de l’argent, l’alliance entre le politique et le marchand, sont surprenantes. Autrefois bannie et opposée à la production, la consommation est désormais encouragée et devient un moteur de croissance économique. D’une gratification idéologique éloignée dans le temps, l’accent a été mis sur les récompenses matérielles dans le présent. L’abondance est mesurée par la progression des revenus, la diversité des marchandises et la capacité à consommer. Pour la plupart des gens, la « réforme et la politique de l’Ouverture » ( gaige kaifang ) signifient avant tout l’accès à de nouveaux biens de consommation, notamment les produits de luxe occidentaux. Dans les sociétés modernes, le mythe du Bonheur est lié au mythe de l’égalité.
Le Bonheur indépendant des signes extérieurs, sans preuve matérielle, est exclu de l’idéal de consommation. Les sociétés communistes parlent elles-mêmes d’équilibre, de besoins sociaux « naturels » et « harmonisés ». L’objectif final est le même : l’abondance pour tous. Pour la société capitaliste, les objets deviennent des signes d’appartenance à une classe. En Chine, à partir de l’Ouverture, la « Révolution du Bien-Être 5  » prend la relève de la révolution sociale et politique. Chacun a droit au Bonheur. Le principe égalitaire est substitué par une égalité permettant d’entrer dans la course effrénée aux objets et autres signes évidents de la réussite sociale. Les contours des groupes sociaux en cours de formation sont flous et mobiles. Ils se définissent par leur accès à certains types de produits. La presse parle de « strate disposant » de téléphones portables, de voitures, des « produits de luxe de renommée mondiale »…
Difficile de comprendre l’émergence de nouveaux riches et d’un marché du luxe prônant la souveraineté de l’individu dans un système associant l’économie de marché à un Parti-État unique centralisé. Traditionnellement, la classe des nouveaux riches émerge dans un environnement de libre marché et dans des pays où la légitimité politique repose principalement sur la notion de démocratie libérale. À nouveau, le cas chinois frappe par sa figure atypique. Face au caractère exotique et prometteur de la Chine, on oublie vite Hong Kong, l’« Autre Chine », longtemps opposée au continent en tant qu’incarnation du laisser-faire économique le plus exacerbé. Si le libéralisme économique du gouvernement colonial britannique a pu constituer le socle de son miracle économique, Hong Kong a été un territoire sans vie politique, faute de mécanisme de représentation jusqu’en 1982. Le mode de gouvernement paternaliste depuis la Grande-Bretagne n’a pas empêché l’île de devenir le premier marché du luxe en Asie (hors Japon) dans les années 1980 et 1990. Le cas du luxe chinois pris dans son ensemble est donc exceptionnel. Ce paradoxe, aux yeux des Occidentaux, constitue en fait un particularisme chinois. L’individu est toujours défini par rapport à l’ordre politique et social imposé par l’État. La forte concentration du pouvoir politique caractérise les institutions chinoises politiques depuis l’Antiquité. Nouvelle valeur promue par Deng Xiaoping et moteur de l’Ouverture, le pragmatisme sépare officiellement l’idéologique de la pratique politique, et le politique de l’économique. Ce changement légitime le recours aux procédés capitalistes mais ne signifie pas la constitution d’une société civile moderne hors du pouvoir. En quête de modernité, la Chine en transition tente de trouver une nouvelle voie et apparaît comme un cas particulier de développement.
Enfin, moins visible et moins médiatisée, mais plus proche de notre quotidien, comment interpréter l’orientalisation croissante des formes de consommation en Occident au début du XXI e  siècle ? Que révèlent l’attrait pour les objets de décoration évoquant l’âge d’or de Shanghai ou encore le succès de la robe chinoise fendue sur les côtés appelée qipao , vêtement mythique de cette période ? Que manifeste le retour des produits naturels, des thés aux herbes et des médecines douces proches de la médecine et de la pharmacopée chinoises ?
Si le regard de l’Occident sur la Chine a changé a

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