L accès aux soins de santé
276 pages
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Description

« Ce livre est à ce jour le meilleur corpus de connaissances sur les enjeux des barrières financières à l’accès aux soins. Il résume excellemment les stratégies fondées sur l’équité qui lèvent ces barrières. » Nicolas Meda, médecin, enseignant-chercheur, Burkina Faso
« Valéry Ridde sait conjuguer avec pertinence analyse quantitative et recours qualitatif, santé publique et anthropologie de la santé, recherche fondamentale et recherche-action. »
Jean-Pierre Olivier de Sardan, directeur d’études à l’EHESS, directeur de recherche émérite au CNRS, chercheur au LASDEL
« Le travail de Valéry Ridde est caractérisé par une grande rigueur méthodologique, une attention particulière pour la recherche de solutions opérationnelles, mais aussi, et peut-être surtout, par une attitude empathique et respectueuse vis-à-vis les pauvres et exclus sociaux des sociétés africaines. »
Bart Criel, professeur de santé publique, Département de santé publique, Institut de médecine tropicale, Belgique
« En réunissant ces documents en un seul volume, l’auteur rend un fier service aux concepteurs de politiques publiques, aux administrateurs et aux chercheurs. Il était vital que ce matériel soit à leur disposition pour l’élaboration de nouvelles politiques. »
Lucy Gilson, University of Cape Town, London School of Hygiene and Tropical Medicine

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 10 avril 2012
Nombre de lectures 17
EAN13 9782760627543
Langue Français
Poids de l'ouvrage 4 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Valéry Ridde
L’ACCÉS AUX SOINS DE SANTÉ EN AFRIQUE DE L’OUEST
Au-delà des idéologies et des idées reçus
Les Presses de l'Université de Montréal
INTRODUCTION S'éloigner des idées reçues
Lorsque j’étais jeune et naïf, je croyais que les gens sérieux prenaient leurs décisions en considérant attentivement les différentes options qui s’offraient à eux. À présent, j’en sais plus. La majorité de ce que croient les gens sérieux est basée sur des présupposés, et non sur des analyses. Et ces présupposés sont influencés par la mode.

Paul Krugman, prix Nobel d’économie, The New York Times , 1er juillet 2010


Au moment où je termine de rassembler les résultats des recherches sur le financement de la santé dans quelques pays d’Afrique de l’Ouest présentées dans cet ouvrage, plusieurs phrases entendues ou lues récemment viennent contrecarrer cette volonté de rester au niveau des faits, pour nous emmener vers des idées reçues. Je reviendrai plus loin sur celles-ci, mais il me semble utile d’en soulever, d’emblée, deux qui témoignent largement de certaines idéologies encore bien présentes dans le domaine : « Il n’y a pas de problème d’accès » (affirmation faite à la fin de 2010 par un fonctionnaire du Fonds des Nations unies pour la population basé à Dakar) et « aucune étude ne montre dans quelle mesure le recouvrement des coûts constituerait un obstacle à la fréquentation des formations sanitaires » (écrit par un professeur d’économie de la santé dans un rapport de 2009). Cette dérive n’est pas nouvelle, ni en ce qui concerne ce que certains pensent de l’Afrique, ni en ce qui a trait à ce que d’autres croient de la santé publique. Il n’y a qu’à se souvenir des théories sur l’origine du VIH/ sida dans les années 1980, de l’utilisation du concept de race dans le système de santé publique aux États-Unis 1 ou encore, plus récemment, de la façon dont on a traité du réchauffement de la planète dans les médias.
Il semble que ces débats empreints d’idées reçues et d’idéologie soient particulièrement prégnants au sujet d’une modalité de paiement spécifique dans le domaine de la santé, soit ce que l’on nomme le paiement direct : le fait que le patient doit payer (le professionnel de la santé, les médicaments, etc.) au point de service où il se rend pour obtenir des soins. Le sujet est si sensible que même l’Organisation mondiale de la santé usait dans son rapport annuel de 2008 (voir le chapitre 5) d’un discours quasi religieux : « il faut résister à la tentation de compter sur le paiement direct » (2008, p. 26). Avant de revenir sur ces idées surprenantes, il me faut insister sur le fait qu’elles ne se cantonnent pas au continent africain. Au début des années 1990, de célèbres et brillants économistes de la santé au Canada avaient éprouvé le besoin d’écrire un texte dont le titre était évocateur de ce mouvement qui s’éloigne des données probantes : « le paiement direct au point de service : pourquoi une mauvaise idée refait encore surface ? » (Evans et al. 1993). Cela n’a pas empêché que Le Devoir publie le 18 mai 2006 le texte suivant :
De façon périodique, l’idée d’imposer des frais modérateurs, communément appelés « ticket modérateur », pour financer le système de santé revient hanter la scène politique québécoise. Cette fois-ci, c’est au ministre fondateur de notre régime public universel, Claude Castonguay, qu’on doit le retour de cette proposition qu’on croyait oubliée. (Sansfaçon 2006)
C’est dans cette mouvance que l’on publiera par la suite au Québec un livre qui tentera de rétablir les faits et de discuter de cette perception du financement de la santé (Béland et al. 2008). Le présent ouvrage n’a pas cette ambition, et il reste certainement encore du travail à faire pour tenter de comprendre pourquoi, en Afrique aussi, ces idées reçues perdurent et reviennent nous hanter, pour reprendre les mots du journaliste du Devoir . L’objectif de ce livre est plus modeste et vise à présenter, en les regroupant, mes travaux empiriques récents portant sur le financement de la santé en Afrique de l’Ouest ou, plus exactement, sur les modalités opérationnelles qui pourraient faire de l’accès financier aux soins de santé une réalité pour le plus grand nombre.
Ce livre s’éloigne des idées reçues et se concentre sur le partage de faits mis au jour par les recherches scientifiques entreprises au cours de ces dernières années avec de nombreux collègues africains, canadiens ou européens. Il ne s’agit pas ici de revenir sur les éléments empiriques abordés dans un ouvrage précédent, dont l’objectif était de comprendre la rareté des acteurs en santé publique au Burkina Faso intéressés par l’amélioration de l’équité d’accès aux soins (Ridde 2007). Ainsi, dans ce nouvel ouvrage, il est donc moins question de comprendre l’inaction 2 (cependant traitée au chapitre 15 pour la question de l’accès aux soins des indigents) que d’analyser les retombées de certaines interventions visant à améliorer l’accès financier aux soins de santé. Ce que je cherche à partager ici, ce sont des faits, que chacune et chacun pourront apprécier à leur juste valeur, et dont ils pourront se servir pour mettre en perspective ces fameuses idées reçues sur le paiement direct des soins de santé. Car de Dakar à Niamey, en passant par Ouagadougou, ces idées reçues fusent, surtout lorsque l’on évoque la suppression du paiement au point de service. Depuis quelque temps, j’ai même décidé de bannir de mon vocabulaire la notion de « gratuité des soins », car même si l’on prend le temps d’en expliquer les contours, peu de personnes semblent vouloir les appréhender et nombreux sont ceux qui rattachent cette notion à de multiples idées reçues.
Les contours de cette notion sont que le terme de gratuité des soins est un raccourci sémantique et émique reprenant largement le discours des acteurs du terrain pour évoquer le fait que demander au patient de payer lorsqu’il se rend dans une formation sanitaire constitue la modalité de financement la plus injuste et la moins efficace pour les systèmes de santé. Il faut donc exempter le patient du paiement au point de service et trouver une autre manière de financer le système de santé, puisque ce paiement ne permet de financer qu’une infime partie des coûts du système. Tel que nous le verrons dans les chapitres suivants, la plupart des agences internationales et de nombreux chefs d’État ont maintenant déclaré l’importance de supprimer ce paiement direct au point de service, que ce soit l’OMS, l’Union africaine ou l’Union européenne.
Mais les idées reçues perdurent et elles ne sont l’apanage ni des professeurs d’université, ni des paysans, ni des gestionnaires des systèmes de santé. Elles naviguent dans toutes les sphères de la société, de l’Afrique à l’Europe. Pour illustrer cette situation, je veux ici évoquer cinq réactions entendues ou lues récemment afin, non pas de stigmatiser ces personnes que je ne nommerai pas, mais de montrer combien le discours des données probantes et des politiques publiques fondées sur des preuves ( evidence based policy making ) est encore loin d’être présent dans tous les esprits.
Lors d’un colloque international sur la mortalité maternelle en Afrique organisé en 2010, un expert européen du Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP) affirme qu’« il n’y a pas de problème d’accès », alors même que je présente mes travaux sur l’accès aux soins des indigents (chapitres 12 à 15) et des femmes enceintes (chapitres 7 et 8). Dans une conférence organisée à Paris sur la gynécologie, un clinicien, dont la présentation ne repose sur aucune étude scientifique, se demande « comment réduire la croissance démographique galopante du Burkina alors que les accouchements sont gratuits». Lors d’une réunion avec deux chercheurs en démographie basés en Afrique, j’entends ces derniers affirmer que toutes les femmes sont en mesure de payer un accouchement si le prix demandé n’est que de 900 FCFA 3 (2$), même les plus pauvres. Un consultant de la Banque mondiale, ancien professeur d’économie de la santé, note dans un rapport que le gouvernement du pays d’Afrique de l’Ouest concerné finira par refuser, qu’« aucune étude ne montre dans quelle mesure le recouvrement des coûts constituerait un obstacle à la fréquentation des formations sanitaires ». Enfin, dans un document interne d’un ministère de la Santé d’Afrique de l’Ouest, les responsables d’une direction centrale affirment que « bien que la gratuité favorise l’utilisation des services, elle contribue à déresponsabiliser les populations face à leur santé ». Cette perspective fait écho à une conclusion du clinicien cité plus haut qui termine sa présentation à Paris en faisant la « promotion de la parenté responsable »...
Nous pourrions multiplier les exemples à l’infini, mais ce n’est pas l’objectif. Ces cinq exemples, représentatifs de l’idéologie et émanant de personnes provenant de multiples horizons, et se réclamant souvent du monde scientifique, visent simplement à montrer combien perdurent les idées reçues sur l’exemption du paiement des soins. Car il est inutile ici de revenir sur les points abordés par ces personnes et de fournir des arguments scientifiques : toute personne au fait des connaissances sur ce sujet aura facilement compris que nous sommes dans le registre des idées reçues et non des données probantes.
Cet ouvrage cherche donc à regrouper plusieurs chapitres visant à partager des connaissances contemporaines sur les stratégies favorisant l’accès financier aux soins de santé, notamment l’exemption du paiement des soins pour les populations les plus vulnérables. Il ne cherche pas à répondre aux cinq idées reçues que je viens d’évoquer, car les écrits scientifiques, certains mêmes très anciens, sont largement disponibles pour les battre en brèche. Nous les avons essentiellement convoquées pour montrer l’orientation factuelle que nous souhaitons donner au présent ouvrage. Car il est aussi intéressant de noter que, puisque je travaillais sur un sujet

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