À quoi servent les cadres ?
89 pages
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À quoi servent les cadres ? , livre ebook

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Description

Après les « Trente Glorieuses », symbole de l’apogée des cadres, « Trente Financières » avec leur cortège de bouleversements managériaux : renforcement des procédures de contrôle, développement des organigrammes plats, priorité donnée au client et à la « réactivité », etc. Autant d’évolutions qui ont largement remis en cause le rôle des cadres : alors qu’ils se percevaient comme les lieutenants du patronat, ils se sentent aujourd’hui noyés dans la grande machine productive. Alors les cadres servent-ils encore à quelque chose ? C’est la question qu’explore ce livre court et accessible, qui s’efforce de repenser leur fonction. En effet, les auteurs le soulignent : si les logiques de coopération et d’efficacité ont été mises à mal au profit d’une rentabilité de court terme, elles restent indispensables à la bonne marche des organisations, qu’elles soient privées ou publiques. Dès lors, il s’agit de voir comment les cadres vont pouvoir désormais les faire vivre. Un enjeu pour l’entreprise et pour la société tout entière. Ce livre est issu d’un colloque organisé par l’Observatoire des cadres, une structure de réflexions et d’échanges émanant de la CFDT. Il rassemble les contributions de nombreuses personnalités dont François Chérèque, Ève Chiapello, Barbara Dalibard, Thierry Pech, Pierre Rosanvallon. sous la direction de Jean-Marie Bergère et Yves Chassard préface de Thierry Pech postface de François Chérèque 

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 28 février 2013
Nombre de lectures 2
EAN13 9782738177391
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0750€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Ce livre est le fruit d’un travail collectif conduit au sein de l’Observatoire des cadres (OdC) par Jean-Marie Bergère, Yves Chassard, Bernard Jarry-Lacombe (responsable de l’OdC), Bernard Masingue (président de l’OdC), Frédérique Nortier et Ferrucio Ricciardi.

© O DILE J ACOB , FÉVRIER 2013
15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
 
www.odilejacob.fr
 
ISBN : 978-2-7381-7739-1
 
Le Code de la propriété intellectuelle n’autorisant, aux termes de l’article L. 122-5, 2° et 3° a), d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Préface
Le livre que vous tenez entre vos mains est à la fois un livre sur les cadres – comme son titre l’indique – et un livre sur les transformations du capitalisme contemporain – comme son titre ne l’indique pas. Si vous faites partie des cadres, il est donc pour vous : vous y comprendrez les ressorts de votre situation sociale, vous y reconnaîtrez vos doutes, vos interrogations, vos inquiétudes, et vous réaliserez que vous les partagez avec nombre de vos homologues. Mais si vous n’en faites pas partie, il est aussi pour vous : vous y comprendrez les mécanismes de commandement et d’organisation d’un capitalisme qui a orchestré une mutation radicale de l’entreprise depuis une quarantaine d’années et modifié substantiellement la place, le contenu et la valeur du travail. Cette mutation repose fondamentalement sur l’éviction progressive des logiques de coopération et d’efficacité au profit des logiques de compétition et de rentabilité. Du temps du compromis industriel fordiste, l’entreprise était certes déjà tournée vers la compétition économique avec ses concurrentes, mais son efficacité était, du moins le croyait-on, fonction de sa capacité à organiser des relations de coopération dans ses propres rangs. Aujourd’hui, la rentabilité primant souvent l’efficacité et se réalisant parfois à son détriment, la compétition s’est introduite à l’intérieur même de l’entreprise. Et c’est ce dont les cadres sont désormais les premiers témoins pour l’ensemble du salariat.
Si ce livre peut être lu en suivant ces deux fils conducteurs, c’est parce qu’il renoue avec un fait simple et trop souvent négligé aujourd’hui : l’activité syndicale, avant même de se manifester par la revendication, la négociation et le rapport de forces, est – ou devrait être – un exercice de connaissance et de reconnaissance. D’où le lien étroit qui a toujours uni depuis le XIX e siècle le mouvement ouvrier, d’une part, et les sciences économiques et sociales, de l’autre. L’enquête présente procède pleinement de cette ambition. Non seulement parce qu’elle émane d’une institution sociale – l’Observatoire des cadres –, elle-même liée au monde syndical, mais plus profondément parce qu’elle tente de répondre à deux questions en même temps : qui sont les cadres aujourd’hui ? Et quelles sont les origines structurelles de leur « malaise » ? Autrement dit, comment inscrire leur condition contemporaine dans une compréhension plus large des mutations du capitalisme ?
Cette enquête ne se contente donc pas de pointer ou de relayer des frustrations, ni même de poser la catégorie des cadres comme un fait social figé dans la nomenclature statistique de l’Insee à côté d’autres catégories socioprofessionnelles elles-mêmes supposées stables. Si le travail de collection des symptômes et des expressions de ce malaise fait bien évidemment partie de son programme, il ne débouche pas ici sur une déploration complaisante ou sur un de ces exercices de psychologie compassionnelle dont raffolent les médias. Cette attitude, illustrée par un certain nombre de publications récentes, serait d’ailleurs largement mal venue. Car, à première vue, les cadres ne sont pas particulièrement à plaindre. Ils restent dans leur ensemble nettement moins exposés au risque de chômage que les autres salariés, notamment du fait qu’ils disposent d’un bagage de formation plus important que la moyenne de leurs contemporains. Ils sont aussi sensiblement mieux rémunérés que la moyenne de leurs collègues ouvriers, employés ou professions intermédiaires. Enfin, leurs conditions de vie sont souvent bien meilleures que celles des autres travailleurs, qu’on les mesure en termes de logement, d’accès aux soins, d’alimentation, de loisirs culturels, etc. Et pourtant, malgré tout cela, ils se vivent de plus en plus comme des salariés à part entière . Comment s’expliquer ce paradoxe ? C’est l’une des énigmes que l’enquête s’efforce de résoudre.
Pour le comprendre, il faut aller au-delà de ces premières impressions et traverser le verre dépoli des tableaux statistiques pour explorer le monde réel des organisations productives et de leur management. Certes, si ces « salariés à part » sont devenus en quelques décennies des « salariés à part entière », c’est d’abord parce que leur nombre a littéralement explosé : aucune autre catégorie socioprofessionnelle n’a connu un tel essor démographique depuis l’après-guerre. Il y a quarante ou cinquante ans, les cadres ne formaient encore qu’une minuscule élite sociale aux marges du salariat. Témoin de cette situation de quasi-extraterritorialité à l’égard du reste du monde du travail, ils se syndiquaient rarement et le plus souvent dans des structures catégorielles spécifiques.
Cette situation a bien changé aujourd’hui et sa transformation emporte avec elle de puissants facteurs de distinction. À la fin des années 1970, les cadres ne trouvaient à se comparer qu’avec quelques homologues dans leur entreprise ; désormais, le terrain des comparaisons s’est très largement ouvert, tout comme l’échelle de leurs rémunérations (il y a désormais bien loin des cadres qui composent la fraction la mieux lotie des classes moyennes aux « cadres dirigeants » survitaminés aux stock-options qui participent de l’élite…). Bref, ils étaient perçus, dans l’ensemble, comme les lieutenants du patronat dans l’entreprise, les coproducteurs de l’ordre managérial ; ils se vivent aujourd’hui, pour l’immense majorité d’entre eux, comme des rouages parmi d’autres de la grande machine productive.
Mais, s’il explique en partie les changements de la perception qu’ont les cadres d’eux-mêmes et de leur situation dans la société, le facteur démographique ne fait que repousser un peu plus loin la question de fond. Pourquoi ce groupe a-t il connu une telle explosion quantitative ? Que s’est-il passé dans les organisations productives elles-mêmes, qui explique cette progressive banalisation des cadres ?
Une partie de la réponse tient au mouvement de renforcement et de complexification de la division du travail. C’est un processus qui vient de loin et qui s’est accéléré tout au long des trente dernières années, notamment dans les grandes entreprises. Des organisations composées d’entités plus nombreuses rassemblées au sein de groupes parfois multinationaux et exposées à d’importants changements organisationnels liés notamment aux progrès des technologies et aux changements de la structure des emplois nécessitent une coordination de plus en plus sophistiquée de la division du travail. Cette coordination requiert de fait davantage d’agents pour encadrer les autres salariés de l’entreprise et assurer la cohérence de son fonctionnement général et la mise en œuvre des politiques décidées par ses dirigeants. Mais il faut ajouter à ce processus ancien un autre facteur si l’on veut saisir pleinement la situation actuelle des cadres. Car, dans le même temps où elles impliquaient la mise en responsabilité d’un nombre croissant de salariés d’encadrement, les organisations les ont progressivement privés au quotidien d’une bonne part de leur autonomie et de leurs prérogatives, au risque d’ouvrir une contradiction de plus en plus frappante dans la gestion de ces personnels réputés « stratégiques ». Et c’est sur ce point que l’enquête de l’Observatoire des cadres est la plus riche et la plus précieuse.
Pour comprendre cet étrange mélange de responsabilité formelle et d’impuissance pratique qui caractérise aujourd’hui la situation de nombreux cadres, il faut s’intéresser aux structures managériales des entreprises. Ou, pour utiliser des mots devenus tabous dans le discours managérial dominant, à l’organisation du pouvoir dans l’entreprise et aux techniques de commandement qui y prévalent. À cet égard, la grande entreprise contemporaine est devenue un monde de défiance. Celle-ci est bien sûr liée à la fragilisation constante des relations d’emploi, mais aussi au développement obsessionnel des techniques de contrôle de l’activité et des agents. La passion des indicateurs de performance en est l’un des signes les plus commentés : la direction veut pouvoir tout mesurer à tout moment. Elle impose pour cela à ses cadres un reporting de tous les instants. Elle est servie de ce point de vue par les technologies de l’information et de la communication qui permettent, du moins en apparence, de démultiplier les capacités de contrôle social au moyen de logiciels destinés à faire remonter l’information en temps réel et à baliser, normer et standardiser les processus de décision. Grâce à ces technologies anonymes, le pouvoir dans l’entreprise a progressivement inventé le moyen de se faire obéir sans se faire voir. Préméditées ou non, ces stratégies écrasent chaque jour davantage les marges de manœuvre et l’autonomie des cadres.
C’est la raison pour laquelle les mots et les choses semblent avoir divorcé dans ces organisations. Dans le discours, les entreprises

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