J ai survécu, pas elle
117 pages
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J'ai survécu, pas elle , livre ebook

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Description

Me voici au Bon Pasteur de Marseille, une maison de redressement, véritable prison pour enfant. Pourtant je n'ai commis aucun délit. Le suicide de mon père étant toute petite, le meurtre barbare de ma mère qui n'a jamais trouvé la fibre maternelle, mariée uniquement pour fuir un père despotique, le suicide quelques années plus tard de ma soeur aînée seraient donc des drames dont la vie devrait me faire payer le prix ? De gardiennes en orphelinat, de nourrices en pensionnat, ma vie n'est accrochée à rien. Mais elle existe et n'appartient qu'à moi. Je m'appelle Muriel. J'ai 12 ans. Le sort s'est peut être trouvé un souffre douleur. Il est peut être puissant. Mais il ignore la force d'une vie qui n'a plus rien à perdre.

Informations

Publié par
Date de parution 31 octobre 2014
Nombre de lectures 5
EAN13 9782312028484
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0012€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

J'ai survécu, pas elle

Muriel Chavagne
J'ai survécu, pas elle















LES ÉDITIONS DU NET
22, rue Édouard Nieuport 92150 Suresnes
© Les Éditions du Net, 2014
ISBN : 978-2-312-02848-4
Dans la lecture de cet ouvrage, vous ne trouverez pas une grande œuvre littéraire, mais tout simplement le récit d’une histoire sans prétention, une histoire vraie, la mienne.
Je suis née à Versailles le 28 décembre 1949 à 4h30, un mardi, un jour de la semaine sans grand intérêt, serait-ce un signe ? Il fait froid, c’est l’hiver, les premiers mots de ma mère sont : « Encore une fille ! ». En effet j’avais déjà une grande sœur, Martine, âgée de 2 ans. Maman aurait préféré un garçon.
Je suis un bébé qui pleure le jour, pleure la nuit, pleure encore et encore. Je suis paraît-il capricieuse, insupportable, on voudrait me jeter par la fenêtre, je pleure trop et trop fort, pourquoi, que se passe-t-il en moi ? J’ai faim… Ma grand-mère paternelle, Louise, une veuve de la guerre 14-18, boit mon lait, oui elle boit mon lait concentré sucré, c’est bon, elle aime cela. Je suis maigre, pâle, je fais du rachitisme, mes petites jambes s’arquent. Mes dents poussent mal, j’ai l’air d’un petit chat écorché.
Plus tard il faudra faire arracher mes dents de « lait ». Triste ironie, elles sont devenues de douloureux chicots, compromettant la pousse de mes dents de « grande ». Elles seront laides ces nouvelles dents, ayant été privées de cette substance vitale qu’est ce lait de l’enfance qui m’a tant manqué.
Cette grand-mère n’aura aucune affection, nulle compassion pour moi (elle le prouve en m’affamant). Elle qui était chargée de prendre soin de ce bébé, le bébé de son fils unique !
C’est ma grand-mère paternelle. Louise. Une femme ordinaire. Des yeux bleus cachés en partie par une paire de lunettes dont un verre est opaque lui donnent un visage austère. Elle vit dans le logement face au nôtre, sur le même palier. Nous habitons 7 place St Louis, juste à coté de la cathédrale. Je joue souvent à la marelle, au palet, à la corde à sauter, avec quelques enfants de mon âge sur la place qui me paraît immense. Plus tard je reviendrai, comme elle me paraîtra petite cette place St Louis !
Lorsque mon père était en Indochine, ma grand-mère disait : « si André (mon père, son fils) meurt en Indochine, nous toucherons une bonne pension. »
Maman travaille, elle est secrétaire. Très appréciée partout où elle passe, son charme joue en force pour elle. Cette jeune et jolie femme est aimée de tous et partout, elle rayonne. Ses yeux bruns pétillent et ses cheveux noirs relevés en chignon lui donnent cet air de princesse qui fait chavirer les cœurs.
Fréquemment place St Louis, je m’assoie sur les marches en pierres lisses de la cathédrale, j’écoute l’orgue qui chante, j’adore cela. Encore aujourd’hui j’aime à me bercer des concertos pour orgue de César Franck ou de Bach. Nous avons interdiction d’entrer dans la cathédrale. Souvenirs agréables que ceux des mariages, lorsque les jeunes mariés sortaient de la cathédrale, lançaient aux enfants qui se trouvaient là de savoureuses dragées comme c’était la tradition à cette époque. Le son des cloches a bercé mes premiers émois de toute petite fille. Jusqu’à l’âge de 4 ans je n’ai pas vraiment de souvenirs précis de cette vie avec « mes parents », hormis quelques flashs plutôt confus. J’ai n’ai aucun souvenir de la naissance de mon petit frère, ni même de son existence avant cet âge de 4 ans.
Dans l’appartement familial, je danse sur la table en chantant à ma façon « toi ma p’tite folie », chanson en vogue de Line Renaud. Mon père assis sur une chaise me regarde, j’ai la sensation de lui plaire, il s’amuse de me voir ainsi, il rit, il m’applaudit. Parfois, il me donne quelques sous, me demande d’aller lui acheter des cigarettes. Je reviens avec un paquet de gaufrettes, il ne me réprimande pas, il trouve que c’est plutôt drôle. Je présume que j’aurais pu aimer mon père, cet homme que je ne connais pas, mais qui m’a donné la vie. Il était de corpulence ordinaire, le genre d’homme qu’on ne remarque pas, les mêmes yeux bleus que sa mère. Très vite, il repart en Indochine. Il est militaire de carrière.
Ma grand-mère, Louise, est tuberculeuse. Elle est très vite gravement malade, il faut s’en occuper, la soigner. Elle viendra s’installer dans notre minuscule « trois pièces », sans ascenseur bien sûr. Il faut fréquemment, comme tous les autres locataires de cet immeuble, descendre pour vider les seaux hygiéniques. On place le lit de ma grand-mère dans notre petite chambre où nous dormirons tous les trois, ma sœur, mon frère et moi, avec cette grand-mère malade. L’ombre de la tuberculose plane sur nous.
Mes parents, lorsque mon père n’est pas en Indochine, dorment dans un lit transformable dans la pièce principale. Mon père est un homme malade lui aussi, il se soigne avec de la Nivaquine, il tremble, il à froid, c’est le paludisme. Cette Nivaquine reviendra dans mon histoire et aura raison de la vie de ma sœur. Elle n’avait que 15 ans.
Louise ma grand-mère tousse, crache abondamment. La maladie court. Elle n’est pas âgée pourtant, mais la maladie a jeté sur elle son dévolu… Tout au long de la journée, et la nuit également, elle est assise dans son lit, soutenue par une multitude d’oreillers, sous peine de s’étouffer. La tuberculose la ronge inexorablement. Elle suçote doucement des bonbons ronds au goût de miel, mais elle n’aime pas la consistance du miel liquide qui se trouve à l’intérieur. Alors machinalement, naturellement, elle nous appelle, nous donne la becquée, petits et innocents que nous sommes face à ce danger. Nous engloutissons avec plaisir ces restes de bonbons déjà suçotés par cette grand-mère tuberculeuse, qui peu à peu va fatalement nous empoisonner.
Maman soigne sa belle-mère avec dévouement ou pas, je l’ignore, mais elle le fait. Pour cela mon père lui offrira une très jolie bague en geste de gratitude.
Ma grand-mère Louise est morte. Mon père la suivra de quelques mois. La mairie fait venir chez nous, comme la loi de cette époque l’exige, un service de désinfection. Il faut évacuer les lieux. Après un examen minutieux de nos petits corps, tous les trois, ma sœur, mon frère et moi, comme cela était prévisible, nous sommes déclarés contaminés. Hâtivement nous sommes expédiés en Haute Savoie dans une famille d’accueil. Dans ce foyer, il y a d’autres enfants en convalescence.
Chez Mme Rose, dont je me souviens encore du nom, je me rappelle de l’édredon en plume qui tient chaud, des lapins, du chant du coq qui nous réveillait le matin, de la tranquillité de ce village, dont j’ai par contre oublié le patronyme. On y est bien.
Arrivée là-bas, on me donne une paire de chaussures en cuir rouge. Un petit fer est cloué sous mes semelles, je suis heureuse, je suis fière, je jubile. Comme elles me plaisent ces chaussures qui claquent sur le pavé ! Dans la cuisine, les volets restent partiellement fermés toute la journée, j’entends le dernier bourdonnement de quelques mouches qui finissent par se coller sur le papier torsadé « tue mouches » suspendu au plafond. Le son du carillon cadence nos journées. J’ai le souvenir, encore à présent de cette atmosphère calme, cette sérénité qui règne dans cette demeure. ! Nous y demeurerons quelques mois, il me semble, dans une sorte de tranquille platitude
Trop petite, j’ai gardé de ce placement quelques moments du quotidien, des images plutôt floues, des clichés, mais rien de douloureux, si ce n’est ce sentiment d’abandon qui va me coller à la peau et restera en moi tout au long de ma vie.
Maman est née le 8 septembre…c’est une femme magnifique, à qui les conquêtes ne manquent pas. Je ne dis pas les aventures, cela n’a rien à voir, je dis bien, les conquêtes. C’est une personne radieuse, pétillante, tous recherchent et adorent être en sa compagnie. C’est une Marilyne Monroe, brune, puis plus tard rousse. Une femme en avance sur la modernité de son époque.
Maman est l’aînée d’une fratrie de cinq enfants. Elle veut fuir l’autoritarisme, la violence verbale et physique, la brutalité de ce despote qui est son père. C’est un très bel homme ce père, une sorte de Gary Cooper, bien fait de sa personne. D’a

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