L Imprévu
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Description

La chimie, ou la science des merveilles imprévues : l'éloge des hasards de la découverte, des rencontres de l'expérience, des bonheurs inattendus de la recherche. Le livre d'un savant doublé d'un érudit, mais qui ne se prend jamais trop au sérieux. Une mine d'informations, un texte pétillant et ironique. Jean Jacques était directeur de recherche émérite honoraire au CNRS.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 février 1990
Nombre de lectures 0
EAN13 9782738137388
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0750€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

DU MÊME AUTEUR
Absolute Configurations of 6 000 selected compounds
en collaboration avec C. Gros et S. Bourcier, Stuttgart, G. Thieme, 1977.
 
Enantiomers, Racemates and Resolutions
en collaboration avec A. Collet et S. Wilen, New York, J. Wiley and Sons, 1981.
 
Les Confessions d’un chimiste ordinaire
Paris, Le Seuil, 1981.
 
Marcelin Berthelot, autopsie d’un mythe
Paris, Belin, 1987.
© O DILE J ACOB , FÉVRIER 1990 15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
ISBN : 978-2-7381-3738-8
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo .
A ma Feufeu, dite Raphia et à sa mère Mado la Cartomancienne
A la pointe de la découverte, de l’instant où pour les premiers navigateurs une nouvelle terre fut en vue à celui où ils mirent le pied sur la côte, de l’instant où tel savant put se convaincre qu’il venait d’être témoin d’un phénomène jusqu’à lui inconnu à celui où il commença à mesurer la portée de son observation, tout sentiment de durée aboli dans l’enivrement de la chance, un très fin pinceau de feu dégage ou parfait comme rien autre le sens de la vie...
Il s’agit de ne pas, derrière soi, laisser s’embroussailler les chemins du désir. Rien n’en garde moins, dans l’art, dans les sciences, que cette volonté d’applications, de butin, de récolte. Foin de toute captivité, fût-ce aux ordres de l’utilité universelle, fût-ce dans les jardins de pierres précieuses de Montezuma ! Aujourd’hui encore je n’attends rien que de ma seule disponibilité, que de cette soif d’errer à la rencontre de tout...
André Breton, Équation de l’objet trouvé  (Documents 34, Bruxelles, juin 1934)
Introduction

L’exposé de ses ignorances peut-il faire l’objet d’un livre ? L’exemple des innombrables volontaires qui ont déjà répondu affirmativement à cette question (et sur les sujets les plus divers) me laisse évidemment le champ libre et la bonne conscience intacte. Quant à savoir s’il est intéressant de s’y abandonner une fois de plus...
Au cours de ma carrière scientifique, je n’ai jamais cessé de me référer plus ou moins clairement, plus ou moins consciemment (mais toujours avec une certaine insouciance) à l’hypothèse selon laquelle la réalité que j’étudiais fonctionne suivant les règles d’une logique qui m’est accessible. A la réflexion je n’ai pu exercer mon métier qu’à cette condition. J’admettais qu’avant d’être celles de ma raison, les règles auxquelles la nature obéit sont d’abord les siennes : mon esprit ne les retrouve que parce qu’il en a, depuis des milliers d’années, fait connaissance par l’expérience et l’apprentissage. Ce n’est pas parce que j’appartiens à une espèce raisonnable et rationaliste que j’ai l’espoir de comprendre le réel – après avoir, cela va de soi, écarté la prétention effrontée de pouvoir le faire complètement – c’est, à l’inverse, parce que l’univers obéit à des lois qui sont aussi les miennes que je puis entrer dans ses mystères.
Et comment pourrait-il en être autrement ? Comment imaginer que, le temps d’une vie, les quelques milliards de cellules dont je suis fait pourraient inventer autre chose que ce qu’elles comprennent, autrement dit retrouver un monde où elles ne seraient pas elles-mêmes comprises, dont les mécanismes seraient fondamentalement différents de ceux qui animent mon corps et ma pensée ?
Ce que je m’entends énoncer n’a rien de très neuf : il y a longtemps que les philosophes ont affirmé que tous les événements (je n’en suis qu’un parmi d’autres) sont soumis à des lois universelles et que le principe de causalité est la condition même de toute science.
Ramener à des lois générales les phénomènes que nous observons et prévoir ceux que des circonstances données doivent provoquer : explication et prévision, deux façons pour notre pouvoir de connaissance de mesurer sa validité et ses limites en se déplaçant dans le temps par rapport au réel ; l’une rend compte du passé, l’autre déduit le futur de ce qui l’a précédé.
Laplace parlait d’une intelligence qui connaîtrait totalement la réalité présente et passée et qui, de plus, serait capable de raisonner parfaitement sur elle. Cette intelligence-là appartient évidemment au domaine de la rêverie philosophique : elle n’est pas encore humaine et ne le sera jamais. Mais s’il croit au déterminisme et s’il est loin de pouvoir prétendre expliquer et prévoir tous les événements nécessaires, le scientifique peut vivre néanmoins assez tranquille en admettant qu’une certaine partie du futur peut se déduire de la connaissance qu’il a du passé et du présent ; il connaît, d’expérience, les limites de cette conviction efficace et rassurante.
Bref, tout n’est pas prévisible, pour un certain nombre de raisons sur lesquelles il sera banal d’insister, dans la mesure où elles ont fait depuis longtemps le régal des philosophes.
La première tient à l’imperfection de notre connaissance du réel dans son état actuel, aux lacunes de l’inventaire des causes dont nous attendons les effets. Cette bonne raison, Laplace la désignait déjà : « Dans l’ignorance des liens qui unissent un événement au système entier de l’univers, on les fait dépendre du hasard. » Moins les causes sont (bien) connues, moins leurs effets sont prévisibles avec précision. Cette incertitude n’est pourtant pas synonyme d’impuissance : parmi les effets probables d’un ensemble de causes mal connues, le calcul sait prévoir celui ou ceux qui ont le plus de chances de se produire. Ces limites que le « hasard » impose à ses capacités de prévisions, l’homme raisonnant peut les tracer de façon plus ou moins approximative.
Dans certains cas, en se fondant exclusivement sur l’analyse d’un phénomène et des conditions dans lesquelles il s’est précédemment déroulé, le scientifique réussira à prédire comment il pourra évoluer et se reproduire dans un avenir plus ou moins proche. On supposera que ces techniques de prévision, où la collecte critique des statistiques épaule le calcul des probabilités, doivent faire partie de la culture moderne, tout au moins dans leurs principes généraux.
Dans d’autres cas, devant des phénomènes natu rels qui lui paraissent imprévisibles – le devenir des volutes que dessine la fumée de sa cigarette pendant qu’il médite sur ce sujet, par exemple – le mathématicien inventera la théorie des attracteurs étranges. Cette dénomination que les poètes devraient apprécier se réfère aux propriétés remarquables de certains « objets » mathématiques dont la plus cruciale est leur sensibilité aux conditions initiales. Un attracteur étrange permet de décrire l’évolution de deux trajectoires qui, au départ, peuvent être aussi voisines que l’on veut et qui, malgré cela, finissent toujours par s’écarter au fur et à mesure que le temps passe. Les mathématiciens décrivent ici un cas de figure où la plus infime imprécision dans la description d’une situation initiale interdit de faire toute prévision sur le développement d’un système. Ces objets mathématiques abstraits (sur lesquels je me garderai de donner plus de détail), et auxquels les ordinateurs savent donner un visage, introduisent dans le déterminisme classique d’importantes nuances nouvelles : mais n’est-ce pas être encore déterministe que de mettre en équation les limites du déterminisme ?
Mon recours quotidien et inconscient à la philosophie élémentaire que les scientifiques de mon espèce ont, pour l’essentiel, héritée de Laplace ne m’empêche pas d’être averti des contestations qui se sont élevées à son sujet. Elles sont de deux ordres. Et bien que l’ indéterminisme sur lequel insistent volontiers certains philosophes ne me paraisse pas jouer un grand rôle dans la pratique de mon métier, il est utile – ne serait-ce que pour ma propre édification – de préciser ce qu’on a pu en dire.
Tout a commencé quand, suivant la formulation de Karl Popper, la mécanique quantique a introduit dans la science le « hasard absolu ». « D’après la méca nique quantique, nous dit notre philosophe, il existe des processus physiques qu’on ne peut pas analyser [...] en termes de chaînes causales, mais qui sont des soi-disant “sauts quantiques” ; et un saut quantique est censé être un événement absolument imprévisible qui n’est contrôlé ni par des lois causales ni par la coïncidence des lois causales, mais uniquement par des lois probabilistes [...] Les différents résultats particuliers de ces événements dus au hasard, telle la désintégration de l’atome avec l’émission radioactive qui s’ensuit, ne sont pas prédéterminés et donc ne peuvent pas être prédits, si étendue que soit notre connaissance des conditions pertinentes précédant l’événement en question. Bien sûr, nous pouvons faire sur ces processus des prédictions statistiques susceptibles d’être mises à l’épreuve. »
Le second front sur lequel le déterminisme est attaqué se situe plus dans le secteur de la philosophie tout court que dans celui de la philosophie des sciences proprement dite.
Le déterminisme selon Laplace, poussé à la limite de ses conséquences, affirme que l’homme est prédestiné, qu’il n’est pas libre et plus précisément, nous dit encore Popper, « conduit à l’idée que, il y a des milliards d’années, les particules élémentaires du monde physique contenaient la poésie d’Homère, la philosophie de Platon et les symphonies de Beethoven, comme une graine contient la plante ».
En présentant l’idée sous cette forme, le philosophe

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