La Volonté d agir
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La Volonté d'agir , livre ebook

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Description

« J'aimerais, si mes mots y parviennent, transmettre à quelques jeunes intrépides l'envie de descendre dans l'arène publique. « J'aimerais leur dire : « Allez-y ! Dans le sérail feutré des professionnels de la politique, imposez votre regard, votre sang, votre rêve. Soyez enthousiastes. Soyez têtus, opiniâtres, ayez des convictions et faites-leur confiance, mais surtout n'aimez pas trop le pouvoir ». » R. M. L'histoire du garagiste devenu ministre s'inscrit à l'évidence dans la mystique républicaine. Ce livre retrace de manière savoureuse ce parcours improbable. Il constitue aussi un des meilleurs témoignages actuels sur l'importance et la noblesse de l'action politique. Ancien maire de Loudun, ancien président du conseil général de la Vienne, René Monory a été, tout à tour, ministre de l’Industrie, des Finances, puis de l’Éducation nationale. Ancien président du Sénat, fondateur du Futuroscope de Poitiers, il a été sénateur de la Vienne.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 27 août 2004
Nombre de lectures 1
EAN13 9782738184450
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0950€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© Odile Jacob, août 2004
15, rue Soufflot, 75005 Paris
www.odilejacob.fr
EAN : 978-2-7381-8445-0
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo
Introduction
Hors normes

S’arrêter. Interrompre l’action un instant. Prendre le temps de se retourner pour remonter pas à pas le chemin sinueux d’une vie, jusqu’à ses origines. C’est à cet exercice que je me suis livré pour la première fois.
J’y ai pris du plaisir. Car cet arrêt sur image m’a permis de redécouvrir des moments que j’avais oubliés, des anecdotes que j’avais enfouies dans les replis du souvenir, des projets aboutis et des idées inachevées. Il m’a offert l’occasion d’évoquer le bonheur de quelques rencontres, le cadeau immense de mes collaborateurs, le soutien attentif de la tribu Monory.
Penser à ce livre, le construire m’a aussi obligé à ramasser ma pensée politique : qu’est-ce qui m’a entraîné à la politique, comment l’ai-je abordée, avec quels objectifs, pour quels résultats ? En un mot, quel est l’aiguillon qui m’a poussé toute ma vie ? J’aurais pu devenir un homme d’affaires, un chef d’entreprise. J’aurais certainement gagné bien mieux ma vie qu’en courant les tréteaux des campagnes politiques. Mais un élan intime a poussé le provincial autodidacte vers la scène publique et c’est cette conviction que je voudrais faire partager dans ces pages.
Raconter le parcours d’un homme sans diplôme que rien ne prédestinait à des fonctions ministérielles s’inscrit à l’évidence dans la mystique républicaine de l’ascension sociale qui fonde, aujourd’hui encore, notre pacte social. L’histoire du garagiste de Loudun devenu ministre des Finances et de l’Éducation nationale intéressera peut-être certains lecteurs. Mais il ne s’agit que d’un destin personnel qui n’a d’autre valeur qu’individuelle.
Ce qui me semble plus important en revanche, c’est de passer le relais. C’est parce qu’on m’a transmis des valeurs que j’ai tenté cette aventure collective. J’aimerais, si mes mots y parviennent, transmettre à mon tour à quelques jeunes intrépides l’envie de descendre dans l’arène publique. J’aimerais leur dire : « Allez-y. Dans le sérail feutré des professionnels de la politique, imposez votre regard, votre sang, votre rêve. Soyez enthousiastes. Considérez les chausse-trappes et les obstacles comme naturels. Soyez têtus, opiniâtres, ayez des convictions et faites-leur confiance, mais surtout n’aimez pas trop le pouvoir. Vous ne vous autoriseriez plus à le quitter et la politique s’en trouverait flétrie. »
Ce livre n’a aucune prétention morale. Il n’entend pas être le témoin fidèle d’une époque, ni un manuel pour réussir sur la scène publique. J’ai laissé ma mémoire filtrer, tamiser, polir sans doute aussi les étapes de mon existence, les batailles menées, les galeries de portraits. À l’heure où je vais changer de vie, j’ai aussi eu envie de faire partager ma foi dans la politique, envie de dire pourquoi elle est à mes yeux une mission aussi digne qu’indispensable.
Caricaturer la politique, la moquer, la mépriser, la réduire à des annonces comme si elle n’était qu’une réclame et ne plus croire en ceux qui la portent revient, à mon sens, à maltraiter la démocratie, à considérer les valeurs de notre devise républicaine comme celles d’une époque révolue. Nulle incantation dans cet appel. Je sais, pour avoir côtoyé ce monde plusieurs décennies durant, que l’homme politique au sens élevé du terme, au sens noble de la mission, est un peu l’artiste introuvable. Je sais les qualités personnelles, l’énergie, les convictions, la substance, l’instinct qui doivent être les siens pour ne pas décevoir les espoirs que l’électeur place en lui. Et je sais aussi combien tout cela est difficile.
C’est précisément parce qu’un politique se construit durant toute une vie que les jeunes doivent s’y engager sans tarder. Encore faut-il que l’élite politique de notre pays, souvent blanchie sous le harnais, accepte de leur faire une place. La chose n’est pas gagnée d’avance. J’ai soutenu à plusieurs reprises dans ma carrière des jeunes élus chez lesquels je sentais un potentiel, une envie, une habileté particulière. Certains sont parvenus jusqu’aux plus hautes marches de l’État. Mais ce renouvellement, ce mélange des générations qui conjuguerait hommes d’expérience et hommes de projets, ne me paraît pas assez solidement établi dans notre pays.
Il faut en finir aussi avec un certain parisianisme stérile. Représentant d’une génération d’hommes du terroir, indéfectiblement attaché au territoire et fervent partisan de la décentralisation, je crois que la politique gagnera à s’ouvrir à d’autres logiques, à des codes différents que ceux des familles des beaux quartiers parisiens. Là encore, je sais pour l’avoir éprouvé par moi-même que le défi n’est pas simple à relever. Tant pis et tant mieux : c’est face à l’adversité, non dans le confort, que l’on donne toujours le meilleur de soi-même.
À l’heure où je quitte le Sénat, le dernier de mes mandats, me voilà redevenu un homme tout à fait libre, et je me suis senti le besoin de raconter ce qu’un demi-siècle de politique m’avait appris. Je n’ai pas comptabilisé le nombre de fois où je me suis présenté devant les électeurs en cinquante ans de vie publique mais les salles des fêtes, les comices agricoles et les couloirs des palais de la République ont parfait mon éducation et mes convictions. C’est ce petit capital que je souhaite déposer ici.
Un peu à la façon d’un sas de décompression, l’écriture de ce livre m’aura permis de passer d’un univers à l’autre sans nostalgie. Si j’ai aujourd’hui davantage de temps pour pêcher le gardon dans mon étang de Beaurepaire ou l’espadon dans les mers d’Afrique, si j’en profite pour surfer sur Internet, je garderai de toute façon des liens étroits et une attention pour tous mes collaborateurs, jeunes et moins jeunes, auxquels je dois tant et sans lesquels ma vie aurait été bien différente.
À toutes et à tous, je voudrais dire merci.
Je n’ai pas l’intention de renoncer. Je continuerai à soutenir ceux qui osent, entreprennent, imaginent, ceux qui ont le culot de penser que le meilleur reste à venir. Je n’ai pas d’héritier annoncé, de dauphin programmé. J’aime les hommes qui s’inventent. Ceux-là trouveront toujours ouverte la porte de Beaurepaire.
1.
Les racines
De l’enfance au garage

Trois ans. Voilà trois ans que j’espérais ce jour du brevet élémentaire. Mais ce matin-là, devant l’école, mon instinct de bagarreur a gommé d’un coup d’épaule l’attente patiente qui m’avait conduit jusqu’au grand jour. En tombant sur le gravier, je me suis ouvert le pouce sur un culot de verre. Et c’est le doigt étranglé dans une méchante poupée de tissu que j’ai composé. Avec succès.
Nos contemporains qui expriment un goût immodéré pour les étiquettes, celles qui permettent de ranger chacun à sa place, diraient que j’avais déjà un tempérament de battant. Lorsqu’on est formaté pour faire un bon mécanicien, comment devient-on ministre, président du Sénat et patron d’un département placé dans le peloton de tête des territoires français ? Ceux qui, l’air finement psychologue, me font le coup de la revanche sociale, de l’ambitieux furieusement décidé à s’extraire de son milieu social m’irritent. L’égalité de la devise républicaine n’est pas l’égalitarisme. Tant que notre pays considérera que les fils d’ouvriers doivent au mieux espérer devenir contremaîtres, que les fils de paysans peuvent peut-être prétendre devenir commerçants et que seuls les fils de cadres ont droit à l’ENA, la France sera cuite et recuite dans ses conservatismes.
Je ne crois pas aux héritiers mais aux hommes qui s’inventent. Dans la curieuse alchimie qu’est une vie, l’héritage, l’expérience, les mythes intérieurs, les rencontres ou les coups de pouce du destin se mêlent intimement. Bien malin qui dira quelle est la part de chaque élément dans le précipité final.
Je pense qu’au matin du brevet, j’en avais d’abord assez d’attendre. Dans les années 1930, c’était l’élève qui se pliait aux lois de l’école, pas l’inverse. Pour passer ce diplôme, il fallait avoir 16 ans, un point c’est tout. Peu importait que l’on ait deux ans d’avance, une maturité précoce ou des capacités particulières : seul l’âge de l’état civil faisait foi. Et moi, je piétinais, j’enrageais depuis mon sixième anniversaire.
C’est à l’âge de 2 ans et demi que mes parents m’ont inscrit dans une petite école privée de Loudun. Rien à voir avec le parcours programmé d’un fils unique ou une quelconque volonté de revanche sociale d’un petit couple de Poitevins. Non, l’école était tout simplement en face du garage familial. Une école de filles aujourd’hui fermée et toute dévorée de lierre. Pour Alice, ma mère, jolie petite femme au visage clair, c’était un moyen de garde pratique alors que la France n’avait pas encore inventé cette superbe institution qu’est l’école maternelle. Il lui suffisait de traverser la route midi et soir pour me récupérer et, dans l’intervalle, se consacrer tout entière au travail du garage.
Ma mère a brûlé beaucoup de volonté, consumé bien de la patience pour apprendre à lire et à écrire toute seule. Elle n’a jamais parlé de cet apprentissage solitaire, mais un jour elle s’est lancée dans la comptabilité du garage. C’était une femme tendre, aimante, qui veillait à ce que je ne manque de rien et qui dorlotait beaucoup le

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