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Description
Informations
Publié par | Québec Amérique |
Date de parution | 19 mars 2021 |
Nombre de lectures | 1 |
EAN13 | 9782764443095 |
Langue | Français |
Poids de l'ouvrage | 2 Mo |
Informations légales : prix de location à la page 0,0650€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.
Extrait
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Projet dirigé par Danielle Laurin, éditrice
Conception graphique : Nathalie Caron
Mise en pages : Nathalie Caron
Révision linguistique : Martin Benoit
Photographie en couverture : Archives personnelles de Monsieur Roger Coulombe avec l’autorisation de son filleul Serge Bellavance
Conversion en ePub : Fedoua El Koudri
Québec Amérique
7240, rue Saint-Hubert
Montréal (Québec) Canada H2R 2N1
Téléphone : 514 499-3000, télécopieur : 514 499-3010
Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada.
Nous remercions le Conseil des arts du Canada de son soutien. We acknowledge the support of the Canada Council for the Arts.
Nous tenons également à remercier la SODEC pour son appui financier. Gouvernement du Québec – Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres – Gestion SODEC.
Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada
Titre : Le Berlin Kid / Hélène de Billy.
Noms : Billy, Hélène de, auteur.
Identifiants : Canadiana (livre imprimé) 20200096850 | Canadiana (livre numérique) 20200096869 | ISBN 9782764443071 | ISBN 9782764443088 (PDF) | ISBN 9782764443095 (EPUB)
Vedettes-matière : RVM : Coulombe, Roger, 1920-2010—Romans, nouvelles, etc.
Classification : LCC PS8603.I45 B47 2021 | CDD C843/.6—dc23
Dépôt légal, Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2021
Dépôt légal, Bibliothèque et Archives du Canada, 2021
Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés
© Éditions Québec Amérique inc., 2021.
quebec-amerique.com
À la mémoire de mon père, à qui ce livre doit tant.
À la mémoire de Elena Ehrensperger.
Guerre, vampire affreux dont la lèvre sinistre Suce le sang des nations !
Ce n’est donc pas assez que, dans la vieille Europe, Tes coups aient fait crouler des trônes de mille ans, Il faut, puissant vautour, que ta serre enveloppe Les peuples des deux continents !
Louis-Honoré Fréchette, La Guerre
Le mentor
Mon père adorait le Kid. Puis leurs chemins se sont séparés.
À l’Université de Montréal, dans un laboratoire situé à proximité de la tour Ernest-Cormier, l’ancien pilote de guerre Roger Coulombe se présentait parfois au cours de pathologie buccale avec sa décoration militaire bien en vue sur la poitrine. Les carabins écarquillaient de grands yeux de chevreuils enamourés. Il était l’homme qui avait bombardé Berlin douze fois durant la guerre. Pour cette raison, il avait hérité du titre ravageur de Berlin Kid, qui, à tout prendre, constituait sa carte de visite.
On racontait qu’il était un héros. Vraiment ? Mon père, Godefroy, le croyait. Entiché d’aviation, God était soufflé par les exploits du gars de Montmagny. De son côté, celui qu’on appelait le Berlin Kid se la jouait cool . De l’extérieur, ses cicatrices n’étaient pas visibles. À peine quelques sautes d’humeur de temps en temps. Comprendre : le type était un surdoué. Un survivant. Un gagnant.
Il avait peut-être été intrigué par le prénom de papa, Godefroy. Le grand-père paternel de Coulombe avait le même. En parcourant le cimetière de Berthier-en-Bas, dans le comté de Montmagny, j’ai pu constater que Godfroy Coulombe (sans « e » au milieu) venait tout juste de mourir lorsque Roger et mon père avaient entrepris leurs études de médecine dentaire en 1947.
Une amitié hors du commun allait se tisser entre eux, qui s’étendrait sur environ cinq ans.
Mon père était alors un jeune homme plein d’ambition. Cherchait-il un modèle, une inspiration ? Il lui était facile d’imaginer Coulombe, aux commandes de son bombardier Lancaster, déjouer nuit après nuit, les tirs des puissants chasseurs allemands. Coulombe le corrigeait aussitôt : « On s’en foutait d’être des héros. Ce qu’on voulait avant tout, c’était sortir de là vivants. » Il parlait au nom de son équipage, six durs à cuire, tous des speak English à l’exception de son navigateur, Gérard Tremblay. Une bande de crève-la-faim avec du cran et du cœur au ventre. Et il remettait ça avec le récit de sa mission du 2 décembre 1943 durant laquelle il avait été attaqué sans répit par la défense allemande, un combat halluciné dont il était revenu grâce à d’habiles manœuvres et qui lui avait valu sa DFC (Distinguished Flying Cross, ou Croix du service distingué dans l’Aviation).
Cette nuit-là, au-dessus de Berlin, le pilote du Lancaster DS707 P pour Peter avait été coincé pendant de longues minutes dans les faisceaux des projecteurs ennemis qui balayaient le ciel à sa poursuite. « C’est comme si j’étais forcé de regarder le soleil en face », a-t-il plus tard expliqué à un journaliste. Complètement aveuglé par la lumière des spots, Coulombe avait essuyé au même moment les assauts répétés d’un Junkers au profil de requin qui lui avait planté deux obus dans l’aile gauche. Comment s’extraire de cette foutue fournaise ? Il avait exécuté un piqué, pas le choix, une manœuvre dite en tire-bouchon, durant laquelle il fallait faire plonger l’avion de cinq cents mètres avec une inclinaison de quarante-cinq degrés, les moteurs à fond. À quatre cent cinquante milles à l’heure, en pleine bataille contre les Frisés, ça décoiffe. Quoi qu’il en soit, la stratégie avait fonctionné. Les Allemands lui avaient lâché le portrait, et il avait pu diriger son engin et tous ceux qui étaient dedans vers l’Angleterre. Il restait tout de même quatre heures de vol et le zinc était troué comme une passoire. Le train d’atterrissage, kaput , un des pneus, crevé. Les communications radio avec l’Angleterre, coupées. Tenir, tenir, tenir. Et l’indicateur de vitesse qui ne cessait de décliner. Jusqu’à l’apparition des côtes anglaises, son attention n’avait pas dévié. Enfin, la grande île s’était dessinée devant lui, mais Coulombe n’y voyait goutte à cause du black-out en vigueur depuis le Blitz. Entre-temps, un de ses moteurs avait lâché. Idem pour le système hydraulique. Du secours, il ne pouvait y songer. À la base de Linton, en raison de son retard, on ne l’attendait plus. Que faire ? Se jeter dans la mer ? Il restait une solution : un appel Mayday (SOS) à tout venant dans la nuit funèbre.
— Et ? demandait mon père, fixant le Berlin Kid, anticipant la suite.
— Rien. Pendant de longues minutes. Juste le vent. Puis, tout à coup, une piste s’est éclairée dans cette nuit de chien pas de médaille. Le signal provenait d’une base américaine. Il était temps. Nos réservoirs étaient à sec.
Quelques minutes avant l’aube, Coulombe avait réussi un atterrissage magistral en se posant sur l’unique roue qui lui restait. Plus tard, les Américains s’étaient montrés stupéfaits en contemplant la carcasse déplumée du Lancaster. Comment cet équipage d’avortons s’était-il arrangé pour ramener sur le plancher des vaches une épave pareille ? Quelqu’un avait suggéré une décoration militaire pour le pilote, dont c’était le sixième raid sur Berlin. Il allait recevoir sa DFC sur le champ, en récompense de « sa bravoure dans l’accomplissement de son devoir ».
Sa guerre comme volontaire dans l’Aviation royale canadienne (ARC), Coulombe l’avait menée tambour battant pendant trois ans au cours desquels il avait été stationné dans une des bases du nord du Yorkshire, en Angleterre. « Deux aviateurs sur trois n’en revenaient pas », me rappelait mon père.
De retour à la vie civile, le Berlin Kid avait continué de piloter. Instructeur de vol dans le coin de Québec, il avait invité mon père à monter à