Le Choix de Gorbatchev
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Le Choix de Gorbatchev , livre ebook

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Description

Qui est vraiment MikhaÏl Gorbatchev ? Le fossoyeur du communisme ou bien un apparatchik seulement soucieux de retarder sa décomposition ? Est-il un héros libre et tragique de l'histoire, ou bien s'est-il trouvé emporté, malgré lui, par l'effondrement d'un monde qui avait fait son pouvoir ?Jean-Bernard Raimond, ancien ministre des Affaires étrangères, a été ambassadeur de France à Moscou. 

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 novembre 1992
Nombre de lectures 0
EAN13 9782738161536
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0900€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

DU MÊME AUTEUR
Le Quai d’Orsay à l’épreuve de la cohabitation ,
Paris, Flammarion, 1989.
ISBN 978-2-7381-6153-6
©  ODILE JACOB, NOVEMBRE  1992. 15, RUE SOUFFLOT , 75005 PARIS
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo .
Pour Monique.
« Il faut s’en remettre à la providence de Dieu et se considérer toujours comme un serviteur inutile. »
Jean-Paul II
Introduction

26 décembre 1991. Hier, jour de Noël, dans un message retransmis par toutes les télévisions du monde, Mikhaïl Gorbatchev a annoncé qu’il quittait le pouvoir. Digne et triste, sans ressentiment, il a laissé deviner dans sa déclaration comme une résignation : acceptation du cours des choses ou lassitude ?
Je suis surpris, ce matin, par les commentaires.
Naturellement, les chefs d’État, les chefs de gouvernement rendent hommage à celui qui fut leur interlocuteur au cours d’une période méritant largement le qualificatif d’historique. La chute de l’empire communiste a été rapide, silencieuse, sans risque de retour. Espérée mais inattendue, elle a changé toutes les données de la situation mondiale. Or, le principal responsable, l’homme qui est à l’origine de tous ces bouleversements s’en va, chassé par l’un des siens, réformateur lui aussi, et dans l’indifférence de ses concitoyens.
Observateurs, experts, historiens – à quelques exceptions près – saluent avec ironie ou soulagement le départ du « dernier défenseur du système communiste », de « l’apprenti sorcier », de l’« apparatchik » qui n’a pas su rompre avec l’héritage de Lénine, qui a « hésité », tergiversé, et fait perdre du temps aux démocrates. Un homme qui n’a rien compris, en somme, qui n’a fait que suivre les événements et souscrire à une réalité qui le dépassait et qu’il ne pouvait modifier. Bon débarras !
Cette quasi-unanimité, dans laquelle se rejoignent étrangement les nostalgiques de l’ordre ancien et les plus fervents démocrates, me laisse stupéfait.
Les circonstances de ma carrière diplomatique, tout comme mes intérêts personnels, ont fait que, depuis longtemps, je suis familier des affaires du monde communiste. Jeune diplomate, j’ai eu l’occasion de rencontrer Nikita Khrouchtchev. Plus tard, aux côtés de Georges Pompidou, j’ai participé à tous ses entretiens avec Léonid Brejnev. Nommé ambassadeur à Varsovie pendant l’état de siège, j’ai pu observer de près les affres d’une société en proie à des contradictions insoutenables. Mon arrivée à Moscou, là aussi en qualité d’ambassadeur, a eu lieu quelques semaines avant la mort de Konstantin Tchernenko : j’ai été témoin des premiers pas de la perestroïka entreprise par Mikhaïl Gorbatchev. Enfin, placé à la tête de la diplomatie française en mars 1986, j’ai pu prendre toute la mesure des profondes mutations que la politique du dirigeant soviétique avait rendues possibles dans le domaine des relations internationales.
Nourri par cette longue expérience professionnelle, ainsi que par de nombreuses lectures, mon jugement sur les années Gorbatchev, de 1985 à 1991, est tout à fait différent : du premier jour, j’ai cru comprendre qu’avec lui les choses allaient changer de manière radicale ; qu’il ne s’agissait plus d’un de ces remaniements au sommet comme il y en avait déjà eu par le passé, ni même simplement d’un rajeunissement que l’âge des dirigeants soviétiques rendait inévitable. Non, c’était le système lui-même, j’en étais persuadé, qui allait être remis en cause et j’ai tout de suite affirmé ma conviction dans ma correspondance d’ambassadeur, dans mes entretiens avec François Mitterrand, avec Jacques Chirac et, plus tard, avec mes homologues occidentaux, notamment George Shultz, Hans Dietrich Genscher, Giulio Andreotti.
En décembre 1990, au moment même de la démission d’Édouard Chevardnadzé, j’aurais conseillé à Mikhaïl Gorbatchev de renoncer au pouvoir puisque personne ne le soutenait plus. La droite du parti lui était hostile, parce qu’il avait détruit les privilèges de la nomenklatura, affaibli et ridiculisé le parti, mais aussi parce qu’il avait livré à la démocratie le glacis d’Europe centrale conquis par Staline, et qu’il avait permis, ce qui était impardonnable du point de vue des conservateurs, la réunification de l’Allemagne et son maintien dans l’Alliance atlantique. Quant à la gauche, aux libéraux, aux démocrates, ils lui devaient les premières élections libres de toute l’histoire de la Russie et de l’Union soviétique, élections partiellement libres en mars 1989, totalement libres en 1990, avec, pour conséquence spectaculaire, la conquête des mairies de Moscou et de Leningrad par d’authentiques démocrates. Boris Eltsine lui devait son élection au suffrage universel comme président de la Russie, Andreï Sakharov son retour à Moscou en 1986, et les prisonniers politiques leur libération. Les peuples d’Europe centrale, les Polonais, les Tchécoslovaques, les Hongrois, les Roumains, les Bulgares, les Allemands de l’Est lui devaient d’avoir retrouvé leur liberté, leur histoire, leur visage.
Tout cela était oublié. Prisonnier de ses origines, de sa formation, de sa carrière, fidèle à l’idéal de son grand-père ou de son père, Mikhaïl Gorbatchev n’était qu’un communiste ; d’ailleurs ne disait-il pas lui-même : « Je suis et je reste communiste » ?
À la fin de l’année 1990, abandonné de tous, solitaire, il s’était appuyé pendant trois mois sur des traîtres, les futurs putschistes ; par conséquent il ne pouvait être que leur complice. Même son compagnon de toujours, Édouard Chevardnadzé, fit mine de l’en soupçonner.
Au fond, la Russie démocratique n’avait plus en 1991 qu’un obstacle à écarter : Mikhaïl Gorbatchev. Le 25 décembre, il avait délivré le monde politique de sa présence.
Je sais bien qu’en ce domaine les choses vont souvent ainsi. On retient seulement le nom des vainqueurs, qui écrivent l’histoire. Pendant soixante-dix ans, on a vanté le génie de Lénine, sa compréhension intuitive des grandes forces du monde en 1917. Les mencheviques (avec à leur tête Martov, l’humaniste, l’ami de Lénine – si démocrate que celui-ci lui conseilla de quitter la jeune Union soviétique, car il ne pourrait y vivre) passaient pour des faibles, presque des faibles d’esprit. Mais aujourd’hui, Alexandre Iakovlev nous dit que la grande erreur de Lénine, c’est d’avoir brisé en 1903 l’unité du parti social-démocrate, en opposant les bolcheviques aux mencheviques. Alors réfléchissons-y à deux fois, avant de porter des jugements de ce genre.
Je suis persuadé qu’il n’y a pas de déterminisme en histoire. Au contraire, à un moment donné, plusieurs voies sont possibles. Quand Lénine est arrivé à Petrograd à la gare de Finlande, en 1917, tous ses amis politiques, tous les bolcheviques étaient pour une révolution progressive, bourgeoise et démocratique dans un premier temps. C’est la volonté de Lénine qui a changé le cours de l’histoire, c’est lui qui a dissous l’Assemblée constituante. Le vainqueur n’était pas, nous le savons aujourd’hui, celui qui avait nécessairement raison.
En mars 1985, il en était de même. Le choix de Mikhaïl Gorbatchev comme secrétaire général du parti n’était pas inscrit dans les faits. Un autre, Grigori Romanov, chef du parti de Leningrad, aurait pu être choisi à sa place, ou encore Viktor Grichine, responsable de la région de Moscou ; représentants de la vieille garde, ils auraient prolongé le système que nous connaissions.
Que s’est-il passé ? Qui est Mikhaïl Gorbatchev ? Qu’a-t-il voulu faire ? Comment l’entreprise la plus réussie, le renversement d’un système dont personne ne veut plus aujourd’hui et dont tout le monde reconnaît qu’il a perverti l’histoire de l’Europe, comment cette entreprise s’est-elle traduite par la destruction de l’Union soviétique, par l’échec personnel de Mikhaïl Gorbatchev ?
Le 26 décembre, à la lecture de la presse, j’éprouve le besoin, non d’écrire un livre d’histoire ou de soviétologie, encore moins un livre de souvenirs, mais d’essayer d’apporter mon témoignage et d’expliquer une aventure dont le sens me paraît clair : celle d’un homme exceptionnel qui a changé les données de l’histoire mondiale mais sur lequel beaucoup continuent, paradoxalement, à s’interroger, comme s’il n’avait pas marqué la politique de son pays et laissé les preuves tangibles des choix qu’il a faits.
Si je ne crois pas au déterminisme historique, je ne crois pas non plus à l’incohérence, au hasard, à l’inexplicable.
Voici ce que j’ai cru comprendre.
CHAPITRE 1
L’état des lieux

mars 1985

La révolution que nous vivons depuis 1985, année de l’arrivée au pouvoir de Mikhaïl Gorbatchev, est si profonde que nous avons presque oublié le monde tel qu’il était auparavant. Or il s’agit bien d’une révolution, d’une formidable avancée de l’histoire, et non d’un retour en arrière. Comme si soixante-dix ans de marxisme-léninisme pouvaient s’effacer d’un coup, comme si l’effondrement de l’idéologie communiste se réduisait à la résurrection d’une ville d’Ys engloutie sous les eaux, celle de l’économie de marché et du capitalisme contemporain de la guerre de 1914-1918. Même les nationalismes qui déchirent aujourd’hui les anciennes constructions fédérales, dans les Balkans par exemple, n’ont en fait que peu à voir avec une histoire qui serait immobile. Le socialisme a imprimé sa marque. Bien plus, nos sociétés occidentales elles-mêmes ont été transformées et l’exemple de dém

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