Susan La Flesche Picotte
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Susan La Flesche Picotte , livre ebook

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Description

«Quelque part au fond du Nebraska, dans cette Amérique des Mauvaises Terres, une lueur jaune à la fenêtre d’une maison. C’est le Dr Susan qui, chaque nuit, allume une lampe à l’huile pour dire qu’elle est là. Qu’elle veille sur tout un chacun et sur son peuple. La médecine qu’elle pratique tient de la mission: réparer l’irréparable, panser les plaies de l’Histoire.»

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Informations

Publié par
Date de parution 10 avril 2014
Nombre de lectures 1
EAN13 9782895966340
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0002€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

La collection «Mémoire des Amériques» est dirigée par David Ledoyen
Ce texte est extrait de l'ouvrage de Serge Bouchard et Marie-Christine Lévesque, De remarquables oubliés , t. 1, Elles ont fait l'Amérique , Montréal, Lux Éditeur, 2011.
Illustration de couverture: Francis Back
© Lux Éditeur, 2011 www.luxediteur.com
Dépôt légal: 2 e trimestre 2014 Bibliothèque et Archives Canada Bibliothèque et Archives nationales du Québec ISBN(ePub) 978-2-89596-634-0
Ouvrage publié avec le concours du Conseil des arts du Canada, du programme de crédit d’impôt du gouvernement du Québec et de la SODEC . Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada ( FLC ) pour nos activités d’édition.
Susan La Flesche Picotte
Q uelque part
au fond du Nebraska, dans cette Amérique des Mauvaises Terres, une lueur jaune à la fenêtre d’une maison. C’est le Dr Susan qui, chaque nuit, allume une lampe à l’huile pour dire qu’elle est là. Qu’elle veille sur tout un chacun et sur son peuple. La médecine qu’elle pratique tient de la mission: réparer l’irréparable, panser les plaies de l’Histoire.
V OICI LE RÉCIT D’UN PEUPLE MARTYR , les Sioux omahas, et d’une lignée de femmes fortes et frondeuses. Ce récit ne figure pas dans l’épopée officielle des vainqueurs. Or, même si ses protagonistes ont perdu sur toute la ligne – leurs terres ancestrales, leur dignité, la lutte pour leur simple existence – ils auront vaincu l’ombre et l’oubli. Car leur histoire s’est rendue par bribes jusqu’à nous: c’est dire que la mémoire aussi a ses combats, et que parfois elle triomphe.
De ce peuple, de cette lignée, voici notre héroïne, Susan La Flesche Picotte. Elle vint au monde sous une tente de peaux durant l’été 1865, pendant la chasse aux bisons. L’image semble folklorique, mais c’est ainsi: la première Indienne médecin en Amérique du Nord vit le jour dans un tipi, et elle portait ce nom improbable, La Flesche Picotte. Nul n’aurait pu inventer pareille association linguistique et sémantique! D’ailleurs, comment de tels patronymes français ont-ils bien pu germer dans les plaines des États-Unis d’Amérique? Le premier élément de réponse tient à ce que le grand-père paternel de Susan était un Canadien français, Joseph Laflèche – que les Américains écriront «La Flesche» –, un de ces innombrables aventuriers venus de la vallée du Saint-Laurent, de Montréal probablement, pour s’établir au début du XIX e  siècle vers l’arrière-pays de Saint-Louis, dans les bassins de la rivière Platte et du fleuve Missouri. Joseph était un chasseur ayant des liens avec la compagnie des fourrures d’Auguste Chouteau et de Bernard Pratte de Saint-Louis. Mais il venait rarement dans la petite ville, préférant demeurer parmi les Indiens. Dans le jargon de l’époque, on surnommait ces Canadiens errants des «Indiens blancs». Ils étaient nombreux, la plupart illettrés; ils fondèrent plusieurs lignées métisses franco-amérindiennes dans l’Ouest américain.
Avant d’en venir à Susan, poursuivons ce retour dans le temps qui nous fera mieux comprendre ses motivations profondes et, disons-le, son sacrifice. Vers 1820, donc, son grand-père habitait et chassait sur les territoires des nations siouses, aujourd’hui le Nebraska et l’Iowa. Joseph La Flesche faisait partie d’un groupe d’hommes très singuliers, les descendants des «désobéissants» de l’époque de la Nouvelle-France – coureurs de bois, explorateurs libres des immensités de l’Ouest inconnu et grands passeurs de cultures entre l’univers franco-canadien de la vallée du Saint-Laurent et toutes les Premières Nations d’Amérique. Avec les Ménard, Robidoux, Provost, Dorion, Primeau, Chalifoux, Charbonneau et autres pionniers que l’Histoire prendra un précieux soin d’oublier, La Flesche fréquentait les nations siouses, les Omahas et les Poncas, les Quapaws, les Otos, les Osages, les Iowas et les Missouris. Vivant à l’indienne, il eut plusieurs épouses parmi ces différentes nations; mais celle qui nous intéresse se nomme Watunna, une femme Omaha qui aura de lui un fils. Le petit garçon, né en 1822, reçut le prénom de son père. Le temps d’une dizaine d’années, Joseph le Vieux– nous l’appellerons ainsi pour le distinguer du petit Joseph – continua ses voyages et délaissa complètement Watunna et son enfant métis. Cela n’était en rien inhabituel, ces hommes libres s’attachaient rarement à un lieu. Par contre, ils se souvenaient de leurs femmes et revenaient régulièrement voir leur progéniture. Esseulée et croyant que son époux était mort ou reparti dans l’Est, Watunna se remaria et confia le petit à une autre famille de la communauté, ses sœurs en fait, qui se chargèrent de l’élever.
L’adoption des enfants entre proches parents, pour un temps ou pour toujours, faisait partie intégrante des mœurs amérindiennes. On répartissait les jeunes selon les besoins et l’équilibre des familles. Dans le cas du petit Joseph, il se passa quand même quelque chose d’assez inusité. Les sœurs de Watunna allèrent vivre chez les Sioux lakotas, ennemis mortels de leur propre peuple, dans l’actuel Dakota. Non seulement Joseph fut adopté, mais en plus il changea de milieu culturel et reçut une éducation siouse du Nord. Pour une raison inconnue, il revint parmi les Omahas avec sa famille adoptive, vers 1832. De même, venant de nulle part, Joseph La Flesche le Vieux vint reprendre sa place parmi les siens et, pendant une décennie, s’occupa de son fils. Il l’emmena dans ses voyages de chasse et de trappe, lui apprit le français, l’initia au monde des hommes de montagne – les Mountain Men – et à la vie urbaine de Saint-Louis. À l’âge de vingt ans, le jeune Joseph avait parcouru tout le spectre des différentes cultures qui s’affrontaient dans les Plaines pendant ces années-là: métis lui-même, moitié canadien-français, moitié omaha, il avait passé sa petite enfance dans un milieu sioux-lakota très traditionnel, puis son adolescence dans le monde des compagnies de fourrures de Saint-Louis. Il parlait le sioux-omaha, le sioux-lakota – langue apparentée mais distincte de la langue omaha –, le français et probablement le pidgin franco-algonquin-sioux que beaucoup de gens utilisaient à Saint-Louis, ce qui faisait de lui un interprète recherché.
Les Omahas étaient une nation siouse que les aléas de l’histoire avaient déplacée vers le Nebraska. Peuple des forêts des Grands Lacs, ils vivaient autrefois dans l’Ohio, mais, au fur et à mesure qu’arrivèrent les Blancs, les nations amérindiennes de l’Est se bousculèrent les unes les autres et se déplacèrent vers l’Ouest.

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