L Enfance oubliée
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L'Enfance oubliée , livre ebook

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Description

On a longtemps cru que les mutations récentes de la famille annonçaient une ère de bonheur pour nos enfants. Les choses ne sont pourtant pas si simples : échec scolaire, dépressions, violences, rejet de l’autorité… Pourquoi cette crise profonde des relations parents/enfants ? L’enfant, pourtant promu " petit prince " de la famille, n’est-il pas en passe de devenir la victime des tumultes qui agitent notre civilisation ? C’est en tout cas l’hypothèse de cet ouvrage qui retrace plus de vingt ans d’évolutions sociales en interrogeant leur retentissement sur l’éducation. L’avenir de nos enfants est en jeu. Il ne suffit peut-être pas de davantage les aimer… Louis Roussel est conseiller scientifique à l’Institut national d’études démographiques. Il est notamment l’auteur de La Famille incertaine.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 septembre 2001
Nombre de lectures 4
EAN13 9782738161413
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0900€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© O DILE J ACOB , AOÛT  2001 15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
ISBN : 978-2-7381-6141-3
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo .
À Françoise.
« L’enfance a des manières de voir, de penser, de sentir qui lui sont propres ; rien n’est moins sensé que d’y vouloir substituer les nôtres. »
Jean-Jacques R OUSSEAU

« Il y a un aspect de plus en plus précoce d’un univers de violence qui était il n’y a pas si longtemps celui des mauvais garçons adolescents. »
Philippe A RIÈS
Introduction

Il y a dix ans environ, l’auteur du présent livre a publié La Famille incertaine . Cet ouvrage était d’abord la réaction d’un démographe surpris par la brusque altération, autour de 1965, des indices relatifs à la nuptialité et à la fécondité. On lui avait appris à l’université que les mouvements de population, sauf événements extrêmes ou crises brutales, ne se modifient que lentement. Et voici qu’en quelques années fécondité et nuptialité baissaient brusquement, voici que les divorces se multipliaient, tandis que les unions libres soudain se propageaient. Aussi bien, des situations comme la cohabitation juvénile qui auraient paru scandaleuses à beaucoup en 1970 faisaient, dix ans plus tard, figures de norme. Il y avait là de quoi surprendre et faire réfléchir.
La diffusion de la contraception médicale avait certes contribué à la baisse de la fécondité, mais sa légalisation ne répondait-elle pas à une pratique déjà largement répandue ? La réforme des lois sur le divorce avait, sans doute, facilité les ruptures des mariages, mais n’était-elle pas, elle-même, la réponse presque obligée à une forte croissance des désunions ? Ni pour la fécondité ni pour la nuptialité l’analyse ne pouvait s’arrêter à l’apparition même massive de différentes causes ponctuelles. À l’évidence, il ne s’agissait pas là de changements juxtaposés, mais du déploiement soudain d’une nouvelle attitude générale à l’égard de la vie.
De quels changements s’agissait-il donc ? On avait cru alors pouvoir conclure à un vaste mouvement de désinstitutionnalisation de la vie privée. La majorité de nos contemporains refusaient tout à coup que leur intimité fût soumise à un ordre général et obligé. La cohabitation libre des couples, même si elle devait être plus tard transformée en mariage, témoignait que ces unions tenaient désormais toute leur légitimité du seul accord des intéressés. Les jeunes générations, et elles l’exprimèrent sans équivoque en mai 1968, récusaient une société où l’interdit garderait sa légitimité dans la vie privée : elles se ralliaient à une « société de relations choisies », « une société élective 1  ». Dès la fin de la Première Guerre mondiale, Paul Valéry avait annoncé l’érosion de nos institutions. Nous avons assisté vers 1970 au relatif épuisement de certaines d’entre elles. La condition de mineures des femmes et les contraintes imposées aux jeunes avaient finalement cédé. Les institutions demeuraient apparemment imposantes, tandis que « la critique et le mépris » les exténuaient déjà 2 . Ainsi, à partir des mutations qui se marquaient graphiquement par de brusques inflexions dans les tracés des indices, on espérait pouvoir indiquer les opportunités qui en avaient sans doute déterminé la date précise et peut-être les causes. En réalité, c’était toute notre société qui soudain globalement s’était transformée : elle récusait désormais les régulateurs qui jusque-là avaient assuré le fonctionnement plus ou moins stable de la famille.
Il était pourtant vrai que la vie continuait et, semblait-il, sans bouleversement majeur : on cohabitait, mais la plu part des couples finissaient par se marier ; on avait des enfants et on les aimait, on divorçait, mais les familles se recomposaient. En réalité, à l’institution, par nature générale, s’étaient substitués des pactes privés qui reprenaient plus ou moins librement une large part de ce qui auparavant était réglé par un ordre patent. La grande différence pourtant était la nécessité nouvelle de légitimer ce pacte privé et de lui assurer de la durée : la famille était devenue « incertaine ».
Ce livre appelait-il une suite ? De l’analyse démographique qui avait été le fondement de l’argumentation, on ne pouvait guère tirer davantage de conclusions, et d’hypothèses. Or on n’écrit pas un livre si l’on n’a rien à dire. Seule aurait pu justifier une suite originale l’accentuation sensible ou le renversement des tendances hier observées. Tel n’était pas le cas. On a plutôt assisté à la banalisation du nouveau modèle conjugal devenu entre-temps norme dominante. On aurait pu, sur la famille, attendre, et certains l’ont fait, un choc en retour de la crise économique et de l’extrême gravité du chômage. N’y avait-il pas là une situation susceptible de redonner force à une solidarité familiale qui, dans la précarité nouvelle, aurait fait figure de recours stable ? On serait alors revenu spontanément aux normes familiales qui prévalaient vers 1950. Cette réaction ne s’est pas produite. Le chômage de longue durée a plutôt provoqué des tensions dans le couple et parfois conduit à sa rupture définitive. Statistiquement donc, point de raison immédiate de prolonger la réflexion.
En vérité, la seule justification plausible de ce nouvel ouvrage tient aux changements considérables qui sont récemment apparus, non pas comme dans les années 1970 à propos de la nuptialité, mais plus tard et cette fois dans la condition des enfants. Il avait pu sembler que les remaniements survenus dans la conception du lien conjugal laissaient intactes ou peu modifiées les relations entre parents et enfants et qu’au bout du compte l’enfant était, à ce changement, plutôt gagnant : sa naissance n’était-elle pas désor mais liée plus étroitement au seul désir de ses parents, et tout, entre eux et lui, ne devait-il pas être réglé dans le respect des attentes mutuelles ? L’opinion parfois se montrait inquiète pour l’équilibre de l’entreprise familiale, mais l’optimisme demeurait de commande sur la condition de l’enfant. Celui-ci paraissait en effet protégé des turbulences de nos sociétés. Il restait à l’écart de la violence, dans son petit monde que les parents voulaient heureux et pacifique 3 .
Or voici que soudain la violence a envahi le monde des enfants. C’est la fin d’un régime où ceux-ci restaient à l’écart des remous de la société et vivaient encore dans un havre de sécurité : de plus en plus d’entre eux sont maintenant victimes de menaces et de sévices, de viols et de rackets ; ils sont comme cernés, jusque dans les écoles, par des tentations et par des trafiquants de toutes sortes. Certes, il ne s’agit pas là de pratiques vraiment nouvelles, mais leur fréquence, un temps, était restée suffisamment faible pour que joue efficacement la loi du silence. Un seuil vient d’être franchi qui rend désormais impossible la méconnaissance de la situation réelle. Plus important d’ailleurs que les agressions ponctuelles est le climat général de risque et d’insécurité qui atteint toute la population des enfants.
Victime le plus souvent, l’enfant est aussi, par moments, acteur de cette situation. Observateur prudent mais attentif, il est parfois lui-même emporté par la violence qui l’entoure, le menace, mais aussi le harcèle et le déstabilise. Vandalisme, rackets, blessures, voire meurtres réalisés par les mineurs deviennent faits divers courants. L’immense majorité des enfants est demeurée « sage », mais il y a maintenant comme une communication entre la violence des adultes et le monde des enfants : l’école n’est plus un sanctuaire où continuerait à régner un ordre qui irait encore de soi. On appelle pudiquement « zones sensibles » les établissements scolaires où la violence s’est déjà installée, mais il serait naïf d’imaginer une frontière étanche entre des « zones sensibles » et des zones où les mentalités seraient demeurées pour les élèves comme pour les maîtres ce qu’elles étaient voici dix ans encore : un champ demeuré à l’écart des turbulences de la société adulte.
Ainsi, une inquiétude collective se précise et s’enfle autour de l’enfance. Là encore, ce n’est pas d’hier que des parents éprouvent de l’anxiété pour un enfant en échec scolaire, en dépression ou au bord de la délinquance. C’était là affaire privée et comme un secret : le drame relevait, pensait-on, de causes singulières, personnelles ou familiales. Nous venons de prendre conscience, désormais, que tous les enfants sont à risque. L’enfance est devenue, en France aussi, une question sociale.
Comment rendre compte de cette nouvelle vague de changements ? Elle serait, dit-on, le résultat de conditions de vie induites par le chômage et la misère. Impossible de nier que, dans la condition d’« exclu » et la « désafiliation » qu’elle entraîne, s’installe plus facilement un climat d’anomie, et, cela à tout âge, pour ceux qui la subissent. Pourtant, si la violence est plus marquée à la périphérie de nos grandes cités, elle affecte également le cœur des villes et les beaux quartiers de la banlieue cossue ; elle atteint le nanti comme le sans ressources. Et qui connaît un tant soit peu le milieu rural sait combien il est de moins en moins éloigné des réalités urbaines.
Dès lors, ne faut-il pas se demander si les transformations qui avaient affecté la conjugalité depuis deux décennies ne retentissent pas, avec un déc

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