Abd-el-Kader en France
122 pages
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Description

En quittant cette terre d'Afrique dont ils voient les côtes et les montagnes s'estomper à mesure que le navire s'enfonce au large de la Méditerranée, Abd el-Kader et ses compagnons au rang desquels se trouvent hommes, femmes et enfants, montrent une impatience fébrile. Il s'agit pour eux de gagner au plus vite les Lieux-Saints après une escale à Toulon. Tel est le pacte qui a été conclu entre les autorités militaires françaises et l'Émir, cet adversaire longtemps insaisissable qui a régné sur les deux tiers de l'Algérie. S'il a su tirer profit à maintes reprises de l'inconstance diplomatique européenne, pour refouler l'ennemi français de cette terre qui l'a vu naître, il va en connaître à son tour les funestes conséquences. Cet homme qui a aspiré toute sa vie durant à l'éducation spirituelle va se jeter, lui et les siens dans l'engrenage du grand échiquier politique de la métropole à l'épreuve de grands bouleversements économiques et sociaux.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 08 avril 2016
Nombre de lectures 1
EAN13 9782342050219
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0034€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Abd-el-Kader en France
Alexis Feulvarc'h
Connaissances & Savoirs

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Connaissances & Savoirs
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
Abd-el-Kader en France
 
Illustration de couverture  : quelques prisonniers de la suite d’Abd-el-Kader dans la cour du château d’Amboise (© coll. Alexis Feulvarc’h)
 
 
 
 
 
 
 
Il n’est qu’à évoquer le nom d’Abd-el-Kader pour se remémorer une histoire parfois un peu confuse, parfois oubliée voire inconnue des premiers temps de la conquête française de l’Algérie dans la première moitié du 19 ème siècle. On a tellement écrit d’ouvrages pleins d’érudition sur le sujet, et sur la geste de ce personnage emblématique de la résistance arabe, qu’il n’est nul besoin d’en retracer tous les aspects. Mais s’il en est un qu’il nous tient à cœur de faire affleurer dans ce flot littéraire, c’est bien l’épisode d’Amboise et ce qui l’a précipité. Maintes fois, a été invoqué le parjure de la France incarnée dans les figures princière du duc d’Aumale ou de son père, le roi des Français, Louis-Philippe : à la fin de l’année 1847, la promesse qui avait été faite à Abd-el-Kader de le conduire en Orient en échange de sa soumission à la France, n’a en effet pas été honorée. Mais dans cette France troublée socialement et politiquement, cette France qui a vu se succéder au milieu de ce 19 ème siècle, pas moins de trois formes de gouvernement – la monarchie de Juillet, la II ème République et le second Empire en l’espace de quatre années seulement –, ne peut-on pas déceler les véritables raisons de la chute du sultan arabe ? Il semble en effet que celle-ci participe davantage des impulsions du moment encouragées par une II ème République naissante après l’abdication du roi en février 1848, et aux prises avec les difficultés d’une multitude appelée à gouverner.
Un autre aspect est à considérer, bien souvent occulté par la présence, bien malgré lui, d’un Abd-el-Kader trop envahissant. C’est celui de ses fidèles compagnons qui le suivirent dans son exil et sa captivité en France. Hommes, femmes et enfants, formaient une véritable colonie comptant initialement une centaine de personnes.
C’est tout cela qu’il s’agit de raconter.
 
 
 
I. Le mirage de l’Orient
 
 
 
La reddition d’Abd-el-Kader
Le 21 décembre 1847, quelque part à côté de la frontière de l’Algérie à quelques lieues du col de Guerbous. L’émir Abd-el-Kader, le Sultan des Arabes, après avoir consulté ses officiers, décide de déposer les armes. Il a pourtant combattu quinze années durant les gouverneurs français qui se sont succédé en Algérie. Délaissé par le roi du Maroc, qui a pris un de ses frères, et talonné par les troupes françaises, l’illustre chef militaire qui incarne l’unification des tribus indigènes contre la colonisation de ce côté de la Méditerranée, se résout à ne plus opposer de résistance. C’est là la sortie la plus raisonnable pour épargner les siens des funestes combats que la France est bien décidée à poursuivre. Il condamne cette lutte acharnée qui prend un nouveau tournant, et revêt un caractère quasi sacrificiel. De cela il ne veut plus, concevant qu’il a été le révélateur de la puissance de ses adversaires aguerris aux tactiques employées contre eux. Dieu est témoin que nous avons combattu, autant que nous l’avons pu ; s’il ne nous a pas donné la victoire, c’est qu’il a voulu que les chrétiens fussent maîtres de nos contrées , dit-il dans un élan de fatalisme aux membres de son conseil. Appuyé par les dispositions conciliantes dont le gouvernement français l’avait si souvent entretenu, l’émir s’en remet au général de Lamoricière. Il suit en cela les brisées de deux de ses frères, et de son ancien khalifa Ben-Salem dont la translation en Orient, en février 1847, lui revient en mémoire.
 
Deux cavaliers envoyés par leur maître partent à la rencontre de Lamoricière pour lui annoncer le prodige. En renonçant au désert qui s’ouvre pourtant devant lui, l’ennemi des Français leur donne son consentement. L’officier vainqueur remet aux messagers du chef arabe la promesse verbale d’aman la plus solennelle. Il leur donne son sabre et le cachet du commandant Bazaine. Un premier pas est franchi.
 
Soucieux de voir se concrétiser le pacte, Abd-el-Kader persiste : J’ai reçu le cachet et le sabre que tu m’as fait remettre comme signe que tu avais reçu le blanc-seing que je t’avais envoyé (…) Cette réponse de ta part m’a causé de la joie et du contentement. Cependant je désire que tu m’envoies une parole française qui puisse être ni diminuée, ni changée, et qui me garantira que vous me ferez transporter, soit à Alexandrie, soit à Saint-Jean-d’Acre mais pas autre part. Veuillez m’écrire à ce sujet d’une manière positive. Lors de notre entrevue nous nous communiquerons beaucoup de choses. Je connais ta manière d’agir et je désire que tu aies seul le mérite du résultat. Je te recommande de maintenir où elles sont, les tribus séparées (…) Il y a dans ces tribus des affaires d’intérêt qui concernent moi et les miens ; par exemple, des esclaves, des chameaux, des mulets, des effets et des chevaux. Je désire donc terminer ces affaires par la vente de ces choses ; alors ceux qui voudront venir avec moi dans l’Est seront libres de le faire. Je te prie également de t’intéresser à la mise en liberté de mon frère : El-Sidi-Mohammed-ben-Hamedi, le plus tôt possible, afin qu’il puisse m’accompagner.
 
Lamoricière dont l’adhésion est entière, lui confirme sa décision doublée de celle du duc d’Aumale, jeune prince, fils du roi des Français et gouverneur général de l’Algérie :
J’ai reçu ta lettre et je l’ai comprise. J’ai l’ordre du fils de notre roi, de t’accorder l’aman que tu m’as demandé et de te donner le passage à Alexandrie ou à Saint-Jean-d’Acre ; on ne te conduira pas autre part. Viens comme il te conviendra, soit de jour, soit de nuit. Notre souverain sera généreux envers toi et les tiens. Quant aux tribus qui t’ont quitté (…) je me rendrai demain au milieu d’elles. Les esclaves, chameaux, chevaux, mulets et effets qui t’appartiennent ont été emmenés par elles, tu peux être tranquille à leur égard ; tout ce qui t’appartient te sera rendu et la part qui te revient sur les choses qui sont en commun te sera remise. Il en sera de même pour ceux qui sont avec toi. Je suis certain que tu pourras emmener dans l’Est, par mes soins, ceux qui voudront te suivre (…) Pour ce que tu me dis, relativement à Ben-Hamedi, aussitôt que tu seras arrivé, je ferai partir un bateau pour Tanger, et j’écrirai au Consul de France, de réclamer Ben-Hamedi à Mouley-Abd-el-Rhaman. Je pense qu’il sera mis en liberté, et, s’il le veut, il pourra aussi te suivre dans l’Est.
 
Le 24 décembre, à Sidi-Brahim, là-même où il avait vaincu les troupes françaises deux ans auparavant, l’émir est reçu avec les honneurs qu’un chef militaire peut attendre. Lamoricière et son ami le général Cavaignac, combinaison détonante bientôt promise à des responsabilités politiques et militaires majeures en métropole, y retrouvent Abd-el-Kader. Tous trois sont accueillis à Nemours (Djemmâa-Ghazouat) par le duc d’Aumale, à qui l’émir lâche : Tu devais depuis longtemps désirer ce qui arrive aujourd’hui ; l’événement s’est accompli à l’heure que Dieu avait marquée. Le général m’a donné une parole à laquelle je me suis fié. Je ne crains pas qu’elle soit violée par le fils d’un grand roi comme celui des Français ! Le jeune prince l’informe toutefois de la nécessité d’obtenir pour finir l’approbation du roi et de ses ministres, seuls décideurs de l’exécution de ce qui a été convenu entre eux. L’émir se confiant au gouverneur général, accepte l’échéance qu’il devra attendre en France avant son exil. En signe de sa soumission, l’émir lui apporte dès le lendemain matin la dernière jument qui lui reste.

Abd-el-Kader se remettant entre les mains des troupes françaises (© coll. Fondation Saint-Louis).
Peu après, le duc d’Aumale écrit au ministre de la Guerre :
Je ne reviendrai point sur ce que je disais hier des engagements pris avec l’émir pour son envoi en Orient par le général Lamoricière et ratifié par moi, ni sur mon désir de voir cet engagement sanctionné par le gouvernement (…) Abd-el-Kader vient de me faire ses adieux. Je ne puis cacher à Votre Excellence l’émotion que me font éprouver la dignité et la simplicité de cet homme qui a joué un si grand rôle et qui vient d’essuyer un si grand revers. Pas une plainte, pas un mot de regret ! Il n’a eu de parole que pour recommander ceux qui l’avaient servi, pour m’assurer qu’il ne songeait plus qu’au repos. Je lui ai donné l’assurance que le passé serait complètement oublié.
 
Le 1 er janvier 1848, on apprend que les conditions de la soumission d’Abd-el-Kader sont ratifiées par le gouvernement, tandis que la question n’est pas tranchée à la Chambre des députés. Passant outre, le roi charge Guizot, ministre des Affaires étrangères, rompu aux délicates affaires d’Orient, de négocier l’accueil de l’émir et des siens sur le sol égyptien auprès du sultan Méhémet-Ali dont les liens commerciaux avec la France sont soutenus.
L’escale à Toulon
Liés à la France par ce contrat moral, et comme protégés par celui-ci, l’émir et ses coreligionnaires partent confiants pour les Lieux-Saints, sans se hasarder. C’est là bien méconnaître les aléas politiques que le stratège avait pourtant autrefois exploités si avantageusement au détriment de l’envahisseur. Ou peut-être dans sa difficile position, a-t-il été aveuglé par le traitement inespéré de l’autorité militaire au point de se m

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