Femmes d'hier : Images, mythes et réalités du féminin néolithique

Jean Guilaine

Description

Ce beau livre unique présente une très riche iconographie en couleurs sur les femmes au temps du Néolithique. Deux cents illustrations de figurines, stèles, statues et d’art rupestre révèlent la façon dont les premières sociétés rurales « voyaient » la femme. Dans un texte passionnant, Jean Guilaine montre comment ces représentations étonnantes par leur diversité culturelle permettent de mieux cerner le rôle des femmes au Néolithique. Alors que les femmes sont longtemps demeurées « invisibles » dans les récits historiques, ce livre dédié à Françoise Héritier leur redonne toute leur place dans la trajectoire de l’humanité et pose les fondements d’une histoire des femmes pour cette période capitale de transition de la Préhistoire à l’Histoire. Les femmes d’hier nous éclairent sur les femmes d’aujourd’hui. Jean Guilaine a été directeur de recherche au CNRS, directeur d’études à l’EHESS, puis professeur d’archéologie au Collège de France (chaire des « Civilisations de l’Europe au Néolithique et à l’âge du Bronze »). Membre de l’Institut de France et président d’honneur de la Société préhistorique française, grand prix de l’Archéologie du ministère de la Culture (1985), il est docteur honoris causa des universités de Barcelone et de Lisbonne. Il est l’auteur, aux éditions Odile Jacob, de La Seconde Naissance de l’homme, Paul Tournal, fondateur de la préhistoire (avec Chantal Alibert), des Chemins de la protohistoire et de Mémoires d’un protohistorien. La traversée des âges. 

Sujets

• Social Science
• Histoire
• Archaeology

Informations

• Publié par: Odile Jacob
• Date de parution: 04 mai 2022
• Nombre de lectures: 1
• EAN13: 9782738157782
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 15 Mo

Extrait

© Odile Jacob, mai 2022
15, rue Soufflot, 75005 Paris
Graphisme : Antje Welde, voiture14.com
ISBN : 978-2-7381-5778-2
www.odilejacob.fr
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Sommaire
1 re  partie L’iconographie néolithique du corps féminin
CHAPITRE   01 Des écoles très diverses dans le temps et l’espace
L’origine du monde : vulves aurignaciennes
Antécédents : figurations féminines d’avant le Néolithique
Galets incisés du Yarmoukien (vers 6500-5800 avant notre ère)
Cruciformes et « violons »
Cylindres et phalanges
Femmes-sabliers et bassins-disques
« Femmes-pots »
Plaquettes gravées du Portugal
Idoles-plaques de Chypre (vers 2500-1700 avant notre ère)
Figurines du Bassin parisien
Rigidité et sécheresse : la Sardaigne au IVe millénaire
Bonnes femmes de Bonu Ighinu (Sardaigne, Ve millénaire avant notre ère)
Dames de marbre des Cyclades et de Crète
Dames et jouvencelles de Cucuteni-Tripolyé (Ve/début IVe millénaire)
Idoles de Gumelnitsa (4500-3500 avant notre ère)
Femmes plantureuses d’Anatolie centrale
CHAPITRE   02 Traitement des organes
Têtes et chevelures
Des têtes interchangeables
Yeux
Sourcils, nez, bouches
Cous
Seins
Bassins et fessiers
Pubis et vulve
Perte de membres, perte d’organes
CHAPITRE   03 Gestes, postures, attitudes
Femmes debout
Femmes sur leur séant
Femmes trônant
Bras levés : « orantes »
« Offrantes »
Femmes, les mains aux seins
Femmes « ouvertes »
Femmes enceintes
Danseuses
2 e  partie Discours, images et réalités du féminin néolithique
CHAPITRE   04 La construction de stéréotypes sur la femme du Néolithique : de quelques discours anthropologiques
Quand l’anthropologie précède l’archéologie
De la « gynécocratie » antique au « matriarcat » : Johann Jakob Bachofen et l’exploitation des mythes
Des « matrones » iroquoises à la « barbarie » de Lewis Morgan
La femme victime de la « république des cousins » de Germaine Tillion
Femme dominante ou femme dominée ?
La division sexuelle du travail : naturelle ou culturelle ?
De la « Terre-Mère » à la « Grande Déesse »
Le retour du matriarcat ?
CHAPITRE   05 Fonctions économiques
Trajectoire : de la maison à la tombe
Mères à l’enfant
La femme, symbole de l’agriculture ?
Agricultrices
Bergères et vachères ?
Apicultrices ?
Activités de transport
Dames de l’eau ?
La nourricière distributrice
Tisserandes
CHAPITRE   06 Questions de genre
Critique d’une source documentaire : l’art du Levant espagnol est-il un interprète fiable du genre ?
L’arc, marqueur masculin
La domination masculine par l’outil
Vêtements
Ceintures
Bretelles
Parures et artifices
Couples hétérosexuels (et homosexuels ?)
Accouplements
Corps à deux têtes, corps jumelés
Hermaphrodites
Parturientes
Des « couvades » ?
Les statues-menhirs, images de la catégorisation des sexes
Construction idéologique masculin/féminin : le Cordé et le Campaniforme (IIIe millénaire)
CHAPITRE   07 Statuts et rôles sociaux
La femme dans la maison : un exemple thessalien
Mammisme ?
Compositions familiales
Exogamie féminine et patrilocalité
Inégalités sociales
Au bas de l’échelle : des femmes réduites en esclavage ?
Nanties ? Le cas de la culture à céramique rubanée (VIe millénaire)
Dominantes ou seulement privilégiées ?
Ambiguïté du poignard
Dames couronnées de l’Estrémadure
Des « prêtresses » dans le Sud ibérique à l’âge du Cuivre ?
« Assemblées » d’Europe orientale : féminines ou mixtes ?
Chypre : des assemblées masculines au IIIe millénaire
Et la santé dans tout ça ?
CHAPITRE   08 Symbolique : une déesse-femme, mythe ou réalité ?
« Terre-Mère » et « déesse-mère » : une archéologie sous influence
De la « déesse-mère » d’Edwin Oliver James aux dieux préhistoriques de Johannes Maringer
Mircea Eliade : cycle cosmique, déesse-terre et dieu-taureau
La « déesse » chez les préhistoriens d’outre-Manche
Les interrogations de Peter Ucko
L’archéomythologie de Marija Gimbutas
Un « monothéisme » néolithique ?
Derrière les images : une philosophie de l’histoire ?
Une double critique : anthropologique et archéologique
Le dualisme « femme- taureau » de Jacques Cauvin
Quand la déesse poursuit son chemin
À la recherche des sanctuaires néolithiques
Les temples de Malte
CHAPITRE   09 Les figurines en débat
Esquisse d’une évolution générale
Un culte ou des cultes ?
De l’usage des figurines dans la sphère domestique
Chypre : figurines au fil du temps
Les figurines, un outil politique ?
Des figurines prêtes pour la casse ?
Poupées, médias magiques et mythes du sang
Le corps féminin entre temps qui passe et désir sexuel
L’image humaine : pour l’individuel ou le collectif ?
De la miniature à la statue : questions de majesté et de sexe
Du côté de l’ethnologie et de l’histoire
Un « troisième genre » ?
CHAPITRE   10 Portraits : dix dames du temps jadis
La Dame de Çatal Hüyük (Turquie)
La « Mère terrible » de Sha’ar Hagolan (Israël)
La Dame de Donja Branjevina (Serbie)
La Dame de Cuccuru s’Arriu (Sardaigne)
La Dame de Lemba-Lakkous (Chypre)
La Ballerine de Mamariya (Égypte)
La « Vénus de Malte »
La « Dame endormie » d’Hal Saflieni (Malte)
La Dame d’Arco (Italie)
La Dame de Saint-Sernin (Aveyron, France)
En mémoire de Françoise Héritier, amie et collègue, qui devait préfacer cet essai : le temps nous a manqué.
Introduction
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Comme la plupart des cultures, les Néolithiques, c’est-à-dire les premières populations agricoles, se sont nourries d’images et parmi celles-ci, le corps féminin a constitué un thème de première importance. Archéologue de ces premières sociétés paysannes, j’ai tout naturellement porté attention à ce sujet qui a alimenté pendant quelques années (1998-2002) mon enseignement au Collège de France 1 . Il s’agit là d’un propos « inusable » et régulièrement questionné à partir des données iconographiques disponibles et, plus généralement, de la documentation archéologique dans son ensemble. Les interrogations abordées vont au-delà des images elles-mêmes et renvoient à des problèmes de plus large portée : division sexuelle du travail, pouvoir au sein de la famille ou de la communauté, inégalité des sexes et construction de la domination masculine, place de la femme dans l’univers symbolique. Sur ce thème de la « femme des origines », la littérature est considérable, pléthorique et a donné lieu, dès le XIX e  siècle au moins, à de nombreux écrits dans divers champs : anthropologie culturelle, histoire des religions, sociologie, philosophie. L’archéologie a dû attendre l’élaboration d’une documentation minimale pour, à son tour, intervenir dans le débat. Ainsi, dès les premières découvertes de témoins iconographiques (figurines, art rupestre), des questionnements et des hypothèses se sont exprimés sur le sens à accorder aux images et, au-delà, sur la position sociale ou symbolique de la femme des temps anciens. Très souvent d’ailleurs, l’archéologie, prenant pour argent comptant des théories déjà émises par d’autres disciplines, s’est contentée de les confirmer, faisant ainsi acte de soumission à des idées reçues et s’inscrivant de la sorte dans une situation d’auxiliaire. Les pages qu’on va lire se placent évidemment dans l’optique d’un volontaire affranchissement envers toute matière « surplombante ». Discipline à part entière, l’archéologie ne saurait se laisser dicter ses propres conclusions. Sans renier les enseignements que peuvent lui fournir ses consœurs – anthropologie et histoire notamment –, elle tente de tracer un chemin personnel tout en mesurant les limites interprétatives de sa documentation. Je suis bien conscient de la nécessité de naviguer entre prudence et témérité. Mais c’est bien en archéologue, c’est-à-dire d’abord en typologiste, en observateur curieux de la diversité culturelle, que j’ai mis en chantier cet ouvrage et c’est dans un tel esprit que le lecteur doit le saisir.
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C’est, de ce fait, à partir de sources exclusivement archéologiques que j’ai construit mon récit. L’iconographie sollicitée se décompose en quatre volets :
– les figurines, naturalistes ou stylisées, constituent de beaucoup l’information majeure sur l’image du féminin néolithique ;
– les stèles anthropomorphes et statues-menhirs, sortes de versions « grand format » des représentations humaines ;
– l’art rupestre, schématique ou réaliste, présente l’avantage, en regard des sources précédentes, de livrer des scènes, des représentations de groupes, des actions collectives ;
– sortant enfin du seul cadre iconographique, le recours aux données de fouilles ayant quelque lien avec le sujet abordé s’est parfois avéré irremplaçable dans la réévaluation de certains problèmes. Le funéraire et la paléogénétique prennent, dans ce genre de débat, une place de premier plan. En effet, contrairement aux trois premières sources évoquées qui font référence à des œuvres statiques, celles-ci peuvent éclairer sur certains aspects sociaux que les images figées ont du mal à traduire.
C’est donc cette confrontation entre ces divers dossiers qui alimente cet ouvrage. Mon objectif est de livrer au lecteur des images de femmes néolithiques bordées d’hypothèses, sans essayer systématiquement d’en faire des théories qui finissent vite, et