Le Génocide des Arméniens
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Le Génocide des Arméniens , livre ebook

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Description

Entre 1915 et 1916, ce sont près de 1 500 000 Arméniens ottomans qui perdent la vie. Parmi les innombrables violences perpétrées au cours de la Première Guerre mondiale, leur extermination constitue l’épisode le plus sanglant touchant des populations civiles. Voici, pour la première fois, non seulement l’histoire, mais aussi la « géographie » exhaustive du génocide, région par région. Cette étude rigoureuse et complète permet de comprendre la genèse de ces crimes de masse, aboutissement d’un long processus au cours duquel l’élimination physique d’une partie de sa propre population a été conçue comme la condition nécessaire à la construction de l’État-nation turc. Au-delà de la mémoire, ce livre-monument invite à une réflexion sur les fondements idéologiques et culturels d’une société qui rejette son passé et ne parvient pas à assumer son histoire. Raymond Kévorkian est historien. Il enseigne à l’Institut français de géopolitique (université Paris-VIII-Saint-Denis) et dirige la Bibliothèque arménienne Nubar. Il est également l’auteur d’une dizaine d’ouvrages consacrés à l’histoire moderne et contemporaine de l’Arménie et des Arméniens.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 21 septembre 2006
Nombre de lectures 0
EAN13 9782738180216
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1600€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© O DILE J ACOB , SEPTEMBRE  2006
15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
EAN 978-2-7381-8021-6
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo
Préface

L e travail qui nous est livré dans ce fort volume est aussi remarquable par la minutie de ses recherches que par sa rigueur. Les faits concernant l’extermination programmée des Arméniens d’Asie Mineure (1915-1916) sont répertoriés, classés, analysés et jettent une lumière plus précise, sinon nouvelle, sur notre connaissance de ces événements et leurs conséquences, notamment dans la construction de la Turquie moderne.
À la fin de la Première Guerre mondiale, la population arménienne d’Asie Mineure a disparu. Ce résultat est dû aux ordres officiels de déportation décrétés par le gouvernement jeune-turc, supervisé par le Comité central d’Union et Progrès. C’est pendant et après ces déportations, comme l’indique Raymond Kévorkian, qu’est commis ce qu’on appelle désormais un génocide, terme inventé par le juriste Raphaël Lemkin pour désigner l’élimination concertée des Juifs d’Europe par le régime hitlérien.
« Ce ne fut qu’après l’extermination de 1 200 000 Arméniens au cours de la Première Guerre mondiale que les alliés victorieux promirent aux survivants de cet abominable massacre une loi et un tribunal. Il n’en fut rien », signalait Lemkin dans un discours prononcé à New Haven (Connecticut) en 1949, à l’occasion de la Convention pour la répression et la prévention du génocide 1 .
C’est au terme d’un long silence que la reconnaissance historique de cette tragédie, à l’époque mondialement connue puis oubliée, s’est progressivement imposée au cours des trois dernières décennies grâce, entre autres, aux travaux d’historiens ou de documents d’archives réédités ou édités pour la première fois : Léo Kuper, Robert Melson, Helen Fein, Israel Charny, Vahakn Dadrian, Yves Ternon, Richard Hovannisian, Frank Chalk, Kurt Jonassohn, Leslie Davis.
D’autres événements faisaient suite aux actions violentes à l’encontre d’ambassades turques dans le climat tiers-mondiste des années 1970 qui avaient ramené l’attention des médias sur ce déni, à commencer par la tenue du Tribunal permanent des Peuples, à Paris, en 1984, consacré au génocide des Arméniens 2 , avec la participation de Sean Mc Bride, créateur d’Amnesty International et de deux autres prix Nobel. Le génocide fut reconnu par la sous-commission des droits de l’homme de l’organisation des Nations Unies à Genève (1985 3 ), puis par le Parlement européen (1987) et successivement par plus d’une quinzaine de pays occidentaux, dont la France (2001).
En Turquie même, malgré l’hostilité agissante d’éléments ultranationalistes ou conservateurs s’élevaient, à partir des années 1980, des voix comme celle du courageux défenseur des droits de l’homme, Akin Birdal. En 2005 se faisait entendre la voix du plus célèbre des écrivains turcs, Orhan Pamuk, qui mentionnait, dans un périodique suisse la disparition « d’un million d’Arméniens et de trente mille Kurdes » 4  .
L’Empire ottoman qui entre en guerre à la fin de 1914 aux côtés des empires centraux (Allemagne, Autriche-Hongrie) a subi, au cours des quelques années précédentes, une série de défaites : perte de la Libye (1911), de la Macédoine et de la traditionnellement fidèle Albanie (1912). Le comité Union et Progrès n’avait plus, comme lors de la révolution de 1908, pour ambition un ottomanisme fondé sur l’égalité des sujets de l’empire. Le courant turquiste et panturc l’avait emporté d’autant plus nettement que la perte des dernières possessions balkaniques ramenait l’empire autour du noyau anatolien largement turc, flanqué seulement du croissant fertile arabe modestement peuplé.
Les buts de guerre visent à se débarrasser des capitulations, à reprendre le contrôle des territoires annexés par l’empire tsariste en 1878 (Kars, Ardahan, Batoum). Enfin, les Jeunes-Turcs veulent une « frontière commune qui nous permettrait de nous unir à nos frères de race » (déclaration du comité Union et Progrès du 11 novembre 1914). Pour les panturquistes du comité Union et Progrès, les Arméniens constituent, dans les six vilayet (provinces) orientaux, une présence démographique faisant obstacle à leurs objectifs au Caucase et, potentiellement, une menace territoriale en cas de victoire russe.
Lorsque l’Empire ottoman intervient dans le conflit, en fin novembre, les Arméniens mobilisés rejoignent les unités ottomanes et participent à la guerre sur le front du Caucase comme sur celui des Dardanelles. Cependant, le député d’Erzeroum, Armen Garo, contre l’avis des autres dirigeants dachnak, rejoint le Caucase russe fin août et, par la suite, fait partie des quelque 4 000 à 5 000 volontaires d’Arménie turque à prendre les armes contre l’Empire ottoman. Du côté de l’armée turque, il y avait, de la même façon, une légion géorgienne et plusieurs milliers de volontaires tcherkesses originaires du Caucase dominé par les Russes. Enver, nommé vice-généralissime, prend le commandement de la III e armée et se lance, fin décembre, dans une offensive dans le Caucase. Il espère couper les Russes de leur base de Kars et s’ouvrir, par une percée victorieuse, les routes de Tiflis et de Bakou. Ce plan audacieux échoue à Sarıkamiş. L’échec au Caucase et la menace russe précipitent les événements. Dès fin janvier, les soldats arméniens de la III e armée sont désarmés et employés à des travaux de voierie. Bientôt ils sont liquidés par petits groupes. La guerre scelle le destin de la population arménienne. La loi provisoire de déportation du 27 mai 1915 vise d’abord les populations arméniennes des vilayet orientaux, celles qui sont les plus proches du front du Caucase. L’extermination des Arméniens d’Anatolie se fait par phases successives, décrites dans le détail par Raymond Kévorkian.
Comme le note l’auteur, les hommes adultes sont souvent éliminés avant même le départ des convois ou en route dans les sites-abattoirs 5  où l’Organisation spéciale (Teşkilat-i Mahsusa), composée en partie d’anciens repris de justice, s’occupe de l’élimination des Arméniens. Cette organisation qui dépend du ministère de la Guerre est coiffée par Bahaeddin Şakir. Tandis que les déportations massives ont lieu en mai-juin, le 24 avril 1915, une rafle, à Constantinople, élimine les intellectuels et les notables de la capitale.
« La chronologie des déportations montre un décalage dans le temps entre les déportations massives de mai-juin 1915 dans les provinces orientales et celles des populations d’Anatolie occidentale et de Cilicie qui ne seront expulsées de leur lieu d’origine qu’en août-septembre 1915 », note l’auteur.
Un certain nombre de vali (gouverneurs) de province refusent d’exécuter les ordres de déportations et sont démis. C’est le cas de Celal bey, vali d’Alep qui, muté à Konya, refuse une seconde fois d’obtempérer, de Reşid bey, vali de Kastamonu, et de Hasan Mazhar, vali d’Angora.
En marge des atrocités commises en route, soit par l’Organisation spéciale, soit par des tribus nomades kurdes, la population turque, dans son ensemble, pas plus que les Kurdes sédentaires ne participent, en général, à la mise à mort. Des femmes sont raptées et deviennent des épouses dans une société encore polygame. Des enfants sont recueillis et sauvés, par des Turcs ou des Kurdes. Les Yézidis du Sindjar accueillent les réfugiés avec bienveillance et les soustraient au sort qui leur était réservé.
Ceux qui ont survécu aux marches comme ceux qui sont arrivés indemnes de l’Ouest se trouvent concentrés, au début de 1916, dans la région de Der Zor, dans le désert syrien. La partie la moins connue du travail de Raymond Kévorkian concerne le sort de ces centaines de milliers d’Arméniens et l’organisation de leur destruction dans des camps de regroupements. L’ouvrage est très précis sur ce processus, sur ceux qui furent nommés pour le mener comme sur l’encadrement des camps. On choisit des volontaires, souvent tcherkesses. On retrouve, dans ces camps d’extermination, des caractéristiques familières à ceux qui connaissent la littérature afférente aux camps nazis ou staliniens et montrent, une fois encore, le degré d’asservissement et de déshumanisation auquel les conditions de détentions finissent par soumettre les individus. « Le directeur nomme un surveillant en chef et des gardiens parmi les déportés arméniens, en leur offrant en échange de les nourrir et de leur laisser la vie sauve. Ceux-ci sont notamment chargés de surveiller les camps durant la nuit. Le choix des surveillants semble répondre à une logique visant à les recruter parmi les couches sociales les plus modestes, afin d’accentuer l’antagonisme déjà existant entre les déportés aisés, c’est-à-dire ceux qui pouvaient encore se payer de quoi manger, et les autres qui crevaient littéralement de faim. Tous les témoignages révèlent, en effet, que ces supplétifs arméniens étaient tout aussi brutaux que leurs collègues “ottomans” et particulièrement agressifs à l’égard de leurs compatriotes. On aura compris que ce genre de circonstances particulières était propice à l’épanouissement des instincts les plus vils et au développement d’une agressivité apparemment infondée entre déportés. Celle-ci devait se superposer aux antagonismes sociaux traditionnels, traversant tous les milieux indistinctement, comme si les victimes se reproch

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