Le Moyen Âge de Gaston Paris
189 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Le Moyen Âge de Gaston Paris , livre ebook

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
189 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Le Moyen Âge est loin de nous. Ne l’est-il pas plus encore, perçu à travers le regard d’un savant du XIXe siècle ? C’est tout le contraire. Gaston Paris (1849-1903), comme les romantiques, sent dans la poésie du Moyen Âge la « source fraîche » qui a renouvelé et revigoré la culture de l’Europe en reflétant la sensibilité de ses peuples. Mais, selon l’esprit du second XIXe siècle, il cherche aussi à faire de la philologie une science, en s’inspirant des méthodes pratiquées dans les universités allemandes, et il est convaincu que seule l’étude du passé en rend la connaissance féconde. Il est de son vivant considéré dans l’Europe entière comme le guide et la conscience des études de langue et de littérature du Moyen Âge, qui font alors des progrès décisifs. Homme d’esprit, d’éloquence et de cœur, dreyfusard engagé, il est si peu oublié que, dans de nombreux pays, des chercheurs se penchent sur son œuvre. À l’occasion du centenaire de sa mort, ils se sont réunis au Collège de France, où il fut professeur et dont il fut l’administrateur, pour mesurer ce qu’il a apporté à son époque et ce qu’il représente encore aujourd’hui. Michel Zink est membre de l’Institut et professeur au Collège de France. Spécialiste de littérature médiévale, il est l’auteur de nombreux ouvrages qui font référence, dont récemment Poésie et conversion au Moyen Âge.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 09 septembre 2004
Nombre de lectures 2
EAN13 9782738183781
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1100€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Gaston Paris, 1839-1903.
 

Cet ouvrage s’inscrit dans le cadre de la collection du Collège de France chez Odile Jacob
Actes du colloque organisé par Michel Zink, de l’Institut, professeur au Collège de France, les 27 et 28 mars 2003 à la Fondation Hugot du Collège de France
Textes rassemblés par Odile Bombarde
© O DILE J ACOB , SEPTEMBRE  2004
15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
EAN : 978-2-7381-8378-1
ISSN : 1265-9835
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo
Ouverture
par Michel Zink

Il existe en France un Haut Comité des célébrations nationales. Chaque année, il décide des anniversaires qui seront officiellement célébrés et publie une brochure où ils sont répertoriés. Il n’a pas retenu le centenaire de la mort de Gaston Paris parmi les célébrations nationales de 2003. À ses yeux, l’événement marquant de l’année 1903 — marquant au point de fournir l’illustration de couverture de la brochure — a été la création du Tour de France cycliste.
À vrai dire, la commémoration a ses dangers. Elle embrigade les énergies et les intelligences au service d’objets qui ne s’imposeraient pas d’eux-mêmes à l’attention ; elle subordonne inversement l’intérêt de n’importe quel sujet au hasard des dates et au fétichisme des nombres ; elle encourage les admirations et les exécrations convenues, attitude à laquelle nous ne sommes spontanément que trop disposés. Puisqu’on nous dispensait officiellement de nous souvenir que Gaston Paris est mort il y a cent ans, pourquoi ne pas avoir profité de cet oubli ?
Nous ne l’avons pas fait, ou plus exactement (car j’aurais grand tort de me dissimuler derrière un « nous » collectif) j’ai pris l’initiative d’organiser ce petit colloque, parce que Gaston Paris apparaît comme le fondateur des études modernes de langue et de littérature médiévales en France et accessoirement, plus que son père Paulin qui avait été pourtant l’inaugurateur de la chaire il y a cent cinquante ans (encore un anniversaire !), le père de ces études au Collège de France. À ce titre, il éveille un tel intérêt que ce colloque ne réunit que des participants (moi excepté) ayant effectivement travaillé sur Gaston Paris ou sur les philologues de son temps et que tous ne pourront même pas prendre la parole pour une communication : les plus jeunes, toujours sacrifiés, mais aussi (non qu’elle ne soit pas jeune !) Geneviève Hasenohr, qui est pourtant ici la vraie héritière des grands médiévistes. Cette justification aggrave en fait notre cas à tous, et le mien en particulier. Une discipline ne montre-t-elle pas des signes d’épuisement lorsqu’elle s’intéresse à sa propre histoire autant qu’à son objet ? Quant au narcissisme qu’il y a de ma part à célébrer le passé de ma chaire, il serait insupportable s’il n’incluait son propre châtiment dans l’humiliation d’apparaître pour ce que je suis, un nain sur les épaules de géants.
Passons sur ce dernier point. Pour le reste, l’intérêt porté à l’histoire de la philologie, qui n’est pas l’apanage des seuls médiévistes, comme le montrent les travaux d’Antoine Compagnon ou de Gabriel Bergounioux, me paraît très légitime au moment où sont en jeu l’identification de l’objet littéraire, la nature de la culture littéraire, l’importance du passé littéraire ; au moment où nous sommes constamment sommés de nous justifier d’étudier la littérature, d’étudier les époques du passé, et a fortiori d’étudier la littérature du passé. Nous nous étonnons naïvement qu’un homme comme Gaston Paris n’ait pas appliqué à la notion de philologie une réflexion théorique continue et cohérente. Pourquoi l’aurait-il fait ? L’audace d’être médiéviste lui suffisait. Entendons-nous : l’audace n’était pas d’être médiéviste au lieu de s’occuper du monde contemporain, mais d’être médiéviste au lieu d’être antiquisant. Comme l’a confirmé Ursula Bähler, et comme on pouvait s’en douter, à ses yeux, la formation de l’esprit passe d’abord par la culture classique (il ne lui vient évidemment pas à l’esprit qu’on puisse ignorer le latin et le grec). Les lettres antiques l’emportent pour lui à l’évidence sur la littérature médiévale, qui n’entre nullement en concurrence avec elles et à laquelle, pour l’essentiel, il ne trouve guère d’intérêt qu’historique. Découvrir les racines des littératures nationales est un devoir pour l’historien. S’agissant de l’enseignement et de la formation des jeunes esprits, la langue et la littérature médiévales sont un complément utile, sans être indispensable, une sorte de fantaisie moderne et marginale, le ragoût qui ne dispense pas du pain mais qui ajoute à sa saveur. Non que Gaston Paris ait été insensible à cette saveur. Il la goûte même le plus là où elle est à l’opposé de celle des lettres antiques, et c’est sur ce point seulement qu’il peut être dit romantique (mot qui est dans ma bouche le plus grand des compliments) : la raideur plutôt que la sophistication, la chanson de geste (dont il caractérise très bien le style, la syntaxe et le rythme) plutôt que le roman, les plus anciens textes plutôt que « la lourde allégorie » de la fin du Moyen Âge — cette fin du Moyen Âge où seul lui plaît le « léger filet d’eau limpide » que sont à ses yeux les « chansons populaires » du XV e  siècle.
Enfin, bien qu’un coup de chapeau donné à l’Europe paraisse souvent une convention obligée, l’orientation générale de notre colloque, qui porte pour l’essentiel sur les relations entre Gaston Paris et les romanistes européens, a sa justification, ne serait-ce qu’au regard de toutes les sottises qui ont pu s’écrire sur le nationalisme des philologues de la fin du XIX e  siècle en général et de Gaston Paris en particulier. L’aspect européen apparaîtra particulièrement dans les communications de cet après-midi et dans les deux premières de demain matin.
Au demeurant, il serait injuste de nous laisser accuser ou de nous accuser nous-mêmes d’avoir seulement obéi à la loi des anniversaires. Il y a une bonne vingtaine d’années que certains travaillent dans le fonds des archives Gaston Paris. Un colloque de Cerisy, dans la maison même du maître, ou plutôt de sa femme, avait réuni il y a quelques années de nombreux participants, dont plusieurs sont ici aujourd’hui. Cet intérêt déjà ancien a d’abord suscité des travaux parfois hâtifs, souvent inexacts, parfois complaisants dans la condescendance facile ou l’indignation démagogique touchant les prétendues interférences du nationalisme de Gaston Paris et de ses collègues avec leurs conceptions scientifiques : j’y faisais allusion il y a un instant. Or, depuis quelques années, une nouvelle série de travaux, plus informés et plus réfléchis, ont vu le jour. Ils jettent un jour nouveau sur la place et l’importance exactes de la philologie dans la pensée historique, philosophique, esthétique et marginalement politique de la fin du XIX e  siècle au milieu du XX e  siècle. Pour ne rien dire même du livre tout récent de Sepp Gumbrecht sur Leo Spitzer, de son article ancien sur Friedrich Diez et Gaston Paris, et de ses travaux en cours, dont les conférences qu’il donne en ce moment au Collège nous donnent une idée, il y a eu le volume collectif Romanistik. Eine Bonner Erfindung , la thèse d’Alain Corbellari, qui éclaire Gaston Paris à travers son disciple Bédier (c’est cette succession chronologique qui lui vaut de parler en dernier), celle de Charles Ridoux, celle enfin, non encore publiée, d’Ursula Bähler sur Gaston Paris lui-même. À la vérité, ce dernier travail fausse un peu notre colloque. Il est à peu près définitif. Il apporte tant de faits nouveaux et à leur suite tant d’interprétations nouvelles, solidement fondées sur ces faits et pratiquement irréfutables, qu’il est difficile de parler après lui de Gaston Paris comme on le faisait avant. Mais presque personne ici n’en a encore connaissance (bien que nous ayons tous trouvé déjà dans le petit livre Gaston Paris dreyfusard des indications précieuses). C’est pourquoi il m’a paru bon de donner d’abord la parole à Ursula Bähler pour qu’elle donne le ton, puisqu’elle sera un peu volens nolens la conscience de nos débats.
Mais il ne faut pas qu’elle se laisse impressionner par ce rôle ni que nous nous laissions impressionner par sa science. Beaucoup ici la partagent, et chacun a à apprendre de tous. Au reste, l’un des charmes de la Fondation Hugot du Collège de France, qui nous accueille, est que le lieu est particulièrement propice à des échanges libres et chaleureux.
Michel Zink de l’Institut Collège de France.
Première partie
Portrait intellectuel
Gaston Paris et la philologie romane : quelques réflexions synthétiques
par Ursula Bähler

De manière générale, la perception de Gaston Paris par les médiévistes d’aujourd’hui semble s’inscrire dans le registre du fragmentaire. En effet, si l’on commence à connaître relativement bien certains aspects spécifiques des travaux et de la vie du savant, les grandes lignes d’ordre idéologique qui assurent la cohérence de sa pensée sont, en général, largement ignorées. Ce décalage a comme résultat, entre autres, qu’un nombre assez important de préjugés, par ailleurs souvent contradictoires, circulent toujours au sujet du philologue et de son activité scientifique. C’est en réponse à quatre de ces préjugés que je me propose de présenter ici un certain nombre de réflexions de nature synthétique,

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents