Les Juifs et l’identité française
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Description

Présente depuis plus de quinze siècles en France, la minorité juive n’entrera réellement dans l’espace public qu’à partir de la Déclaration des droits de l’homme, lors de la Révolution, et de l’Empire. En dépit des préjugés qui s’estompent difficilement, les juifs de France, au cours du XIXe siècle, vont progressivement s’intégrer sans se renier. Ils s’affirment fièrement les « enfants adoptés de la patrie ». Cet effort d’adaptation est encouragé et soutenu par l’ensemble de leurs structures sociales, par leurs autorités religieuses et surtout par le désir de chacun de témoigner sa reconnaissance et sa fidélité à l’État qui les a émancipés. Mais c’est aussi la République, à travers ses institutions comme l’école laïque, les lycées, le service militaire et son appareil d’État, qui a contribué à cette intégration. C’est ce cheminement que relate ici Béatrice Philippe, de l’émancipation en 1791 à l’affaire Dreyfus, en s’appuyant sur des archives, des extraits de presse, des témoignages… Elle s’attache à décrire comment les juifs ont perpétué leurs traditions en les tissant avec les valeurs patriotiques. La République a tout mis en œuvre pour intégrer les nouveaux venus, mais c’est grâce à leur volonté affirmée qu’elle a pu le faire. Béatrice Philippe est professeur émérite des universités. Elle a été titulaire de la chaire de civilisation juive et directrice de recherche d’études hébraïques et juives à l’Inalco (Institut national des langues et civilisations orientales). Elle a consacré ses recherches à l’histoire des juifs de France et publié de nombreux ouvrages sur ce sujet. 

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 27 janvier 2016
Nombre de lectures 1
EAN13 9782738163936
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,1000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© O DILE J ACOB , JANVIER  2016 15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
ISBN : 978-2-7381-6393-6
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo .
Pour Didier. À mon ami Jean Debouverie dont l’intelligence, la précision et l’aide attentive m’ont apporté une aide précieuse.
Introduction

La conception d’un ouvrage reflète la personnalité de son auteur. Il ne peut jamais, même en les analysant d’un œil froid, se détacher de ses personnages. Il ne parle pas la même langue qu’eux, n’a pas reçu la même éducation, n’a pas enduré les mêmes tourments. Mais, s’il veut rester objectif, il doit s’appuyer sur l’histoire c’est-à-dire sur les faits, la vie d’un pays et de ses habitants à une certaine époque, et suivre les événements politiques et culturels.
Nulle minorité ne vit seule, même enfermée dans le plus triste ghetto. Bien sûr, elle cherche en fortifiant sa cohésion interne à se garder du monde extérieur ; rien n’y fait : elle subit toujours, bon gré mal gré, les tribulations du monde et son influence.
Soit Arles, au IV e  siècle.
Un saint homme se meurt : c’est Hilaire, qui a christianisé la région. Les juifs, déjà présents dans la cité, le vénèrent car il est juste ; ils le pleureront et s’associeront à ses obsèques.
L’attitude de la minorité peut être dictée aussi par la nécessité : les juifs ne peuvent frayer avec des idolâtres. Les rabbins vont donc décréter que nul soupçon d’idolâtrie n’entache le christianisme et, de fait, il y aura toujours des marchands juifs en terre chrétienne, des artisans, des médecins. Les échanges entre les savants des différentes confessions religieuses ne seront jamais totalement rompus.
Dans le Comtat Venaissin, les juifs dansaient lors de l’avènement d’un nouveau pape et, partout dans le royaume de France, ils priaient pour le retour à la santé du souverain ou pour l’heureuse délivrance de la reine. Il est vrai aussi que la loi juive ordonne de prier pour la paix… et de payer ses impôts.
Toutefois, les rapports avec les autres sujets du royaume étaient strictement réglementés et, hormis quelques exceptions, les juifs formaient « un peuple à part ». C’est en cela que la Révolution change totalement la perspective. À l’exemple de l’Évangile qui ne connaît ni Grecs ni Scythes, elle veut d’un trait de plume effacer les différences : elle ne reconnaît que des citoyens, qu’une France une et indivisible.
La loi devance souvent les aspirations des peuples. Faire appliquer cette égalité de droits et de devoirs nécessite chez les intéressés un long parcours mental. C’est celui-ci que je veux étudier, en me limitant toutefois aux prémices de l’affaire Dreyfus.
On pourrait me le reprocher. Pour ma défense, je dirai que l’affaire a déjà été traitée, notamment par de nombreuses expositions en 1994, lors du centenaire de l’arrestation de l’infortuné capitaine et que les rayons de bibliothèques débordent d’ouvrages consacrés à l’« Affaire ».
C’est donc volontairement que je me suis restreinte à cette période où tout paraissait possible, où l’avenir était souriant. Là encore, le facteur personnel a sans doute joué son rôle.
La question qui se pose est des plus concrètes. Par quels moyens la France a-t-elle, au XIX e  siècle et plus tard encore, réussi à intégrer une minorité allogène si disparate, méconnue et victime de préjugés terribles, au point de lui faire adopter les stéréotypes des Français de sa classe sans pourtant se renier ?
Il convient aussi d’aborder le fond du problème dans la mesure où il concerne d’autres minorités.
Certes, les minorités italienne, espagnole, polonaise et bien d’autres ont connu le même processus d’intégration : en une ou deux générations, non sans difficultés parfois, ces immigrants se sont coulés dans le moule français. Mais soit ils appartenaient à la religion majoritaire, soit ils étaient athées ou indifférents.
De nos jours, nombreux sont ceux qui affirment que l’intégration est en panne, et l’exemple choisi pour étayer cette affirmation est toujours celui de la forte minorité professant le culte musulman qui connaît de sérieux problèmes pour entrer dans la société occidentale. Certes ce constat est partiellement infirmé par la réussite brillante d’une minorité et par l’intégration de la majorité silencieuse, mais il est de fait qu’une frange qui se recrute, hélas surtout parmi la jeune génération, a remis le principe d’intégration en question et se replie sur le communautarisme. Elle rejette notre modèle, affirmant que leurs parents ont été dupés et – le fait, hélas ! n’est pas nouveau – s’en prend prioritairement aux juifs.
L’image que ces jeunes véhiculent est celle d’un juif colonisateur (lorsqu’il est israélien), privilégié s’il est français (comme ils le sont au demeurant eux-mêmes !), ignorant sans doute qu’il a fallu des siècles pour qu’ils obtiennent le droit du citoyen qu’eux-mêmes ont trouvé dans leur berceau. Mais c’est là une querelle vaine et dangereuse. La question qui se pose est de comprendre comment a fonctionné ce processus d’intégration qui fut celui des juifs pendant cent cinquante ans.
Ils n’avaient a priori rien pour séduire une majorité de Français. Ils professaient un culte honni qu’ils avaient maintenu pendant des siècles, au prix de lourds sacrifices.
Assignés à des fonctions décriées, ils étaient rejetés du monde du savoir, des universités, ne recevaient aucun secours provenant d’ailleurs que de leurs communautés, ne pouvaient s’établir à leur gré.
Comment ces colporteurs, ces marchands de chevaux alsaciens, qui faisaient certes partie du paysage, mais qui étaient inévitablement soumis aux horions de leurs voisins, qui s’exprimaient avec difficulté en français, qui vivaient de la naissance à la mort dans leurs communautés, pris entre leurs fêtes, leurs travaux harassants, leurs deuils et leurs rabbins, se sont-ils mués en l’espace d’une génération en petits-bourgeois bien-pensants ? Comment ont-ils pu adhérer à cette notion de patrie si prégnante ? Comment ceux qui jusque-là affirmaient qu’ils vivaient en exil ont-ils pu s’attacher par des liens quasi charnels à la France ?
Qui est à l’origine de ces transformations ? Ont-elles été spontanées ou provoquées par les autorités publiques ? Il nous faut suivre la genèse de cette histoire extraordinaire pour nous demander si, dans notre pays, il peut vraiment exister des « territoires perdus pour la République ». La France est un État de droit, un État unitaire, elle n’est pas un conglomérat de nations. Certes, « les rois capétiens ont fait la France », mais l’idée d’universalisme a été l’apanage des hommes des Lumières. C’est tout un courant de pensée qui, de Montesquieu à Jean-Jacques Rousseau, mène à l’État-nation que nous connaissons aujourd’hui.
Et c’est bien la Révolution qui a donné le coup d’envoi.
PRÉAMBULE
L’émancipation
PROLOGUE
Une tolérance mesurée

Édit royal de 1784 :

Louis, par la grâce de Dieu, roi de France et de Navarre. À tous présents et à venir, Salut…
Les juifs sont assujettis à une taxe corporelle qui les assimile aux animaux 1  ; et comme il répugne aux sentiments que nous étendons sur tous nos sujets de laisser subsister à l’égard d’aucun d’eux, une imposition qui semble avilir l’humanité, nous avons cru devoir l’abolir 2 .
Sept ans plus tard :

Édit du roi et loi de l’Assemblée nationale :
Louis, par la grâce de Dieu et par la loi constitutionnelle de l’État, roi des Français : À tous présents et à venir, Salut.
L’Assemblée nationale a décrété, et nous voulons et ordonnons ce qui suit :
Décret de l’Assemblée nationale du 27 septembre 1791 :
L’Assemblée nationale, considérant, que les conditions nécessaires pour être citoyen français et pour devenir citoyen actif sont fixées par la Constitution, et que tout homme qui, réunissant lesdites conditions, prête le serment civique et s’engage à remplir tous les devoirs que la Constitution impose, a droit à tous les avantages qu’elle assure ;
Révoque tous arguments, réserves et exceptions insérés dans les précédents décrets, relativement aux individus juifs qui prêteront le serment civique, qui sera regardé comme une renonciation à tous privilèges et exceptions introduits précédemment en leur faveur 3 .
Si l’édit de 1784 témoigne des sentiments humanitaires du roi puisqu’il exonère les juifs de taxes humiliantes les assimilant à des bêtes de somme, aucune mesure d’ensemble ne leur est cependant accordée : ils demeurent en marge de la société.
En 1791, le monde a changé, le sort des juifs de France a changé. Une nouvelle ère commence.
CHAPITRE I
État des lieux

Tableau des communautés juives à la veille de la Révolution
L’édit de 1784 serait-il un paradoxe ?
Il est dans l’air du temps, par son style humaniste (les juifs ne sont-ils pas des hommes, après tout ?). Et paradoxal, en effet, puisqu’ils ont été expulsés à diverses reprises du sol de France et que le dernier décret confirmant cette expulsion définitive date de 1613 et n’a jamais été rapporté.
Pourquoi alors prendre des mesures en faveur d’une population qui n’est plus présente ?
Dans les faits, et en dépit des expulsions, quarante mille juifs sont bel et bien dispersés en des points précis de l’Hexagone. Cette anomalie apparente reflète la complexité du régime juridique de l’Ancien Régime.
Que ce soit par lettres patentes du roi ou à la suite d’ann

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