Les Pouvoirs de l odeur
180 pages
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Les Pouvoirs de l'odeur , livre ebook

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Description

Quoi de plus mystérieux qu’une odeur, capable aussi bien d’attirer et de séduire que de provoquer d’irrésistibles réactions de dégoût et de rejet ! Retraçant, depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours, l’histoire extraordinaire des odeurs et se fondant sur les recherches scientifiques les plus récentes menées sur l’odorat, Annick Le Guérer montre notamment leur rapport étroit avec la sexualité, leur puissance symbolique dans les mythes et les religions, les immenses pouvoirs de vie et de mort qui leur furent attribués par la médecine. Elle explique enfin pourquoi les philosophes et les psychanalystes se sont toujours méfiés d’elles. Anthropologue et philosophe, Annick Le Guérer est spécialiste de l’odorat, des odeurs et du parfum.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 septembre 2002
Nombre de lectures 3
EAN13 9782738180865
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0950€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Une première version du présent ouvrage a été publiée en 1988 aux Éditions François Bourin.
© O DILE J ACOB , 1998, OCTOBRE  2002
15, RUE SOUFFLOT , 75005  PARIS
www.odilejacob.fr
ISBN  : 978-2-7381-8086-5
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo
À Bernard, Georges, Laurence, Pierre, à ma famille
Remerciements

Je voudrais remercier Joseph-G. Brand, Patrick Mac Leod, Lucienne Roubin, Philippe Roy, Benoist Schaal et Didier Trotier.
Introduction

« Ainsi tout a sa part et de souffle et d’odeurs »
Empédocle,
De la nature

Longtemps considéré comme négligeable, l’odorat est devenu depuis quelque temps à la mode. De très nombreuses publications scientifiques, professionnelles, journalistiques se font l’écho du vif intérêt porté à ce sens fascinant et encore mystérieux. Une question entre toutes, qui tend à abolir la distance qui nous sépare de l’animal, se fait insistante : serions-nous comme d’autres mammifères manipulés à notre insu par les odeurs ? Les recherches scientifiques sont en pleine expansion et participent à ce mouvement de réhabilitation, né il y a une dizaine d’années, en faveur d’une faculté sensorielle méconnue qui nous met en contact avec les êtres et les choses de façon intime et profonde.
Classé abusivement, faute d’études appropriées, par les anatomistes et les embryologistes parmi les animaux « microsmatiques » ayant, contrairement à ceux dits « macrosmatiques 1  », un odorat peu développé, l’Homme, en s’éloignant de l’animalité, aurait en outre abandonné l’usage de son flair. D’autres points de vue savants comme celui du naturaliste Charles Darwin ont largement contribué à propager l’idée d’un organe atrophié et obsolète, lointain héritage de nos ancêtres présapiens auxquels il était extrêmement utile.
Pour expliquer l’achèvement de sa décadence chez nos citadins contemporains, plusieurs facteurs ont été invoqués : développement de l’hygiène et des désodorisants, disparition des odeurs des rues et des métiers d’autrefois, conditionnements alimentaires masquant les arômes naturels, autant d’éléments qui auraient abouti à l’appauvrissement de notre univers odorant et de notre capacité à sentir. Œnologues et parfumeurs dénoncent l’« anosmie » ambiante. Notre ignorance olfactive serait consternante : sur dix odeurs types, les enfants en distinguent en moyenne cinq ou six et les adultes deux seulement.
Selon une opinion largement répandue, nos ancêtres, au contraire, évoluant dans un environnement infiniment plus riche en odeurs que le nôtre, auraient été guidés par un odorat plus aigu car plus exercé et qui était, de ce fait, l’instrument d’une connaissance des êtres et des choses dont nous aurions perdu le secret. L’historien Piero Camporesi dépeint une ancienne société baignant matériellement et mentalement dans les effluves et où l’olfaction, à l’opposé de ce qui se passe dans notre culture actuelle qui prétend connaître le monde par le seul recours à des techniques intellectuelles et abstraites, était particulièrement valorisée : « Jamais autant que dans la vieille société, où chaque corporation, chaque métier, chaque profession étaient placés dans son cocon aromatique particulier, le nez et l’odorat n’ont été les instruments infaillibles de l’identification sociale et de la reconnaissance professionnelle 2 . »
Ainsi des analyses d’origines très diverses ont accrédité l’idée d’une perte graduelle de l’odorat humain et d’un passé en complète rupture avec notre société contemporaine « anosmique » et désodorisée. Mais je crois, quant à moi, que cette vision d’une sorte d’âge d’or olfactif dont ne resteraient plus aujourd’hui que de maigres vestiges est à la fois trop simple et trop idyllique.
Bien sûr, l’existence d’un environnement olfactif jadis plus dense est incontestable. Le processus de désodorisation qui accompagne l’accession de sociétés encore marquées d’un certain archaïsme au niveau technique des plus modernes en est une confirmation. On peut imaginer aussi que l’Homme primitif qui utilisait son flair pour sa survie était plus performant que nous, mais était-ce encore le cas de nos aïeux de l’Antiquité, de la Renaissance ou du XVIII e siècle ? Une chose est certaine : leur appareil olfactif n’était pas différent du nôtre.
Plutôt que tenter une évaluation forcément aléatoire des performances de leur odorat, je pense qu’il vaut mieux comparer le statut accordé à ce sens ainsi que les pouvoirs reconnus aux odeurs dans les sociétés anciennes et modernes.
Les thèmes développés aujourd’hui autour des parfums renvoient l’écho de forces obscures et de vertus puissantes. Ils évoquent le mystère (« Mystère » de Rochas), la magie (« Magie noire » de Lancôme, « Sortilège » de Le Galion), la pureté (« Cristal » de Chanel), le divin (« Kouros » d’Yves Saint Laurent : « le parfum des dieux vivants »), la vie (« Vivre » de Molyneux, « La Vie » de Christian Lacroix), la mort (« Poison » de Christian Dior). Ce décalage avec leur fonction de séduction intrigue. Faut-il ne voir là que l’emphase du langage publicitaire ou le reflet de représentations inconscientes ? L’histoire des parfums et les mythes qui s’y rattachent le suggèrent.
Mystérieux dans ses origines, d’autant plus précieux qu’il est davantage conquis que récolté, l’aromate, base des premiers parfums, présente des caractères qui le relient au surnaturel, au sacré et au principe même de la vie. Ainsi se trouvent indiquées quelques pistes permettant de remonter aux sources des pouvoirs extraordinaires dont furent investies les odeurs.
Première partie
De la panthère parfumée  à la bromidrose de l’Allemand :  pouvoirs attractifs et répulsifs de l’odeur
Chapitre I
L’odeur et la capture

« Il y a trois ans que tu es parti. Le parfum
Que tu laissas hante ma solitude.
Le parfum est pour toujours répandu en moi mais
Où es-tu bien-aimé ? »
Li Po (699-762),
Le Bien-aimé absent .

« Les parfums... apaisent encore, et tranquillisent tous les esprits, et les attirent comme l’aimant attire le fer. »
H.C. Agrippa,
La Philosophie occulte, 1531.

Odeur, magie, possession
Dès l’Antiquité, parfums et onguents figurent en bonne place dans l’arsenal des sorcières. Des auteurs grecs et latins comme Lucien de Samosate et Apulée se font l’écho des superstitions de leur époque concernant ces manipulations d’odeurs. Pour se transformer en oiseau, la magicienne devait se mettre entièrement nue devant une lampe sur laquelle elle avait placé un peu d’encens et prononcer certaines formules. Elle s’enduisait ensuite des pieds à la tête d’un onguent favorisant sa métamorphose et son envol. Mais ce baume de lévitation pouvait jouer bien des tours aux curieux qui voulaient en percer le mystère.
L’aventure qui survint à Lucius illustre à la fois les pouvoirs maléfiques et bénéfiques des charmes odorants. Avide de connaître les secrets de la sorcière Pamphile, Lucius a séduit sa servante Photis qui lui permet d’assister à la prodigieuse transformation de sa maîtresse en hibou. Ébloui, le jeune homme persuade Photis de dérober la mixture magique. Hélas, elle commet une funeste erreur de flacon et l’audacieux se retrouve dans la peau d’un âne. Il ne pourra récupérer sa forme humaine qu’en broutant des roses. L’entreprise est difficile : chaque fois qu’il tente d’approcher l’antidote parfumé, une grêle de coups de bâton s’abat sur lui. Tombé aux mains d’une bande de voleurs, puis devenu âne savant, condamné à montrer ses talents aux badauds, ce n’est qu’après bien des péripéties qu’il parvient à ses fins. Au cours d’une procession, il dévore la couronne de roses portée par le prêtre d’Isis. « Alors, au grand étonnement des spectateurs, la figure de l’animal tombe et s’évanouit, l’âne disparaît, et il ne reste que Lucius, debout et complètement nu 3 . »
Le pouvoir envoûtant de l’odeur apparaît également dans les affaires de possession. Le procès fameux qui se déroula dans la ville de Loudun au XVII e siècle et qui aboutit à l’exécution du prêtre Urbain Grandier est, de ce point de vue, exemplaire. L’arôme des roses servit cette fois de support à la fureur hystérique d’envoûtées et d’exorcistes qui se donnèrent la réplique pour le plus grand plaisir de la population accourue au spectacle. Moins heureuses que l’âne d’Apulée, les religieuses se prétendirent ensorcelées pour avoir respiré un bouquet maléfique : « Le jour même que la sœur Agnès, novice ursuline, fit profession (11 octobre 1632), elle fut possédée du diable, ainsi que la mère prieure me l’a dit à moi-même. Le charme fut un bouquet de roses muscades qui se trouva sur un degré du dortoir. La mère prieure, l’ayant ramassé, le fleura, ce que firent quelques autres après elle, qui furent incontinent toutes possédées 4 . » Sortilège qui s’empare du corps et de l’esprit, le parfum se révèle ici instrument diabolique.
Si la sorcellerie recourt alternativement aux pouvoirs des bonnes et des mauvaises odeurs, les sorciers quant à eux répan dent des émanations nauséabondes qui soulignent leur caractère satanique. Au XVI e et au XVII e siècle, la représentation de la sorcière, suppôt du diable qui utilise ses talents de parfumeur pour ravir les corps et les âmes, obéit à une logique de l’imaginaire réglée par la puanteur. De son sang mélancolique et de ses humeurs troublées par la colère et la cupidité, s’élèvent des vapeurs venimeuses

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