Méfiez-vous de Mattei ! Diplomatie, énergie et souveraineté en Tunisie (1956-1962)

Adnen El-Ghali

Description

Le 27 octobre 1962 disparaissait, dans des circonstances non élucidées à ce jour, Enrico Mattei, le bouillonnant président de l'Ente nazionale idrocarburi (Eni). Avec sa disparition, s'annonçait le retour progressif de l'Italie dans le giron d'une politique occidentale atlantiste. L'Eni, ce mastodonte de l'économie italienne, a permis au pays de passer d'une économie agraire au statut de nation industrielle respectée de ses pairs et appréciée du Tiers-Monde et des pays orientaux en raison de la politique anticolonialiste et des conceptions égalitaires de son président. Dans cet ouvrage, l’auteur nous propose de découvrir un épisode méconnu de la vie d’Enrico Mattei, celui des accords pétroliers tuniso-italiens et de leur importance dans un contexte régional des plus agités entre la décolonisation douloureuse, les nationalismes arabes en construction et le drame palestinien.

Sujets

• Histoire
• Diplomatie

Informations

• Publié par: Editions Les points sur les i
• Date de parution: 15 décembre 2009
• Nombre de lectures: 4
• EAN13: 9782359302110
• Langue: Français

Extrait

Collection
•Point de repère•
Collection dirigée par :
Fouad Nohra
Méfiez-vous de Mattei (1956-1962)
Diplomatie, énergie et souveraineté en Tunisie
Droits réservés
ISBN : 9782359301922
©Les points sur les i
16 Boulevard Saint-Germain
75005 Paris
www.i-editions.com
Adnen El Ghali
MÉFIEZ-VOUS DE MATTEI !
Diplomatie, énergie et souveraineté en Tunisie
(1956-1962)
« Ne vous laissez pas effrayer. Je ne me suis pas effrayé, le Maroc ne s’est pas effrayé. Ne vous effrayez pas vous non plus »
Enrico Mattei, Tunis, 10 juin 1960.
In Memoriam
Edmond Branger
(08.08.1934 – 20.05.2014)
+
R EMERCIEMENTS
Néjib Bouziri , docteur en droit, ambassadeur de Tunisie (e.r.), ancien ministre, grand-cordon de l’Ordre de la République tunisienne, commandeur de l’Ordre de l’Indépendance (Tunisie).
Béchir Hantous , ambassadeur de Tunisie (e.r.), chevalier de l’Ordre de la République tunisienne et de l’Ordre royal de Vasa (Suède).
Walid Maaouia , économiste, politologue, ancien directeur de cabinet du ministre du développement local et régional, conseiller en politiques culturelles.
Ahmed Zaouche , architecte-urbaniste et politologue, Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco).
André Abitbol , économiste, président de l’Association des Anciens du Lycée Carnot de Tunis, officier des Palmes académiques (France), chevalier de l’Ordre du Mérite culturel (Tunisie).
Edmond Branger, ingénieur centralien, diplômé de l’Institut d’études politiques de Paris, industriel, fondateur de la « Tribune centralienne » .
Elia Finzi , journaliste, éditeur, imprimeur, directeur de la revue Il Corriere di Tunisi , commandeur de l’Ordre du Mérite de la République italienne .
Claudio Moffa , journaliste, historien, professeur à l’Université de Teramo, directeur du Master « Enrico Mattei in Vicino e Médio Oriente ».
Hatem el Hattab , archiviste, chef de service, Archives nationales tunisiennes.
Khaled Kaddour , ingénieur pétrolier, docteur en études stratégiques, ancien PDG de la Sitep.
Khalil Tazarki , juriste, énarque, ministre plénipotentiaire, ministère tunisien des Affaires étrangères.
Luca Patrizi , islamologue, enseignant universitaire et responsable du Centro di documentazione Del Boca-Fekini .
Maher Gordah , docteur en économie, enseignant à l’Université de Montréal.
Manoubi Zaroui , ancien secrétaire général du syndicat de l’Agip Mineraria Tunisie.
Marcello Colitti , économiste, ancien cadre de l’Eni, fondateur de l’ Oxford Energy Policy Club .
Mounir Miladi , directeur de la documentation et des archives, ministère tunisien des Affaires étrangères.
Slimane Rezki , homme de lettres et traducteur, spécialiste des sciences islamiques et du soufisme.
Amira Chérif , assistante de recherche documentaire.
Famille Ezzedine Abbassi
P RÉFACE
L’essai d’Adnen El Ghali a trois mérites. Le premier est d’ordre méthodologique : à une époque où une partie de l’historiographie prétend que les sources orales sont en elles-mêmes porteuses de vérité, l’auteur prend appui sur certains témoignages oraux recueillis sur les rapports entre l’Eni 1 et la Tunisie, mais afin de les recouper avec d’autres témoignages des protagonistes d’époque et de les confronter à des sources diverses notamment de presse écrite et d’archives.
La formule mythique « tout est histoire » de Lucien Febvre se trouve ainsi mise en œuvre de manière cohérente. Elle permet à l’auteur d’élargir et d’approfondir le champ de la réflexion sur un problème spécifique qu’il a identifié et qui a trait à la signification et à la portée historique de l’accord tuniso-italien de 1960 et aux problèmes de développement des années qui suivirent.
Le second mérite de l’ouvrage est d’attirer l’attention des lecteurs sur une personnalité européenne — Enrico Mattei — et sur une page décisive de l’histoire — la décolonisation — qui constituent certainement une sorte de contrepoint à ce qui se produit aujourd’hui en Italie et en Europe, au Proche et au Moyen-Orient et dans les relations qu’entretiennent ces deux régions cruciales pour l’équilibre économique et géopolitique mondial.
De ce point de vue, Mattei a été le porte-étendard d’un modèle économique — avec une forte intervention de l’État, en tant que régulateur et promoteur de l’entreprise privée, fort d’un système de protection sociale très avancé, et une primauté absolue de la sphère productive sur celle financière. À l’époque de Mattei, nulle crainte de financiarisation de l’économie. Le bénéfice engrangé résultait de la production (et de la circulation) de biens réels, et non pas de manœuvres financières téméraires et de boursicotage. Cela n’est pas rien dans le contexte actuel de Madoff, des réserves fractionnaires qui enrichissent les banques de manière exponentielle. Mattei, le manager , pouvait disposer des fonds publics d’un État qui contrôlait l’émission monétaire ; c’est l’anti-Madoff de notre époque et son histoire évoque le moyen de sortir de la crise actuelle à travers la relance d’un esprit d’entrepreneuriat productif et social.
L’autre aspect important de l’activité de Mattei, est celui d’avoir été non seulement le protagoniste du boom économique national — grâce au passage au méthane comme source d’énergie alternative au charbon ou à l’énergie hydraulique de l’industrie italienne —, mais aussi d’avoir marqué le début de la coopération entre « Nord » et « Sud », qui allait crescendo à l’époque et devait continuer de réaliser des progrès importants au niveau international jusqu’au début des années 1980. Il s’agit de la naissance de l’OPEP à celle du Groupe des 77 ; des deux décennies onusiennes pour le développement (années 1960 et 1970), au Sommet des non-alignés d’Alger en 1973. Ce même monde est aujourd’hui en crise ouverte, englouti dans certaines régions par les bouleversements géopolitiques causés par la disparition de l’URSS et du Comecon (voir dans les années 1990, la réorientation des investissements européens vers l’Est) et en général par les effets de la crise financière mondiale, notamment sur les soi-disant « pays en développement ». Les difficultés de la lutte contre la dette engagée par le Sud sont connues : ni Fidel Castro, ni Thomas Sankara, ni même Jean-Paul II n’ont réussi à la remporter. Aujourd’hui, ce sont les riches pays du Nord que la dette est venue menacer, suspendue telle une épée de Damoclès sur toute perspective de reprise.
Quant au paysage de ce qu’Alfred Sauvy a défini comme étant le Tiers Monde, il est aujourd’hui radicalement différent de ce qu’il fut à l’époque de Mattei, de Bourguiba, de Nasser. Le droit à l’autodétermination a été appliqué à partir da la crise yougoslave des années 1990, aussi aux provinces des États souverains membres des Nations Unies. Le droit international a alors débordé à l’intérieur des frontières des États, dans leur domaine réservé, jusqu’à être littéralement « mis en miettes », pour reprendre le terme de la juriste française Monique Chemillier Gendreau. Les guerres du monde post bipolaire ont semé la déstabilisation et le chaos, en particulier au Proche et au Moyen-Orient. Le « refus d’Israël », titre de l’essai de Maxime Rodinson, s’est transformé en un « rejet » de tout par tous pour le bénéfice de la politique du chaos, une politique anti arabe et anti islamique. Les conflits et les guerres civiles, le terrorisme et les massacres, ont engendré le monstre de l’EIIL, expression d’un monde sunnite foulé au pied, humilié par l’occupation anglo-américaine de l’Irak en 2003, et qui « réagit » aujourd’hui, sous l’action de marionnettistes habiles, dans le but ultime de générer haine et vengeances rendues au centuple. Tout cela fut aussi possible à travers l’anéantissement du leadership « laïque », d’autres préféreront le terme de « musulman modéré » (Assad, Kadhafi, Saddam…). On peut désormais acheter des États, comme l’a dénoncé dans les années 1990 le sous-secrétaire d’État états-unien Scott Talbott et le printemps arabe, en partie, en est peut-être une conséquence ?
Tout ce qui se produit en la matière, en particulier depuis les deux dernières décennies, trouve son reflet en négatif, dans les considérations développées par Adnen El Ghali. L’actualité de Mattei et de la décolonisation est donc « renversée ». La reconstruction historique du livre traite d’un évènement en particulier qui pourrait relever de la micro h