La modernité a bouleversé la question de la place et du sens de l’être humain dans l’univers. Cette interrogation, certes d’abord philosophique, s’est renouvelée au gré des vagues de découvertes scientifiques. Comme celles-ci n’ont fait que se multiplier à une vitesse grandissante, elles laissent nombre de personnes impuissantes à comprendre l’univers. Qu’est-ce que la vérité ? La foi religieuse n’est-elle plus qu’une option naïve après les révolutions en sciences physiques et, plus récemment, l’extraordinaire percée des neurosciences ? Y a-t-il toujours une place pour la transcendance ? Des spécialistes de réputation internationale confrontent ici leurs points de vue en un dialogue passionné. Œuvrant dans les domaines des sciences pures et humaines (physique, philosophie, théologie, neurobiologie, bioéthique, microbiologie…), ces penseurs, à partir de leur perspective propre, entrecroisent des réflexions qui éclaireront le lecteur sur la question la plus fondamentale de la pensée, celle du sens de l’être humain. Ont collaboré à cet ouvrage : Solange Lefebvre, théologienne • Paul Allen, théologien • Mario Beauregard, neuroscientifique • Hubert Doucet, bioéthicien • Christian Downs, théologien • Jean Grondin, philosophe • Georges Hélal, philosophe • Louis Lessard, physicien • Normand Mousseau, physicien • Peter Odabachian, philosophe • Gérard Siegwalt, théologien • Heather Stephens, microbiologiste
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Extrait
raisons d’être
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Sous la direction de Solange Lefebvre
raisons d’être Le sens à l’épreuve de la science et de la religion
Catalogage avant publication de Bibliotèque et Arcives nati onales du Québec et Bibliotèque et Arcives Canada
Vedette principale au titre : R aisons d ’être. Le sens à l’épreuve de la science et de la religion Comprend des réf. bibliogr. ---- e ---- . A ntropologie pilosopique. . Pilosopie et sciences. . Religion et sciences. . Vie - Pilosopie. . Lefebvre, Solange, - . . --
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Avant-propos
Le dialogue est signe d’université
Gérard Siegwalt Université de Strasbourg, Faculté protestante
À’ de dialogue dont témoigne ce livre, nous parta-geons certainement tous un même sentiment de reconnaissance, à la fois pour la qualité et l’intérêt des différentes contributions dans leur diversité, pour la coérence des approces en elles-mêmes et également, ce qui ne pouvait pas être prévu et apparaît après coup comme une marque d’univer-sité au sens vrai du terme, entre elles, sans que cette coérence se soit faite au prix d’une concession à quelque volonté concordiste, laquelle sacrifie toujours la diversité à l’unité et pervertit celle-ci en uniformité, pour l’esprit de dialogue et aussi de convivialité qui a caractérisé les écanges. Il s’agit du défricement d’un cemin d’ouverture. À la différence du monologue, tentation d’enfermement de cacun sur soi, de caque discipline sur elle-même, le dialogue est une circulation de la parole. À ce titre, il est un signe d’université. L’université, ce n’est pas la simple juxtaposition des savoirs, c’est leur rencontre. Celle-ci présuppose certes l’élaboration des savoirs, mais elle dépasse leur cloisonnement. L’université, par-delà la diversité des savoirs en raison de la diversité du réel, se réfère à l’unité qui est également celle du réel. Il n’y a de culture que lorsque la science qui est essentiellement partielle, même si elle connaît la tentation de la totalisation, s’ouvre à la pensée, laquelle a pour fonction de relier, c’est-à-dire de respecter la relationnalité du réel ; c’est elle, l’unité – différenciée – du
réel. Un groupe de dialogue comme celui que nous avons constitué est un signe d’université en tant qu’il est un laboratoire de la pensée. Celle-ci ne peut qu’être respectueuse de la science, des sciences, mais elle ne peut s’y limiter.
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La pensée, c’est le risque que nous prenons d’intégrer les savoirs scientifiques à ce qui les dépasse, à savoir la totalité du réel, qui est la diversité coordonnée à l’unité, et la totalité de l’être umain. La pensée, c’est l’aventure de l’advenue de la totalité du réel dans la totalité de l’omme. La pensée ne peut qu’écouer, en raison de la finitude de l’être umain. La grandeur de la pensée, c’est son umilité à endurer son écec et à signifier ainsi l’au-delà de la vérité dont le pressentiment la guide. Dans la pensée, la transcendance se signifie dans son mystère à la fois effectif et indicible. Ainsi entendue, la pensée est religieuse, au sens étymologique de ce mot : elle relie, et elle respecte ce qui la motive et qui en même temps lui écappe. Si la science est explicative, si elle travaille avec la catégorie de la causalité, en rapport avec les catégories du temps et de l’espace, du temps-espace, la pensée, dans et à travers ces catégories, est interprétative et à ce titre trans-catégorielle : elle a bien un lieu donné dans le temps et l’espace, mais elle n’est pas réductible à ce lieu ; elle est dans tel lieu temporel et spatial donné le pressentiment et parfois l’expérience de l’immédiateté, certes toujours diffé-renciée, jamais (con)fusionnelle, de l’Un au multiple, autrement dit de la coïncidence, de la concomitance de l’Un et du divers et dans ce sens de l’a-causalité. Le dialogue entre la science et la pensée en tant que religieuse au sens dit, c’est le crucifiement de l’une par l’autre, de la science par la pensée, de la pensée par la science ; il est l’intersection de, la conjonction entre, la démarce d’orizontalité caractéristique de la rationalité scientifique et la réceptivité spirituelle à la dimension de verticalité du réel cosmique et umain. La tension entre les deux est inaliénable, indépassable. Elle est, et donc le crucifiement est, la condition de possibilité vivifiante, constructive, de l’une et de l’autre. La tension est celle de la conscience dans sa plénitude vivante, et donc sa brûlure. Se prêter au dialogue entre les deux (science et pensée), c’est ne pas s’évader de ce qui est constitutif de notre umanité comme umanité, c’est au contraire l’affronter : cela seul umanise notre umanité.
Introduction
Solange Lefebvre Université de Montréal
L ’ du sens de la vie et de l’être umain est proprement moderne. Certes, elle nous vient de la pilosopie, mais elle se trouve exa-cerbée par la succession des découvertes scientifiques qui laissent nombre de personnes impuissantes à comprendre l’univers. Qu’est-ce que la vérité ? La foi religieuse n’est-elle plus qu’une option naïve après les révolutions en sciences pysiques et, plus récemment, l’extraordinaire percée des neuro-sciences ? Y a-t-il toujours une place pour la transcendance ? Ce livre contient des contributions de cerceurs des sciences pures et umaines, qui dialo-guent depuis plusieurs années, et qui réflécissent dans leur perspective propre sur le sens ou l’insignifiance de l’être umain. Le dialogue entre science et religion doit être une quête de coérence, si l’on veut en arriver à une compréension plus globale et complexe de la réalité umaine, caque discipline permettant de lever le voile sur une dimension particulière de l’expérience umaine. Sans que cette coérence se fasse, bien entendu, au prix d’une concession à quelque volonté concordiste, laquelle sacrifie toujours la diversité à l’unité et la pervertit en uniformité. Il s’agit du défricement d’un cemin d’ouverture. En première partie, le pysicien Louis Lessard réflécit sur les impacts des révolutions de la pensée scientifique. Après la révolution copernicienne, la position de l’omme dans l’univers prit une tout autre signification. Le discours scientifique moderne proclame que l’omme n’est pas le sommet de la création confessé par la Bible, mais le simple produit d’une évolution spécifique qui se serait déroulée dans une infime partie de l’espace, et ce, dans des conditions autement aléatoires. Ainsi envisagée, la question du sens de l’omme n’aurait-elle aucune pertinence sur le plan scientifique ? Quoique la science puisse exclure de sa démarce certains présupposés par
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coix métodologique, elle n’en est pas moins ouverte à l’exigence d’intelli-gibilité et de beauté de l’explication. La réflexion du pilosope Jean Grondin offre une conclusion similaire, puisqu’il rappelle que le monde du sens n’est pas une réalité inventée par l’esprit ou les constructions du langage umain, mais qu’il abite déjà les coses elles-mêmes dont la science nous aide à découvrir et admirer l’extraordinaire complexité. Grondin se pose la question du sens même de la question sur le sens de la vie. Après avoir rappelé que la question du sens de la vie est plus récente qu’on ne le croit souvent, il souligne que la question du sens, telle qu’on peut la poser à la lumière de la science moderne, n’est pas seulement celle de nosorigines(« pourquoi y a-t-il eu, par exemple, un?Big Bang »), elle est aussi celle de ladirection, de l’orientation et de la destinée de cette époustouflante aventure de la vie et de l’univers. Le pysicien Normand Mousseau réflécit sur d’autres récentes percées e de la pysique. Les percées téoriques du siècle en science ont été une telle réussite qu’elles ont poussé certains savants à annoncer la « fin de la e pysique ». Mais cette conviction fut vite ébranlée au siècle par l’avène-ment de la relativité d’Einstein, qui révolutionna notre conception de l’espace et du temps ainsi que par le développement de la mécanique quantique. Au cours des dernières années, une nouvelle avenue s’est dessinée pour les pysiciens, s’orientant autour des concepts d’émergence et decomplexité, concepts qui peuvent aussi bien s’appliquer à l’écelle de l’atome qu’à l’écelle de l’univers. Ces nouveaux concepts pourraient bien permettre d’opérer une révolution conceptuelle en pysique, une révolution où la pensée et la conscience de l’umain s’intégreraient parfaitement à l’univers matériel. Sommes-nous à l’orée d’une nouvelle compréension de l’être umain ? La téologienne Solange Lefebvre fait éco au dialogue conduit depuis trois ans et même plus, dès la création du Centre d’étude des religions (CÉRUM), entre l’émerveillement de Pascal et la finitude perçue par Einstein. Elle propose une réflexion sur les perceptions réductrices de la religion comme « frein » au cangement, question cruciale compte tenu de la logique expérimentatrice des sciences naturelles. Elle introduit aux téo-e logies du monde, qui ont ouvert au siècle un espace de dialogue avec les sciences naturelles. Celles-ci ont cependant atteint certaines limites, puis-qu’elles impliquaient la domination, en téologie, de la dynamique de l’istoire et du progrès indéfini, sur celle de la nature, de l’animal et du cosmos. Oui, la religion cange, à la faveur de ses efforts d’interprétation. La première partie se conclut sur deux contributions à la réflexion sur les neurosciences. Celles-ci ont vu apparaître au tournant de ce millénaire
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un nouveau camp de recerce à l’intersection entre la psycologie, la religion et les neurosciences. Le neuroscientifique Mario Beauregard endosse l’objectif premier de ces neurosciences, dites spirituelles, soit d’explorer le fondement neurobiologique des expériences religieuses, spirituelles et mys-tiques (ERSM). Il cerce à démontrer le caractère multidimensionnel des ERSM par le biais d’une analyse menée auprès de sœurs carmélites contemplatives affiliées à quelques monastères dans la province de Québec. Il démontre que leur expérience n’est pas réductible à une pure activité neuronale. Puis le téologien et bioéticien Hubert Doucet affronte l’ypo-tèse naturaliste en étique, se demandant si, à l’âge des neurosciences, il y a encore place pour les étiques de la transcendance. Il explore la vision de l’être umain que promeuvent certains neuroscientifiques, évacuant toute transcendance, de même qu’une position apocalyptique, selon laquelle les neurosciences instaureraient la fin de l’être umain et de la transcendance. Il conclut que nous n’avons pas à nous emprisonner dans l’une ou l’autre voie. La deuxième partie s’ouvre sur une analyse, par le pilosope Cristian Downs, de l’œuvre imposante de l’un des seuls téologiens francopones à affronter les redoutables questions soulevées ici, Gérard Siegwalt. Il s’en prend à l’absolutisation de l’objectivisme scientifique, soit la réduction de la nature et de l’être umain à des processus n’impliquant que des relations externes entre des objets, dépourvus de toute profondeur. Cette approce objectivante de la nature, développée à l’époque moderne, influence les rapports entre la science et la religion aujourd’ui. Downs montre comment Siegwalt la dépasse afin d’accéder à la question du sens. Dans la même veine, le téolo-gien Paul Allen s’interroge sur les modes de connaissance, religieux et scientifiques, souvent opposés de manière irréconciliable. Il résout l’opposi-tion en démontrant que les deux domaines font œuvre, à leur manière, d’explication ; comment les sciences naturelles et la téologie déploient toutes deux des vérifications continues et toutes aussi réussies de leurs téories et doctrines. Le pilosope Peter Odabacian se réfère à l’œuvre de Hans-Georg Gadamer (-) dans le cadre du dialogue à établir entre cosmologies téologiques et scientifiques. Il tente de jeter de la lumière sur les questions suivantes : quel rôle les sciences umaines jouent-elles dans la communauté plurielle des langues, religions et cultures depuis l’avènement de la conscience istorique ? Que signifie la transmission tecnoscientifique des signes, axée sur l’univocité des concepts pour la répétition des expériences, pour notre