Jusqu où la psychiatrie peut-elle soigner ?
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Description

D’un côté, une demande en pleine explosion : nombre de dépressions multiplié par six en trente ans, un quart des patients suivis par des généralistes présentant un trouble psychique, etc. De l’autre, une psychiatrie de l’avis de tous en pleine crise. Corporatismes et cloisonnements, organisation d’ensemble défectueuse, absence de consensus thérapeutique entre les différents acteurs : tout conspire pour que l’offre réponde mal à la demande. D’où vient cette crise ? Ne touche-t-elle pas aux fondements et à l’identité même de la psychiatrie ? Et surtout, comment faire pour que sa diversité devienne enfin une vraie richesse ? Psychiatre et psychanalyste, Marie-Christine Hardy-Baylé exerce à l’hôpital André-Mignot et est professeur de médecine à l’université de Saint-Quentin-en-Yvelines. Elle dirige le réseau de promotion pour la santé publique des Yvelines Sud. Elle a notamment publié, avec Pierre Hardy, Maniaco-dépressif : l’histoire de Pierre. Directeur d’hôpital, Christine Bronnec est chargée de mission pour l’évaluation des soins en psychiatrie à l’ANEAS et directrice adjointe du réseau de promotion pour la santé publique des Yvelines Sud.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 novembre 2003
Nombre de lectures 1
EAN13 9782738182647
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© O DILE J ACOB , NOVEMBRE  2003
15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
EAN 978-2-7381-8264-7
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo
Remerciements

Les pistes proposées doivent beaucoup au travail accompli depuis plus de quatre ans dans le Réseau pour la promotion de la santé mentale dans les Yvelines Sud. En effet, ce sont les rencontres avec les autres partenaires de soins qui ont conduit à devoir préciser la place du psychiatre dans le paysage des soins. C’est dans cette rencontre qu’ont pu apparaître les limites du champ théorique sous-tendant les pratiques des psychiatres et la nécessité de le remettre en cause. Nous devons ainsi beaucoup aux échanges avec les psychiatres d’exercices différents, les médecins généralistes, les psychologues, les infirmiers, les travailleurs du champ social, de l’éducation et de la justice, les différents établissements de santé et administrations, et, bien sûr, aux patients eux-mêmes, regroupés en association, et aux associations de famille, au premier rang desquels l’UNAFAM. De leur place spécifique, ils ont su interroger les contours de la psychiatrie.
Bien que s’appuyant sur une expérience partagée, les propos de ce livre n’engagent que les auteurs.
Introduction

La psychiatrie est en crise. Souvent mise sur le compte de l’augmentation de la demande et de l’insuffisance des moyens pour y répondre, cette crise a d’autres raisons, plus profondes, plus graves, plus difficiles à résoudre, qui touchent à l’identité même de la discipline, à ses guerres internes. Cette crise ne pourra pas se résoudre par une simple augmentation de ressources. En effet, si l’absence de volonté politique est souvent dénoncée par les professionnels, si un appel à de grandes réformes dans l’organisation des soins est toujours attendue, cette absence n’est pas uniquement le fait d’un manque de courage politique. Elle met en cause la capacité des psychiatres à proposer un projet médical cohérent et crédible. La multiplication des rapports demandés aux psychiatres par chaque ministre de la Santé prouve la préoccupation du politique pour les problème de santé mentale. Cette préoccupation est légitime. Il faut rappeler que la prévalence des troubles mentaux concerne une personne sur trois au cours de la vie. Trois millions de personnes souffrent de dépression en France, et 20 % d’entre elles de formes chronicisées 1 . Le nombre de suicides avoisine les 12 000 par an. La population suivie par la psychiatrie publique a augmenté de plus de 45 % entre 1990 et 1997, et le nombre de consultations libérales de 17 % sur la même période. Par ailleurs, le public ne reçoit pas toujours la réponse la plus adaptée. Le fait que les professionnels soient débordés n’est pas seul en cause. Le manque de lisibilité du système de soins est criant. Les personnes s’adressent dans un grand désordre aux différents praticiens susceptibles de leur apporter une réponse sans bien connaître la spécificité de chacun : médecin généraliste 2 , pédiatre, neurologue, médecin du travail, travailleurs sociaux, psychologue, psychiatre libéral, centre médico-psychologique, consultations psychiatriques en hôpital général ou services d’urgence. L’ampleur de l’activité des urgences témoigne du retard à la prise de décision adaptée.
Pourtant, les moyens attribués à la psychiatrie sont importants. Selon une étude récente, les dépenses affectées aux troubles mentaux s’élèveraient à plus de 10 milliards d’euros, et représenteraient le premier poste en termes de dépenses hospitalières 3 .
La profondeur de la crise n’est pas suffisamment perçue, même par les professionnels. Sa résolution impose une analyse de fond de ses causes. Les questions qui se posent concernent les logiques de décision à l’œuvre, à tous les niveaux. Comment les psychiatres choisissent-ils de répondre aux demandes qui leur sont adressées ? Sur quels consensus repose la pratique soignante susceptible de constituer l’identité du psychiatre ? Comment le psychiatre a-t-elle composé avec les autres professionnels impliqués avec lui dans l’accueil et le suivi de personnes présentant un trouble mental ? Comment l’organisation de l’offre de soins est-elle conçue pour répondre à la diversité de la demande et à la rapidité de son évolution ? Qu’est-ce qui guide les objectifs définis par les pouvoirs publics ?
L’organisation des soins devrait pouvoir s’appuyer sur une logique médicale cohérente, c’est-à-dire sur une définition claire du rôle et de la place des psychiatres, de la nature des prises en charge que l’on peut attendre d’eux. Or que propose la psychiatrie ?
En tant que discipline médicale, elle montre une richesse considérable de connaissances, une grande diversité d’outils thérapeutiques. Mais ce savoir est éclaté, dispersé entre écoles de pensées opposées. La balkanisation de la discipline est sans aucun doute responsable de la perte d’identité de la psychiatrie, diluée dans l’un ou l’autre des courants théoriques qui la parcourent, dont les principaux sont la psychanalyse, la neurobiologie et la pharmacologie, les thérapies cognitivo-comportementales, les thérapies de groupe. Ce qui pourrait constituer sa force fait sa faiblesse. En pratique, cette balkanisation rend compte du fait qu’un même patient, selon qu’il va voir tel ou tel psychiatre, n’aura pas la même réponse. Quant à l’organisation de l’offre de soins, faute de pouvoir s’appuyer sur des propositions cohérentes, représentant l’ensemble des connaissances, elle privilégie certaines approches, certaines modalités de prise en charge.
Mais la psychiatrie a une autre spécificité, attachée à sa place dans la société. Entre le projet de soins et le projet de société, quel est le rôle que la psychiatrie souhaite tenir ? Peut-elle renoncer à la dimension « politique » de son discours qui a marqué son histoire pour se recentrer sur la dimension « médicale » qui constitue non seulement sa seule légitimité en tant que soignant, mais également sa mission ?
La psychiatrie est consciente de l’urgence qu’il y a à mieux définir ses missions 4 . Elle appelle les professionnels à se rassembler autour d’une identité qui serait bio-pychosociale. Mais elle ne dit rien quant à ce que recouvre cette notion. Les médecins généralistes, eux aussi, se réclament d’une telle approche. La spécificité de la psychiatrie réside dans la manière de décliner le contenu des trois termes et la nature des liens qui les unissent. Le faire impose des choix. Ne pas le faire laisse persister le flou concernant ses limites d’intervention et ses zones de compétences, et entretient des confusions, d’une part, entre les métiers de psychiatre, de médecin généraliste, de neurologue ou de psychologue et, d’autre part, sur les relations de la psychiatrie avec le social. Les controverses qui s’expriment autour de la notion de santé mentale rendent compte de ces confusions. Pour la majorité de la profession, ce terme renvoie à la nécessaire inscription des soins dans un projet plus vaste de santé publique prenant en compte la prévention et la réinsertion des patients et pas seulement le soin 5 . Dans ce sens, la psychiatrie doit prendre en compte les facteurs sociologiques intervenant dans les troubles qu’elle prend en charge. Les conditions de vie, l’influence de la société sur l’organisation des soins, l’importance de la réinsertion sont des facteurs que la psychiatrie doit intégrer. Mais d’autres voient dans cette notion de santé mentale le risque d’une socialisation de la psychiatrie ou, a contrario , celui d’une psychiatrisation de la société. Nicole Horassius 6 l’exprime ainsi : « Il existe une attente sociale à l’égard de la psychiatrie afin que celle-ci “soigne” les comportements désadaptés, sans distinction claire entre anormalité du point de vue social, comportemental ou légal, et trouble psychiatrique. » Elle dénonce cette instrumentalisation de la profession en y voyant le risque d’une « perte de spécificité de la psychiatrie au niveau de son image sociale ». Pourtant, l’accroissement considérable de la demande ne peut s’expliquer par « une dilution sociale excessive de la réponse » psychiatrique. En effet, cette demande « reste très en deçà de ce que les enquêtes épidémiologiques de prévalence des troubles mentaux en population générale laissent entrevoir 7  ». Ainsi, beaucoup de personnes souffrant de trouble mental n’ont pas recours au système de soins. Entre une demande d’intervention dans des champs qui ne serait pas de sa compétence et une prise en charge insuffisante des patients qui devraient y avoir recours, la psychiatrie se doit de définir les priorités et les moyens d’y répondre.
Pour poser sa spécificité, la psychiatrie doit résoudre la difficile question du choix de ses options théoriques qui guident les pratiques de soins. Le psychiatre est-il un médecin comme un autre, dont l’essentiel du métier serait de manier les outils pharmacologiques et biologiques ? Est-il psychanalyste, privilégiant le sens conféré par le sujet aux troubles ? Comment intègre-t-il dans sa pratique les nouvelles approches thérapeutiques que sont les thérapies cognitivo-comportementales et les thérapies systémiques ?
La psychiatrie est consciente de la nécessité de combiner les différents discours théoriques pour rendre compte de la complémentarité des outils thérapeutiques. Le concept

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