Près de 40 ans après l’implantation de son régime public et universel d’assurance maladie, le Québec voit renaître – sous des formes apparemment nouvelles et avec plus de force que jamais – le vieux débat sur la prestation et le financement privés des services de santé. À en croire certains discours, le système sera inéluctablement amené à faire une place de plus en plus grande au privé. On connaît les arguments : « Notre système est le seul à ne pas autoriser le financement privé » ; « Avec le vieillissement de la population, le financement public devient insoutenable » ; « Le système public ne peut pas s’offrir les nouveaux médicaments et les nouvelles technologies » ; « La mondialisation impose la privatisation »… Ces raisonnements résistent-ils à l’examen ? Que nous enseigne l’expérience des autres pays ? Dans quelle mesure le système québécois fait-il figure d’exception ? Au-delà des discours des uns et des autres, que nous apprennent les recherches scientifiques sur le rôle du privé en santé, à la lumière des trois variables fondamentales que sont la place qu’il prend dans le financement, la production des services et la gouvernance du système ? La santé est un enjeu politique qui est au coeur du devenir de la société et du débat constant qu’elle mène sur elle-même. C’est pourquoi il est si important de prendre la mesure des défis qu’affronte le système public, défis que les arguments en faveur du privé ne saisissent que partiellement. C’est ce que font les auteurs de ce livre. Leurs conclusions : le régime québécois doit s’adapter, il doit innover et il doit être adéquatement régulé. Des solutions existent et d’autres doivent être trouvées qui renforceront un système de santé efficient, de qualité et accessible à tous. Avec les textes de : François Béland, Howard Bergman, Henriette Bilodeau, Régis Blais, Mélanie Bourque, Mylaine Breton,Caroline Cambourieu, André-Pierre Contandriopoulos, Damien Contandriopoulos, Marc-André Fournier, Marjolaine Hamel, Myriam Hivon, Raymond Hudon, Tania Jenkins, Louise Lafortune, Paul A. Lamarche, Pascale Lehoux, Jean-Frédéric Lévesque, Antonia Maioni, Christopher Manfredi, Steven Morgan, Richard Ouellet, Gilles Paradis, Raynald Pineault, Marie-Pascale Pomey , Marie-Claude Prémont, Amélie Quesnel-Vallée, Danièle Roberge, Lionel Robert, Philippe Roseberry, Lee Soderstrom, Adriana Trigub Clover, Louise-Hélène Trottier.
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Extrait
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l e p r i v éd a n s l a s a n t é
Les discours et les faits
Sous la direction de François Béland, AndréPierre Contandriopoulos, Amélie QuesnelValléeetLionel Robert
Les Presses de l’Université de Montréal
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Sous la direcion de François Béland, André-Pierre Conandriopoulos, Amélie Quesnel-Vallée e Lionel Rober
LE PRIVÉ DANS LA SANTÉ
LES DISCOURS ET LES FAITS
Les Presses de l’Université de Montréal
Caalogage avan publicaion de Biblioèque e Arcives naionales du Québec e Biblioèque e Arcives Canada
Vedee principale au ire : Le privé dans la sané Comprend des réf. bibliogr. ---- . Sané, Services de. . Éablissemens privés de soins, de cure, ec. . Privaisaion. . Sané, Services de - Réforme. . Sané, Services de - Québec (Province). . Rober, Lionel, - .
Les Presses de l’Universié de Monréal reconnaissen l’aide financière du gouvernemen du Canada par l’enremise du Programme d’aide au développemen de l’indusrie de l’édiion (PADIÉ) pour leurs aciviés d’édiion. Les Presses de l’Universié de Monréal remercien de leur souien financier le Conseil des Ars du Canada e la Sociéé de développemen des enreprises culurelles du Québec (SODEC).
imprimé au canada en novembbre 2008
AVANT-PROPOS
Depuis plus de dix ans, les ribunaux son devenus parie prenane des débas sur le privé dans la sané. Leur rôle a culminé avec le jugemen conroversé de la Cour suprême du Canada, en juin , dans le cas Caoulli c. Québec. Ce jugemen sur éroie division, quare juges en faveur, rois en défaveur, vise deux disposiions législaives du Québec qui inerdisen aux assureurs privés de vendre des conras d’assurance pour les soins de sané assurés par les régimes publics d’assurance ospialisa-ion e d’assurance maladie. La majorié conclu que lorsque les délais d’aene pour les soins son déraisonnables, cee proibiion pore aeine au droi à la vie e au droi à la sécurié de la personne garanis par la Care québécoise des drois e liberés. Cee conclusion de la Cour suprême renversai l’opinion des quare juges des ribunaux du Québec qui s’éaien préalablemen pencés sur la quesion. En effe, la Cour supérieure e la Cour d’appel du Québec avaien rejeé la requêe en juge-men déclaraoire de Jacques Caoulli e Georges Zeliois. Les réacions médiaiques au jugemen de la Cour suprême on éé rès vives parou au Canada. Les images uilisées ne manquen pas de force : bombe poliique, vériable sunami, dernière cance pour le sysème de soins, mise à mor des myes du sysème, révoluion poliique. À peine rois mois après le jugemen, en sepembre , un premier colloque se ien à l’Universié de Torono, don on rouve le compe rendu dans un livre imporan :Access o Care, Access o Jusice. En-deors de l’enceine judiciaire, le déba a aussi souven adopé une réorique aux accens caasropises. Par exemple, le avril , duran les audiences de la Commission parlemenaire des affaires sociales à
. Flood, Colleen, Ken Roac e Lorne Sossin (dir),Access o care, access o jusice, he Legal Debae Over Privae Heal Insurance in Canada,Universiy of Torono Press, .
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l’Assemblée naionale du Québec, le premier organisme à êre enendu fu r la Fédéraion des médecins spécialises. Son présiden d’alors, le D Yves Dugré, dénonçai la mainmise du public dans le sysème de sané québé-cois, cian comme rares équivalens Cuba e la Corée du Nord. Loin de conredire cee affirmaion, le minisre de la Sané e des Services sociaux r d’alors, le D Pilippe Couillard, la reprenai à son compe dans le même déba, parlan de l’« un des seuls endrois au monde, avec Cuba e la Corée du Nord, à avoir un sysème de monopole d’Éa sur la sané. » Le du même mois e dans la même enceine, Micel Clair, ancien minisre péquise, ex-présiden de la Commission d’éude sur les services de sané e les services sociaux e acuel présiden du Groupe Sané Sedna s’éonnai qu’on puisse penser que « producion privée égale baisse de la qualié, exploiaion des ravailleurs, baisse de l’accessibilié, puis privaisaion du financemen », qualifian ces idées de « légende universiaire »… Ces exemples n’illusren que rop bien le fai que souven, les discours caégoriques ne reposen pas sur des connaissances solides. Ce que nous voulons monrer dans ce livre, c’es qu’il exise des données bien éayées e de nombreuses analyses qui permeen de faire une lecure différene de cerains argumens e qui fon prendre conscience des abus réoriques qui faussen les débas sur le privé en sané. Plus imporan encore, les aueurs idenifien dans ces pages les défis que le sysème public doi relever e fon éa de plusieurs soluions émergenes qui son auan de pises à suivre. Ce livre veu conribuer à éablir les bases sur lesquelles un nouveau dialogue sur le rôle du privé dans la sané pourrai se dérouler. Acuellemen, le déba sur l’avenir du sysème de sané semble n’offrir aucune aure pore de sorie que le recours au privé comme soluion universelle. Les données e les analyses qui suiven monren pouran que les argumens abiuels concluan à la non-viabilié du sysème public son scienifiquemen peu fondés. En déconsruisan les discours qui alimenen le déba e en invian à invesir celui-ci en an qu’il es une manifesaion de la vie démocraique, nous espérons pariciper à l’élabo-raion de soluions qui permeron de renforcer le sysème public d’as-surance maladie de sore que oue la populaion puisse avoir accès à des services de sané de qualié, quand elle en a besoin. Dès l’annonce de la décision de la Cour suprême, en , le Réseau de recerce en sané des populaions du Québec (RRSPQ) a décidé d’iner-
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venir dans le déba sur le privé dans la sané, non pour prendre posiion, mais pour souenir le processus de prise de décision e pour informer le public en analysan les fais scienifiques e les expériences mondiales perinenes. Ce réseau, qui es un regroupemen informel des cerceurs québécois, a donc mis sur pied un groupe inerdisciplinaire de cerceurs pour offrir un éclairage scienifique sur les enjeux liés au rôle du privé dans la sané. Grâce à un financemen d’appoin e aux ressources d’en-cadremen du RRSPQ, ce groupe a conribué de façon significaive à diffuser l’informaion la plus juse possible. Le RRSPQ ien à exprimer aux cerceurs sa sincère reconnaissance. Ce livre représene l’abouissemen des ravaux des membres de ce groupe de ravail e des expers qui s’y son ajoués. Ces cerceurs on coisi de se confroner à des quesions plus larges que celles que présene l’acualié immédiae. Le déba public devra mainenan se poursuivre, en se basan sur les meilleures données scienifiques disponibles. Souaions que l’ouvrage aide à dépasser la polarisaion qui a caracérisé le déba e qu’il donne à d’aures l’envie de souenir e de réaliser de nouvelles recer-ces. Souaions, surou, qu’il aide à rouver de façon démocraique des soluions aux problèmes bien réels du sysème de sané québécois.
Gilles Paradis Direceur scienifique RSSPQ
Lionel Robert Coordonnaeur du comié édiorial
INTRODUCTION GÉNÉRALE
Pour une nouvelle lecture du débat sur le privé dans la santé
André-Pierre Conandriopoulos, Lionel Rober, François Béland e Amélie Quesnel-Vallée
Au cours des cinquane dernières années, aucune insiuion, dans aucun pays, n’a soulevé auan d’espoirs ou en éan source d’auan de débas e de désarrois que le sysème de sané. Cee ambivalence es apparene dans les sondages. Au Canada, on es aacé au sysème de sané, mais on crain pour son avenir : plus de % des cioyens pensen que la sané es le principal enjeu auquel doiven faire face les gouvernemens. On s’inquièe de la qualié insuffisane des ser-vices – seulemen % des Canadiens esimen qu’ils son d’excellene qualié (Conference Board, ) – e l’on rouve les files d’aene inad-missibles. La populaion répèe, depuis plus d’une décennie, son souai d’avoir des services de qualié e accessibles pour ous (EKOS, ). Néanmoins, on coninue à croire que la médecine apporera une soluion à ous nos problèmes e à oues nos angoisses. On esime que le rôle de l’Éa es esseniel pour assurer l’équié dans l’accès aux soins, e pouran, une proporion de plus en plus grande de la populaion se di prêe à payer pour avoir un meilleur accès aux soins (Léger Markeing, ). Pour comprendre ces paradoxes qui ne son pas propres au Québec ou au Canada, il es insrucif de parir d’un double consa e d’en examiner les conséquences. Le premier consa es que les sysèmes de sané des pays occidenaux, malgré la rès grande diversié de leurs arrangemens insiuionnels
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(formes de financemen, degrés de décenralisaion, disponibilié des ressources), fon face aux mêmes défis : pénuries d’équipemens e de personnel dans les ôpiaux ; aenes souven longues pour l’accès aux soins e aux ecnologies de poine ; dévalorisaion de la médecine de première ligne e manque d’inégraion avec le rese du sysème ; ensions croissanes enre les assureurs publics e privés ; débas sur la privaisaion; problèmes de qualié des soins ; incapacié à conenir la ausse du coû des médicamens ; scandales à répéiion sur des soins donnés aux per-sonnes âgées ; e, de façon générale, inerrogaions sur la viabilié écono-mique des régimes publics d’assurance maladie. Le second consa es que les mêmes soluions son parou explorées – mainenir ou accroîre le financemen public, inégrer les soins, accroîre la qualié – mais qu’elles ne son implanées que de façon parielle, ou pas du ou. Les conséquences de ces consas son de deux ordres. Le premier concerne l’origine des problèmes : si les sysèmes de soins des différens pays, malgré la variabilié de leurs arrangemens insiuionnels, fon face aux mêmes défis, les causes son à rouver dans les difficulés à inervenir sur les grands pénomènes qui influencen ous les sysèmes de sané, soi le développemen des connaissances e des ecniques, le vieillissemen de la populaion, la dégradaion de l’environnemen e la mondialisaion des écanges e des marcés financiers. Le caracère universel de ces faceurs explique que les sysèmes de soins des pays rices connaissen ous des difficulés similaires. La seconde conséquence pore sur la capacié de réformer les sysèmes de sané. Le problème ne semble pas êre de savoir ce qu’il fau faire, mais bien de savoir commen mere en œuvre ce qui es souaiable (Conandriopoulos, ). Au Québec par exemple, le specre de la crois-sance débridée des dépenses de sané, qui réapparaî de façon régulière dans les médias depuis la mise en place de l’assurance maladie dans les années , ser régulièremen de préexe pour remere en cause la viabilié financière d’un régime d’assurance public e pour recommander, au nom du pragmaisme, l’accroissemen du financemen privé. Au lieu de s’appuyer sur les connaissances exisanes pour enreprendre les réformes nécessaires, on ien un discours alarmise qui ne fai que rearder l’implanaion des ransformaions requises. On répèe : « Nore sysème es une excepion, il es le seul à ne pas auoriser le financemen