Antonio Gramsci
594 pages
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Antonio Gramsci , livre ebook

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Description

« Pour vingt ans nous devons empêcher ce cerveau de fonctionner ». C'est par ces mots que le représentant du ministère public, Michele Isgrò commente la sentence qui, le 4 juin 1928, condamne Gramsci à une peine de 20 ans 4 mois et 5 jours de prison. Pourquoi un tel acharnement ? Parce que Mussolini savait combien pouvait être « dangereux », pour le pouvoir fasciste et pour les classes possédantes, un révolutionnaire, secrétaire général du jeune Parti Communiste d'Italie, qui savait allier de façon aussi magistrale profondeur théorique et volonté politique, vision stratégique et habileté tactique. En Gramsci, l'homme de culture et le dirigeant communiste ne font qu'un : en effet, ce n'est pas seulement pour se faire l'historien de la République jacobine ou du Risorgimento, par exemple, que Gramsci s'intéresse à ces grands moments de l'histoire européenne, mais c'est aussi, et surtout, pour examiner et comprendre comment, dans des conditions historiques déterminées, se sont construites ces volontés collectives qui sont les véritables actrices de l'histoire. Et construire une nouvelle volonté collective capable de renverser la domination planétaire du capitalisme libéral, n'est-ce pas le problème politique majeur de notre époque ? La pensée de Gramsci peut nous aider à le résoudre : c'est en cela que par beaucoup d'aspects elle est toujours vivante.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 18 mars 2016
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342047042
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0064€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Antonio Gramsci
Jacques Ducol
Connaissances & Savoirs

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Connaissances & Savoirs
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
Antonio Gramsci
 
 
 
 
Pour Manon
 
 
Sur la tombe de John Keats, proche de celle de Gramsci, on peut lire ces mots du poète anglais mort en 1821, à 26 ans :
«  Here lies one whose name was writ in water  1  » .
 
Ces mots me parleront toujours de Manon, comme le poète anglais elle aussi disparue bien avant le temps, et qui aurait aimé voir édité et lire le livre de « tonton ».
 
Ces mots me parleront toujours du courage et de la dignité admirables d’Etienne qui porta les cendres de sa sœur jumelle jusqu’à la terre qui maintenant les accueille.
 
Ces mots me parleront toujours de ce matin ensoleillé de juin, quand nos larmes et nos sanglots se noyèrent dans un long et silencieux fleuve de roses.
 
 
 
Avertissement
 
 
 
Les références et les citations provenant des œuvres en italien de Gramsci sont insérées dans le texte lui-même, tandis que les références à tous les autres ouvrages seront indiquées par des notes de bas de page : la traduction de tous les textes italiens est la nôtre. Un index de la plupart des noms cités dans le texte, accompagné de quelques brefs éléments de biographie, sera proposé à la fin du livre.
 
 
1 - Q =  Quaderni del carcer e ( Cahiers de prison ), édition critique de l’ Istituto Gramsci en 4 volumes, Einaudi Tascabili, 2001 (première édition en 1975). La numérotation des pages est continue tout au long des 4 volumes :
-  Volume I ( Cahiers 1 à 5 ) : p. 5 à 682.
-  Volume II ( Cahiers 6 à 11 ) : p.683 à 1509.
-  Volume III ( Cahiers 12 à 29 ) : p. 1511 à 2362.
-  Volume IV ( Ensemble des notes critiques ) : pages 2363 à 3370.
 
Par exemple, les références seront donc indiquées comme suit : numéros du Cahier et de la page ( Q8 , § 101 , 1000 ).
 
2 - LC =  Lettere dal carcere ( Lettres de prison ) : plusieurs éditions, en général classées par dates (quel que soit le destinataire) étant disponibles en italien, pour chaque lettre citée, par commodité, nous indiquerons le destinataire, la date, puis la page correspondant à l’édition que nous avons utilisée : Antonio Gramsci, Lettere dal carcere , Sellerio editore, Palermo, seconde édition, 2013 ; ainsi, par exemple ( LC , à Tania, 13 janvier 1930, 150 ).
 
3 - CT =  Cronache torinesi 1913-1917 ( Chroniques turinoises ), Nuova Universale Einaudi, 1980.
 
4 - SR =  Scritti revoluzionari 1919-1926 ( Ecrits révolutionnaires ), Gwynplaine Edizioni, 2008.
 
5 - NCF =  La Nostra città futura, Scritti torinesi 1911-1922 ( Notre cité future, Ecrits turinois ), Fondazione Istituto Gramsci, Carocci, 2004.
 
Mentionnons ici également ce remarquable et incontournable outil que représente le Dizionario Gramsciano 1926-1937 , Editions Carocci, 1 ère réédition de février 2011, 918 pages, ouvrage collectif réalisé sous la direction de Guido Liguori et de Pasquale Voza.
 
 
 
Introduction
 
 
 
1) Gramsci évité et oublié
La pensée et l’action d’Antonio Gramsci, l’un des fondateurs d’un Parti communiste italien aujourd’hui disparu (l’acte final de sa dissolution aura lieu au congrès de Rimini, fin janvier 1991, soixante-dix ans, presque jour pour jour, après sa naissance à Livourne, fin janvier 1921), suscitent un intérêt grandissant dans le monde entier, et sont l’objet d’études approfondies sur tous les continents où des peuples toujours plus nombreux cherchent à construire un avenir débarrassé de toute forme d’exploitation et d’aliénation. Par contre, en Europe, et en premier lieu en Italie, son propre pays, l’image de Gramsci apparaît quelque peu poussiéreuse, et, si elle est évoquée, c’est avec peu d’enthousiasme, voire avec beaucoup de réticences, quand elle n’est pas rendue totalement obscure. « Etudié dans le monde entier, tu as presque été oublié en Italie, […] pratiquement remisé au musée des antiquités. Je me souviens du débat qu’il y eut en Italie en 1987, cinquante ans après ta disparition. Mais alors il y avait encore le Parti communiste italien, le parti que tu avais fondé. Peut-être qu’aujourd’hui la gauche italienne n’aime plus la pensée… » 2 .
La gauche italienne seulement ? Le Parti communiste français et la gauche française en général n’ont jamais vraiment voulu comprendre l’importance théorique et politique de la pensée réellement visionnaire de Gramsci, n’ont pas reconnu le caractère profondément géopolitique de certaines thèses du dirigeant communiste italien. Dans l’une de ses interventions lors d’un récent colloque intitulé « Gramsci, la renaissance » 3 , André Tosel remarque qu’on ne peut pas parler de « renaissance » gramscienne en France, parce qu’il n’y a jamais vraiment eu de « naissance » ; et André Tosel d’ajouter que le seul philosophe français qui a vraiment lu Gramsci et compris la nouveauté de ses thèses (bien qu’il n’en ait pas cependant tiré les bonnes conséquences, précisa-t-il) est Louis Althusser : c’est en effet la lecture des Cahiers de prison qui fera découvrir Machiavel à Althusser, c’est également la réflexion gramscienne sur les appareils idéologiques nécessaires pour asseoir durablement l’ hégémonie de la classe dominante qu’Althusser va essayer d’exploiter à travers le concept d’Appareil Idéologique d’Etat (AIE). Assez curieusement cependant, pour les dirigeants communistes français des années soixante et soixante-dix, à l’instar du philosophe Guy Besse qui fut membre du Bureau politique du PCF, le premier mérite de l’œuvre d’Althusser serait de n’avoir fait que montrer les « limites » de la pensée de Gramsci, notamment les limites de son historicisme qui ne serait qu’une nouvelle forme de relativisme. Cette critique, qui à notre avis, comme nous aurons l’occasion de le montrer, n’est pas fondée, nous la retrouvons dans les écrits de Lucien Sève qui, en tant que philosophe membre pendant longtemps du Comité central du PCF, a joué un rôle majeur dans la divulgation et l’approfondissement critique de la pensée marxiste en France. Dans Une introduction à la philosophie marxiste 4 , il note que la principale faiblesse de l’historicisme gramscien tient au fait que ne sont pas suffisamment pris en compte « les rapports des hommes avec la nature », qu’il n’est accordé que « fort peu d’attention au rôle des forces productives, c’est-à-dire en fait à leur dimension de rapport naturel  » : prenant l’exemple de la catégorie gramscienne de praxis , il conclut que si d’un côté elle « retient fortement l’unité de l’homme et de la nature, la practicité du savoir et du projet », d’un autre côté elle « affaiblit l’autre aspect, celui de l’objectivité de la connaissance, de l’extériorité de la nature » 5 . Certes, sur le plan philosophique, Lucien Sève reconnaît que Gramsci s’inscrit toujours dans une perspective matérialiste : mais est-il pour autant autorisé à affirmer que, sur le plan de la théorie politique, le concept d’ hégémonie – dont l’auteur n’entend pas examiner « le sens politique global » 6 , ce qui est en l’occurrence bien dommage – substitue « à l’idée de rôle dominant celle d’influence dirigeante, à l’idée d’instance coercitive et répressive celle de force expansive », ce qui conduirait à sous-estimer « l’ampleur et la portée du processus de luttes des masses et de conquêtes de nouvelles positions démocratiques » ( ibid. ). Ces prises de position, de nouveau avancées dans un ouvrage plus récent où sont également évoquées des discussions avec André Tosel 7 , nous autorisent-elles à penser que Lucien Sève, comme l’actuel PCF 8 , serait resté a-gramscien , selon l’expression utilisée par Marco Di Maggio ? 9 On peut alors faire l’hypothèse que le PCF, comme bien d’autres partis communistes d’hier et d’aujourd’hui, n’a pas saisi le caractère profondément novateur, dans le cadre du marxisme, de la théorie gramscienne de l’ hégémonie . En effet, pour Gramsci, le socialisme et le communisme ne doivent plus être considérés seulement comme mouvement de classe du prolétariat pour l’amélioration de ses conditions d’existence et pour son émancipation politique et sociale, mais, bien plus, comme force propulsive d’un plus vaste mouvement de rénovation et de reconstruction de toutes les forces sociales qui au sein de chaque nation doivent engager ou continuer le combat pour se libérer, c’est-à-dire pour sortir de leur état de classes subalternes et asseoir durablement leur propre hégémonie.
L’oubli de Gramsci a une histoire. Qui, même en Italie, connaît Gramsci pendant les années de la Résistance et de la lutte partisane ? Qui en a entendu parler dans les années de l’immédiat après-guerre ? A vrai dire, peu, voire très peu de monde, savait et sait aujourd’hui que d’avril 1924 à novembre 1926 a été élu en Vénétie un député communiste appelé Antonio Gramsci, secrétaire général du Parti communiste d’Italie depuis le congrès de Lyon en janvier 1926. Il est incontestable qu’une véritable chape de plomb s’est abattue sur l’Italie pendant vingt ans : et c’est tout à l’honneur de Palmiro Togliatti – quelles qu’aient été par ailleurs les ambiguïtés de l’attitude de celui que son entourage familial et Gramsci lui-même n’hésiteront pas à appeler « l’ex-ami » – d’avoir éminemment contribué à faire connaître les Cahiers de prison et les Lettres de prison qui constituent un immense patrimoine de réflexions politiques et théoriques, sans parler de leur qualité littéraire reconnue. Oublier Gramsci à notre époque où domine presque sans partage le système capitaliste libéral, c’est, du moins selon nous, oublie

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