Et l homme créa l animal : Histoire d une condition
204 pages
Français

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Et l'homme créa l'animal : Histoire d'une condition , livre ebook

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Description

Il y a eu la vache " folle " tremblante et flageolante. Et les gigantesques tas de carcasses, embrasés pour éradiquer la fièvre aphteuse. Il y a désormais les bêtes clonées, bientôt produites à la chaîne comme des boîtes de conserve. Ces faits ont frappé l’opinion. Par leurs conséquences humaines, mais aussi parce qu’ils révèlent combien les animaux sont devenus dépendants des hommes. Comment en est-on arrivé là ? Comment est-on passé de la domestication des premières espèces sauvages au dressage des pitt-bulls, devenus les meilleurs amis des délinquants pour attaquer ou combattre ? Que faut-il faire des ours des Pyrénées, des loups des Alpes, des palombes du Sud-Ouest pour lesquels s’affrontent chasseurs et écologistes ? Bref, faut-il avoir peur de cette mainmise croissante de l’homme sur l’animal ?Historien, spécialiste de l’animal, Éric Baratay est professeur à l’université Jean-Moulin de Lyon.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mars 2003
Nombre de lectures 1
EAN13 9782738170248
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0950€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

ÉRIC BARATAY
ET L’HOMME CRÉA L’ANIMAL
Histoire d’une condition
© O DILE J ACOB, MARS 2003 15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
ISBN : 978-2-7381-7024-8
www.odilejacob.fr
Le Code de la propriété intellectuelle n’autorisant, aux termes de l’article L. 122-5, 2° et 3° a, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
À mon père, parti pour le long voyage, et à ma fille, Bénédicte.
Vaches folles, cochons clonés et compagnie

Qui n’a pas à l’esprit les images de ces vaches « folles » tremblantes et flageolantes, réduites à l’état de loques par une encéphalopathie ? Un mal provoqué par une alimentation surréaliste à base de farines composées avec les énormes déchets d’abattoir et de pêche dont on ne sait que faire, des produits peu coûteux mais qui transforment des herbivores en carnivores avec les conséquences qu’on sait. Ces jeux d’apprentis sorciers, marqués par la négation des réalités biologiques et l’obsession des transgressions, sont ensuite difficiles à maîtriser. La maladie de la vache « folle » n’est pas endiguée. Elle se transmet à des sujets nés après l’interdiction des farines, voire à des troupeaux nourris aux champs. La poursuite de l’utilisation des farines pour d’autres espèces animales, notamment les poissons d’élevage en mer ou en eau douce de plus en plus consommés, laisse craindre d’autres épidémies. À quand le « poisson fou » qui déroutera un peu plus des consommateurs tentés d’abandonner le bœuf pour un poisson qu’ils croient plus naturel ?
Que dire de ces brebis, chats ou cochons clonés qui seront bientôt reproduits en série et à la chaîne comme des boîtes de conserve ? Les cochons, par exemple, modifiés, immunisés, calibrés, transformés en OGM comme le maïs ou le blé, serviront à l’alimentation ou à la médecine sans qu’on puisse encore mesurer les répercussions de cette artificialisation accrue. Vaches folles et cochons clonés ont fait concentrer la lumière médiatique sur les conditions singulières des poules ébéquées, des veaux engrillagés ou des truies ligotées dans les élevages industriels en batterie. Cela a relevé aux yeux du plus grand nombre l’attitude problématique des agronomes et des industriels qui cherchent moins à modifier les conditions de la production qu’à inventer des variétés animales aptes à les supporter.
Qui ne connaît pas aussi le cas de ces ours des Balkans importés à grands frais et introduits dans les Pyrénées pour remplacer les plantigrades indigènes autrefois exterminés dans l’allégresse ? Refusés, pourchassés en silence et tirés « accidentellement » par les uns, surveillés et protégés à l’aide de coups médiatiques par les autres, ces animaux sont devenus les symboles du statut de plus en plus particulier des bêtes sauvages qui ont de moins en moins le droit de l’être. Ainsi, le retour de quelques loups dans les Alpes a été l’occasion de polémiques entre ceux qui les érigent en monuments naturels, bientôt visitables, et ceux qui ne leur accordent plus de place et leur attribuent tous leurs malheurs.
Qui n’a pas enfin ressenti des frissons en croisant ces pit-bulls aux gueules surpuissantes, véritables pièges à mâchoire, et aux comportements détournés vers la violence par des délinquants qui les utilisent comme auxiliaires pour attaquer, combattre ou protéger leur fuite ? Ces bêtes effraient d’autant plus qu’elles contredisent l’image du chien meilleur ami de l’homme, qui l’avait emportée au XX e  siècle. Ce renversement de perception est accentué par le bouleversement récent de la catégorie des animaux de compagnie avec l’essor de nouvelles espèces, encore inconcevables à cette place il y a peu, comme les serpents, les iguanes, les rats ou les araignées.
L’écho de ces situations est désormais très fort dans l’opinion publique alors qu’elles suscitaient l’indifférence les décennies précédentes. Sans doute, cela vient-il surtout des conséquences qu’elles dévoilent peu à peu pour les hommes, inquiets des risques du prion, du clonage, des maladies importées par les bêtes exotiques et des dangers potentiels que celles-ci représentent. Car, derrière l’artificialisation des conditions, les modifications génétiques, les fabrications en série, l’industrialisation de l’alimentation, c’est bien Le Meilleur des mondes d’Aldous Huxley qui paraît se profiler inéluctablement pour les bêtes mais aussi pour les hommes comme le montre la tentation croissante d’un clonage humain. D’autant plus que les politiques se montrent souvent impuissants ou dépassés face au développement des techniques, à la puissance des empires industriels, à l’affrontement des groupes de pression. Cependant, ces exemples médiatisés ont aussi révélé combien le monde animal est dépendant de l’homme, à quel point celui-ci le contrôle et l’artificialise dans des conditions qui, maintenant, posent question, dérangent, voire suscitent une mauvaise conscience.
L’homme est devenu le facteur principal de la condition animale et de l’évolution de celle-ci en créant, gérant, utilisant, protégeant, détruisant à volonté. Bien sûr, toutes les espèces ne sont pas contrôlées par l’homme ou pas au même degré. Quantité de protozoaires, d’invertébrés, de petits vertébrés vivent plus ou moins indépendamment de lui, même s’ils résident dans un milieu très anthropisé comme la ville, même s’ils prospèrent en parasites comme les rats ou les acariens. Il reste que, dans un pays comme la France, la pression humaine est de plus en plus forte avec des prélèvements importants chaque année, des bouleversements réguliers des milieux, l’anthropisation croissante de ceux-ci par les réseaux de communication et l’urbanisation, l’utilisation récente et massive de pesticides et d’insecticides, la pollution des terres, des eaux, de l’air, etc. Les espèces non maîtrisées sont contenues, surveillées, voire éliminées plus ou moins volontairement. Les autres, des mammifères aux poissons en passant par les oiseaux, sont contrôlées au point d’être artificialisées, avec des effectifs renouvelés par les élevages et les lâchers de repeuplement. Les bêtes domestiques, de rente ou de compagnie, sont fabriquées, utilisées, détruites selon le bon vouloir humain.
Cette condition des animaux ne dépend pas que de contrôles physiques divers et variables, mais aussi de la manière dont les espèces sont pensées et représentées par les hommes. Le statut de l’animal résulte d’une combinaison complexe de traitements et de perceptions unis par des relations et des interactions. Pour être justifiés, les traitements s’appuient sur des représentations préexistantes ou génèrent des représentations adéquates. Celles-ci créent ensuite des attitudes qui, à leur tour, renforcent ou modifient les perceptions. Ainsi la fabrication, l’utilisation, la mise à mort, la transformation, la manducation des bêtes par l’homme constituent les aspects les plus concrets et les plus saillants de la condition animale. Ils sont sous-tendus ou engendrés par les conceptions philosophiques, religieuses, scientifiques, populaires, mais aussi par l’imaginaire humain qui utilise l’animal en divers répertoires, de la pulsion émotionnelle à la création artistique. Pensées rationnelles et imaginations vagabondes créent ainsi des animaux virtuels, adaptés aux désirs et aux besoins des hommes, servant à justifier leurs actes tout en en générant d’autres, des actes aussi divers que les représentations élaborées en allant de la violence à la protection et en passant par la contemplation ou la collaboration.
Comment l’homme a-t-il largement pris en main et bâti la condition de l’animal ? Comment celui-ci est-il utilisé, traité, pensé par l’homme ? Comment la dépendance de l’un s’est-elle installée à mesure du contrôle de l’autre ? Pour appréhender tout cela, il faut s’éloigner de l’instant immédiat et embrasser l’épaisseur du temps depuis les premières rencontres entre l’homme et l’animal. Beaucoup d’aspects actuels sont anciens, contrairement à ce qu’on croit souvent, d’autres ont été peu à peu modifiés, certains sont récents. L’histoire révèle les traits les plus importants et les plus profonds du statut de l’animal. Elle montre leurs constitutions, leurs adaptations, les modifications sporadiques des uns, les permanences des autres. Elle fait comprendre le contemporain en expliquant sa genèse, en dévoilant ses antécédents et ses originalités. Elle révèle la complexité, la pérennité ou le provisoire des choses et permet ainsi d’éviter les erreurs d’analyse et la tentation de théoriser des situations éphémères.
La diversité des thèmes abordés est à la mesure de la complexité du sujet et des interactions entre ses multiples composantes. Certains aspects, tels l’élevage, la chasse, les viandes, la pensée scientifique, le symbolisme, l’histoire du chien, ont été plus développés, à titre d’exemples, pour bien montrer les processus. Le cadre géographique est celui de la France tout en tenant compte des importants héritages grec, romain, juif, germanique, etc., et des influences étrangères. Le savoir étant une moisson collective, le lecteur trouvera à la fin une bibliographie non exhaustive, constituée des travaux récents ou indispensables, utilisés pour bâtir cet ouvrage.
LE VALET DU QUOTIDIEN
L’épisode récent de la fièvre aphteuse a frappé l’opinion. Des troupeaux entiers, infectés ou seulement susceptibles de l’être, ont été abattus et accumulés en de grands brasiers alors que la maladie peut être traitée pour les bêtes et reste bénigne po

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